Culture

La Jeanne D’ARC noire, mère de la Révolution africaine

KIMPA VITA enseignait que Jésus, les apôtres, et de nombreux personnages bibliques étaient noirs, que le « Kongo » était la Terre Sainte, et que le peuple « kongo » était le peuple élu.   

Elle a affirmé avoir reçu des saints la mission de délivrer son pays de l’occupation, et est allée trouver son Roi pour le rétablir sur son trône. Capturée, elle a été condamnée à être brûlée vive après un procès en hérésie. Elle est une personnalité mythique qui inspire une multitude d’ouvrages littéraires, historiques, et désormais cinématographiques.

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Remontons le cours de l’histoire. Nous sommes en 1704, dans le royaume du Kongo. Nous parcourons un immense pays au cœur de l’Afrique, qui comprendrait de vastes étendues du Congo, du Zaïre et de l’Angola actuels.

KIMPA VITA grandit à une époque où la guerre civile fait rage entre différentes factions au sein du royaume, marquée par les pillages et le dépeuplement provoqué par la traite esclavagiste.

Elle a commencé à prêcher dans la ville kongolaise de Mbanza Kongo, (et appelée San Salvador par les portugais), car elle voulait que cette ville redevienne la capitale. San Salvador était abandonné depuis vingt ans, et le roi du Kongo, intronisé en 1696, Pedro IV refusait d’y résider.

Elle a été initiée dés son plus jeune âge au sein de la société secrète dite Kimpasi ( ette société ayant pour mission de délivrer les gens des forces du mal à travers des cérémonies d’exorcisme).

Baptisée (l’évangélisation s’est produite dès la fin du XV ème siècle), elle se dit possédée par l’esprit de Saint-Antoine de Padoue, un saint catholique populaire. La parole de KIMPA VITA est accusatrice. Les Européens sont des imposteurs qui ont usurpé le christianisme pour leurs basses besognes. Les missionnaires italiens et les portugais colonisateurs sont impliqués dans le trafic d’esclaves. Le message émancipateur ne peut pas être celui des oppresseurs. Elle appelle à un boycottage des sacrements : plus de baptêmes, de confessions, de mariages.

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Mbanza Kongo (San Salvador) est  surnommée par KIMPA VITA « La Bethléem biblique ». Elle incite à brûler les fétiches et objets de culte africains, mais aussi la croix du Christ…

Le sang de Jésus est représenté par la sève rouge d’un arbre connu sous le nom de Nkula. Elle appelle à la refondation du royaume du Kongo sous le signe de la pureté, pour établir un ordre nouveau, en attendant le retour du Messie. Elle finit par dénoncer Pedro IV comme faux roi, puisque ce dernier reste soumis aux puissances coloniales et ecclésiastiques.      

Face au danger que représentaient ses idées subversives, car KIMPA VITA est suivie par plus de 80 000 fidèles, « Nous aussi, nous avons des saints au Kongo. Les Blancs ont blanchi Dieu pour leur profit », les missionnaires complotent avec Pedro IV, inquiet. Même la propre femme de Pedro IV, Dona Maria Hipolita et des généraux de son armée se sont convertis à ce nouveau messianisme. 

Elle mettait en danger non seulement les missionnaires et les deux rois concurrents de l’époque, mais aussi le juteux trafic d’esclaves.

C’est l’Eglise qui initia le procès en hérésie, et la peine prononcée fut celle réservée aux sorcières : la mort par le feu.

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Cette Jeanne D’ARC noire présente d’étranges similitudes avec la Pucelle d’Orléans. Le Vatican la canonisera d’ailleurs en 1920.

On a souligné que l’héroïne noire présente les mêmes caractéristiques que la Sainte française, ainsi que le destin métaphysique dont la crémation sur le bûcher expiatoire n’est qu’une transition vers une ascension spirituelle. Ces comparaisons énervent d’ailleurs certains, qui font remarquer notre propension à chercher des références extérieures. Ce serait le triomphe de l’hégémonie culturelle occidentale, mise en exergue par Aminata Dramane Traore dans «  Le viol de l’imaginaire ».

Mais ne s’agit-il pas tout simplement de créer des lieux de savoir un peu partout, de faire en sorte qu’ils s’interpénètrent, pour que chaque communauté humaine puisse apporter sa contribution à la culture universelle ? 

KIMPA VITA en ce sens est un phare. En langue africaine, « Kimpa » signifie « ruse », et Vita  « guerre ou guerilla ». Elle appelle le peuple kongo à édifier une société plus humaine, sans faste et sans misère, sans maître et esclave.

Elle enseigne aux femmes à ne plus avoir peur, et à se libérer du contrôle des hommes. Est-elle la pionnière de la libération sexuelle et féminine ?

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Pendant leurs séances de prières, les « Antoniens » (les membres de sa secte) se livraient-ils à des relations sexuelles, charnelles ? Ce sont en tout cas les accusations des missionnaires qui feront tout pour la discréditer, et la présenter comme une femme de mauvaise vie. On sait qu’elle avait deux compagnons, et qu’en 1706, elle eut un enfant d’un d’entre eux, ce qui déclencha une vaste campagne de calomnies de l’Eglise catholique contre «  la fausse sainte », «  la soi-disant Vierge Noire ». Son compagnon et son enfant périrent également sur le bûcher.

 Elle ne cessait de proclamer que les Cieux feraient naître un autre Prophète, pour arrêter l’esclavage et sauver l’homme noir.  

Ce christianisme de libération culturelle et politique ne préfigurait-il pas les nouvelles doctrines  de la foi prônées entre autres par Simon KIMBANGU à partir de 1921 ?


L’Europremière du film documentaire «  KIMPA Vita : la mère de la Révolution africaine », œuvre de Ne Kunda Nlaba,  sera projetée le samedi 29 octobre 2016,  à 17 h 30 au cinéma «  Le Brady sur Paris » du 10 ème arrondissement, puis le vendredi 4 novembre 2016 à 20 h 30 au Cinéma Peckhamplex à Peckham à Londres, et le samedi 5 novembre 2016 à Bruxelles. 

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Théo LESCRUTATEUR

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3 Comments

  1. octobre 29, 2016 at 11:05 — Répondre

    Bonjour,
    A quand la projection en Guadeloupe qui en a tant besoins par ces temps de disette spirituelle ???

    • octobre 29, 2016 at 17:35 — Répondre

      Rien n’est prévu pour l’instant. Nous vous informerons des différentes projections dans les prochaines semaines.

  2. février 22, 2018 at 12:59 — Répondre

    Le seul regret de ce tour d’horizon est que l’esclavagisme n’est pas une invention de blancs. Que cette pratique est exercer AUSSI par les noirs envers leurs congénères, que la traite arabo-musulmane est absente totalement du discours de l’auteur alors qu’elle fut antérieure et autrement plus dévastatrice que celle des blancs, et qu’elle dure encore, comme en Mauritanie.
    Il eu fallut de presque rien pour me convaincre, si ce n’est y ajouter que les noirs et les arabes furent des esclavagistes AUSSI!
    Gérard Brazon

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