Société

L’immoralisme politique en Guadeloupe

Aura-t-on des politiciens guadeloupéens corrompus jetés dans des poubelles, comme en Ukraine ?

La corruption, régulièrement relayée par les medias, est elle l’ultime avatar ou le degré zéro de la banalité politique guadeloupéenne ? Ou alors l’immoralisme des électeurs justifiera-t-il l’Alliance Baie-Mahaultienne?

Parmi les dimensions de ce que l’on nomme un peu globalement « crise du politique » ou « crise de la représentation politique », celle liée aux interpellations et aux mises en cause des élus et des gouvernants sur leurs « atteintes à la probité publique » est prégnante.

Dans ce cadre, deux visions, bien représentées dans le débat contemporain, s’opposent sous la forme d’un paradoxe déjà relevé aux États-Unis au début du 20e siècle.

D’un côté, dans un élan d’unanimisme suspect, on observe la multiplication des dénonciations de « scandales politiques » et la stigmatisation de la « corruption » au nom de la morale et de la bonne démocratie. La médiatisation des « scandales » impliquant des élus et des ministres a atteint depuis 10 ans (de l’affaire Urba aux marchés de la région Île-de-France) un niveau inégalé et des responsables politiques majeurs continuent d’être régulièrement mis en cause.

Les atteintes à la probité publique sont ainsi (re)devenues un problème public incontournable, largement structuré par des représentations aux sources multiples. De fait, si la fréquence et le succès de ces dénonciations des hommes politiques corrompus et des appels à la vertu publique peuvent être attribués à la « réussite » d’entrepreneurs de morale animés par le souci de « juger la politique », voir Jean-Louis Briquet, Philippe Garraud, juger la politique… , ils sont aussi, souvent, associés à la vision idéale d’un citoyen critique et clairvoyant, prompt à percevoir et dénoncer les atteintes à la probité publique.

Ce citoyen, bien informé, identifierait facilement les abus de fonction et les fraudes, et en évaluerait les bénéfices et les coûts collectifs pour sanctionner, électoralement, les élus.

D’un autre côté, pourtant, les impacts politiques et sociaux de ces accusations ne semblent pas avoir d’effets radicaux ni sur l’image des acteurs politiques, ni même sur leurs résultats électoraux. Plusieurs réélections de candidats concernés par des accusations d’atteinte à la probité publique (J. Tiberi dans le 5e à Paris, J. Mellick à Béthune, P. Balkany à Levallois-Perret, F. Bernardini à Istres, J. Chirac lors de l’élection présidentielle) semblent démentir l’optimisme relatif de la première posture.

Il paraît possible de crier au scandale du « Tous pourris ! », tout en accordant des mandats électifs à des candidats accusés de corruption. Ainsi, les électeurs ne sanctionneraient pas, ou peu, les atteintes à la corruption publique.

Loin de l’emporter, les principes de probité seraient au contraire battus en brèche par des formes de « tolérance » à la corruption, caractérisées par des jugements mesurés à l’égard de pratiques illégales ou déviantes ou par l’absence de réaction et de sanction. Pour certains analystes, ces évaluations indulgentes de la corruption politique alimenteraient la passivité des citoyens et le déclin généralisé de la confiance dans les démocraties.

Si les pratiques dévoyées des élites politicoadministratives (officials’ misconduct), impliquées dans des actes de corruption, suscitent des jugements négatifs de la part des citoyens, et entraînent un déclin de la confiance, il n’est pas certain que la sanction politique s’ensuivrait.

La corruption est favorisée, comme l’a montré l’affaire Respire + par le développement d’un « mauvais » capital social, sous la forme de liens de confiance, de valeurs et de réseaux de pouvoir au service des pratiques corrompues.

La mise en évidence de phénomènes de sanction des conduites politiques transgressives n’est pas probante en Guadeloupe. Vouloir identifier à tout prix une vigilance citoyenne vertueuse parait peu crédible.

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Théo LESCRUTATEUR

Théo LESCRUTATEUR

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