La nouvelle obsession identitaire en Guadeloupe et Martinique
Le thème de l’obsession identitaire est au cœur de tristes polémiques sur les réseaux sociaux antillais.
Devant l’utilisation tous azimuts du terme « identité », le sociologue Philippe Forget se veut rigoureux. Il rappelle d’abord que l’identité est fondée par la reconnaissance de soi et d’autrui.
Nul être humain, nul groupe humain, ne peut échapper à ce double regard. Par cela même les tenants de « l’identité immatriculaire et sécuritaire » sont dans la fiction.
Il faut saisir l’identité humaine « dans son procès de formation et d’identification ». Nul ne s’en étonnera, il se confronte à l’incontournable Paul Ricoeur qui, dans Soi-même comme un autre parle d’« identité narrative ». Philippe Forget s’inscrit dans ce registre de subtilité tout s’en distinguant par une insistance sur l’aspect concret des constructions identitaires.
L’identité est une réalité : « Qu’il soit individuel ou collectif, le sujet arbore une identité à la fois par ses traits distinctifs et par son dire singulier ».
Philippe Forget affirme que « l’identité narrative procède d’un rapport langagier de soi à soi, d’une narration compréhensive de soi et des autres, liée à celle de soi par les autres ». Il souligne que « l’essentialisme identitaire n’est rien d’autre qu’un fétichisme du passé, révélateur pour sa part, d’une impuissance à affronter le devenir et à ouvrir un monde ».
Si l’identité, ou plutôt les identités sont bien sûr des réalités, il est aberrant d’en faire des fétiches. Laisser de côté les conceptions essentialistes n’est pas se renier. C’est s’inscrire dans le monde réel. C’est avoir une véritable conscience de sa propre personnalité dans une situation où les personnalités sont multiples. Pour Philippe Forget « l’identité narrative forme le plus solide socle identitaire du sujet ». Il ajoute : « Les traits physiques apparaissent eux-mêmes comme toujours travaillés par leur interprétation symbolique. »
Edouard Glissant évoquait » la tentation macoutique » des déracinés.
En période pandémique, nous devons nous rendre également compte avec Barthes, que » le virus de l’essence » est aussi présent dans nos territoires.
L’ obsession identitaire de Philippe Forget, éditions Berg International et commentaires dans Humanisme 2017/3 Cairn Info
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