Culture

Guillaume Diop : « Il n’y a pas de milieux réservés aux Blancs »

Un article de Lina Rhrissi datant du

 

« Dès mes premiers pas de danse, je me suis senti libre. Je suis né dans le 18e… Ma mère est auvergnate et mon père sénégalais.

C’est par hasard que j’ai découvert la discipline à l’âge de 4 ans. En voyant le spectacle de fin d’année de ma sœur, j’ai demandé à rejoindre le cours d’éveil à la danse contemporaine. A 8 ans, je suis entré au Conservatoire de danse classique. Ce fut mon premier choc culturel.

Dans la classe, j’étais le garçon métis entouré de petites filles blanches. A 10 ans, j’ai intégré le sport-études du Conservatoire à rayonnement régional (CRR) de Paris. L’école primaire se trouvait dans le 16e. Deuxième choc et premières remarques racistes. Un camarade de classe m’a dit : « De toute façon toi tu ne pourras jamais être danseur professionnel. »

A la maison, mon père voulait que je fasse du foot comme tous les garçons et disait que la danse était un sport de Blancs. Au fond, il avait peur que je ne trouve pas ma place dans ce monde créé dans la cour de Louis XIV.

Moi je m’en fichais, j’avais envie de danser ».

En CM2, un professeur du CRR a dit à mes parents que j’avais le potentiel pour passer l’audition de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Mais il les a aussi prévenus : « S’il n’est pas pris, c’est soit parce qu’il n’a pas de cou-de-pied, soit parce qu’il a des grosses fesses, soit parce qu’il est Noir. » Il n’avait pas de mauvaises intentions mais voulait me protéger. Après ça je ne m’attendais pas à devenir un petit rat !

Quand j’ai eu 15 ans, Benjamin Millepied, directeur de l’Opéra de Paris,… chorégraphe américain a ouvertement critiqué l’absence de personne de couleur au sein de l’institution et l’idée selon laquelle un danseur noir serait une « distraction » dans un corps de ballet.

Pour moi, ce fut une grosse remise en question. J’ai réalisé qu’il n’y avait jamais eu d’étoile noire ou métisse, et qu’on ne me laisserait peut être jamais interpréter certains rôles du répertoire, comme ceux de roi ou de prince. De l’autre côté, j’avais l’impression que les rares danseurs noirs célèbres étaient uniquement des symboles.

Pour trouver des réponses, j’ai fait un stage au Alvin Ailey American Dance Theater, à New York… Pour la première fois de ma vie, j’ai eu le sentiment d’appartenir à une communauté. J’ai failli accepter le contrat qu’ils m’ont proposé. Mais une professeure me l’a déconseillé : elle m’a dit qu’aux Etats-Unis, ce serait facile mais qu’en France, ma différence faisait ma force. Et j’aimais trop le classique !

Cette rencontre a été un déclic. J’avais enfin un objectif, danser a pris un sens. Mon niveau a progressé en flèche et je suis entré à l’Opéra de Paris à 18 ans.

… Surtout, je veux montrer qu’on peut être noir et danseur de classique. Aujourd’hui, il n’y a plus d’obstacles pour le devenir. Le vrai problème, c’est le manque de représentation et les barrières mentales et sociales qui empêchent les enfants de se lancer. Il n’y a pas de milieux réservés aux Blancs. »

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