Société

Brandissons-nous les cadavres des Antilles ?

Dans « les chênes qu’on abat », Malraux dit du Général de Gaulle qu’il avait dressé à bout de bras le cadavre de la France, en croyant, en faisant croire au monde, qu’elle était vivante. Nous aussi portons à bout de bras les cadavres de la Guadeloupe et de la Martinique, en croyant, en faisant croire au monde qu’elles sont vivantes.

Les autres îles et pays de la région sont également ravagés par le crime, les cartels de la drogue, l’obésité, le diabète, les viols, l’analphabétisme, la corruption. C’est dans la zone Caraïbe et Amérique latine que les taux d’homicides sont les plus élevés au monde.

Eduardo Galeano dans « Les veines ouvertes de l’Amérique latine », – actualisé en 1978-, analysait l’histoire implacable du pillage d’un continent.

Nous avons perdu jusqu’au droit de nous appeler Américains, bien que les Haïtiens et les Cubains soient apparus dans l’Histoire comme des peuples nouveaux un siècle avant que les émigrants du Mayflower aient atteint les côtes de Plymouth. Aujourd’hui pour le monde entier, l’Amérique, cela signifie : les Etats-Unis. Nous habitons, nous, tout au plus, une sous-Amérique, une Amérique de seconde classe, à l’identité nébuleuse…

Le nord-est du Brésil est actuellement la région la plus sous-développée de l’hémisphère occidental, une gigantesque concentration d’horreur et de misère pour 30 millions d’individus. Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, nous indiquait, chiffres à l’appui, Eduardo Galeano. On y comptait plus de laveurs de pieds que de cireurs de bottes : contre une pièce de monnaie, des enfants lavent les pieds nus de leurs clients, qui n’ont pas de chaussures à lustrer.

@Association Haïtienne pour la promotion d’un Développement Autonome

La durée de vie moyenne d’un Haïtien est à peine de plus de 50 ans. 5 haïtiens sur 10 ne savent ni lire ni écrire. On cultive les pentes accidentées des montagnes pour la consommation interne et les vallées fertiles pour l’exportation. Le café, la canne à sucre, le cacao et autres produits réclamés par le marché nord-américain occupent les meilleures terres. Personne ne jouera au base-ball en Haïti, mais le pays est le principal producteur mondial de balles de base-ball. (Note 97Land : Jusque dans les années 90, les balles de ce sport étaient fabriquées en Haïti. A la suite de problèmes politiques, notamment l’embargo imposé par les Etats-Unis sur le pays en 1991, les compagnies sont parties et sont allées s’installer dans d’autres pays d’Amérique centrale)

On trouvait des ateliers où les enfants pour un dollar par jour, montaient des cassettes et assemblaient des pièces électroniques. C’étaient bien entendu des produits d’exportation. Le moindre geste de protestation impliquait ici la prison ou la mort.

Pour incroyable que cela paraisse, les salaires des travailleurs haïtiens avaient perdu entre 1971 et 1975, un quart de leur très faible valeur réelle. Il est significatif qu’on ait vu un nouveau flux de capitaux nord-américains entrer dans le pays pendant cette période. (1)

Sonet Saint-Louis, dans le National du 17/08/2021, nous indiquait qu’avec les politiciens haïtiens, on peut s’attendre à tout. (Il n’y a plus aucun doute quant à la volonté d’Aryel Henry de se maintenir au pouvoir aussi longtemps que possible, mais à condition que ceux qui l’ont hissé à ce poste le souhaitent aussi. Contre toute attente, ce 1er ministre se présente comme le nouvel homme fort d’Haïti). Il a fait un émule, en Guadeloupe, en la personne de Cédric Cornet, indéboulonnable, malgré les crises et scandales qui entachent tant sa gestion de la mairie du Gosier, que celle de la Riviera du Levant.

Fruit de la dernière volonté de Jovenel Moïse, le médecin neurochirurgien Aryel Henry, va plus loin que celui-ci si on se réfère à la proposition d’accord qu’il a présentée à la nation. Ceux qui l’ont remis en vie après l’exécution brutale du Président Jovenel Moïse, soit par calcul politique, soit par manque de vertu et de cohérence politique, sont obligés aujourd’hui de s’en mordre le pouce.

Quant à la communauté internationale, elle s’est encore une fois embourbée dans une crise haïtienne qui, chaque jour, devient de plus en plus compliquée.

En Haïti, on ne se préoccupe pas du respect des principes et des règles. Il s’agit de se demander si la personne qui viole les règlements constitutionnels et les lois, qui pille ou qui massacre est du bon bord ou du bon côté du vent.

Quoique chez nous aussi, c’est le refus viscéral de l’ordre. Chacun a ses médiocres, ses voleurs, (là on pourrait dire comme en Guadeloupe, Respire+, l’usine de masques, ou comme en Martinique, le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets), ses incompétents notoires à recycler et à hisser au pouvoir. Au bout du compte, on réalise qu’on répète les erreurs passées, que les hommes au pouvoir sont dramatiquement incompétents.

Haïti n’est pas seulement assise sur des plaques sismiques qui occasionnent de temps en temps ses malheurs et son désespoir.
En Guadeloupe et Martinique, les plaques sismiques de l’obscurantisme (en témoigne la crise Covid), de la haine, de violences incontrôlables, de l’appauvrissement intellectuel jusqu’à frôler l’indigence absolue de la pensée, de méconnaissance de la réalité géopolitique, (que n’a-t-on entendu lors du déclenchement de la guerre en Ukraine) due à un référentiel syndicalo- mondialiste-prolétarien fait de bric et broc gwada-matinino, de l’incurie de nos représentants élus et du personnel qui compose nos assemblées politiques, entraînent nos territoires vers le fond.

Le philosophe Michel Onfray dans un entretien accordé à l’hebdomadaire de l’île Maurice, « Week-end », du 16 mars 2013, nous confiait :

« J’ai eu l’occasion d’interviewer Sarkozy pour Philosophie Magazine, et Hollande pour Le Nouvel Observateur, ce qui m’a permis de mesurer leur inculture…

Les politiciens d’aujourd’hui ne sont pas des gens qui pensent et réfléchissent ».

 

1) Le Nouvelliste, Port-au-Prince, Haïti, 19-20 mars 197 cité par Agustin Cueva dans El desarrollo del capitalismo en América Latina, ed. Siglo XXI. Mexico. 1977

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Théo LESCRUTATEUR

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