Société

Huguette Bello nouvelle présidente de la Conférence des RUP

A l’occasion de la XXVIIIe Conférence des Présidents des Régions Ultrapériphériques à Tenerife, le 9 novembre 2023, le Président des Canaries, Fernando Clavijo, a transmis la présidence de la Conférence des RUP à la Présidente de la Région Réunion. Des extraits de son discours devant la Commissaire européenne chargée des RUP, Elisa FERREIRA, le ministre chargé des Outre-Mer Philippe VIGIER, le ministre espagnol, Pascual NAVARRO RIOS et le ministre portugais, Tiago ANTUNES.

« Je prends officiellement aujourd’hui mes fonctions à la Conférence des Présidents des Régions ultrapériphériques et je pense bien sûr aux responsabilités qui m’incombent désormais pour continuer à faire entendre la voix de l’ultrapériphérie.

Une présidence, c’est d’abord un relais.

C’est nécessairement un temps d’action et de transmission.

Et je m’inscris tout naturellement dans le prolongement des actions entreprises par mes prédécesseurs, et parmi les plus récents d’entre eux, les présidents, José-Manuel BOLIEIRO, Serge LETCHIMY et bien sûr Fernando CLAVIJO, que je remercie une fois encore pour l’accueil très amical qu’il nous a réservé ici à Tenerife.

Permettez-moi d’exprimer quelques convictions au moment où je prends la charge de cette présidence :

L’article 349 du TFUE mentionne expressément six caractéristiques objectives : « l’éloignement, l’insularité, la faible superficie, le relief, le climat difficile, la dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement au développement de ces régions ».

Ces contraintes pénalisent le développement de nos territoires, elles ne peuvent être résorbées, elles sont permanentes et c’est bien à ce titre qu’elles figurent dans le traité.

Pourtant, les dispositifs pour les compenser, quand ils existent, restent temporaires, et pour certains d’entre eux, même provisoires. C’est une incohérence à laquelle il nous faudra nous atteler et qu’il nous faudra surmonter.

Nous devrons aussi nous mobiliser dans le cadre des réflexions pour l’avenir de la politique de cohésion et recourir à notre atout juridique de l’article 349 du Traité. En cela, il nous faudra nous appuyer sur l’arrêt de la Cour de Justice, dit « arrêt Mayotte », pour conforter nos positions.

Ma troisième conviction c’est que nos situations sont diverses, les enjeux sont pluriels et qu’il nous faut partir du terrain, des besoins de nos populations, qu’il nous faut du « sur-mesure ». Je m’inscrirai également dans l’urgence ressentie en provenance de nos différents territoires, et certains d’entre vous ont d’ailleurs attiré, ce matin, notre attention sur des situations particulièrement alarmantes.

Enfin, une présidence de la Conférence, ce n’est pas un exercice solitaire. C’est un exercice qui ne peut réussir qu’avec l’ensemble du partenariat institutionnel européen, pour que, tous ensemble, nous puissions continuer à construire une vision, continuer à la partager et la rendre concrète.

Parmi les objectifs de cette présidence, je tiens à structurer une plateforme d’échanges sur les énergies renouvelables à partir de nos bonnes pratiques. Riches de nos atouts naturels, nous devons intensifier nos collaborations sur nos savoir-faire respectifs, et nous enrichir mutuellement de nos expériences…

Je veux ici vous assurer de mon entière disponibilité et tiens d’ores et déjà à vous redire mon attachement au rôle et à la responsabilité qui seront les miennes, dans une logique de démarche concertée, essentielle, face à l’enjeu que constitue la reconnaissance de nos spécificités.

Je prends la présidence de la Conférence dans une année particulière marquée par les élections au Parlement européen et qui seront suivies du renouvellement de la Commission européenne.

Plus que jamais, nous devons garder le cap et faire prévaloir le statut des RUP à tous les niveaux et instances de l’Europe…

Nous estimons clairement que les Régions ultrapériphériques ont une responsabilité particulière dans la mise en œuvre de ce pacte. Cette transition vers une économie de plus en plus affranchie du carbone, nous y sommes d’ailleurs engagés depuis de nombreuses années avec des résultats significatifs.

En termes de développement des énergies renouvelables, d’installation de chauffe-eau solaire, d’habitats bio-climatiques, de conversion à la biomasse de nos centrales thermiques. Cette transition est vécue non pas comme une contrainte mais bien comme une chance à saisir; elle témoigne aussi d’une conviction désormais largement partagée par nos populations. Les changements à mettre en œuvre nécessitent incontestablement l’adhésion de nos citoyens et leur sens du partage de l’effort.

C’est pourquoi nous faisons aussi de la souveraineté alimentaire à La Réunion une priorité de la nouvelle économie que nous voulons bâtir et que nous devons intensifier nos efforts en matière taux de couverture de nos besoins à l’horizon 2030.

L’acceptabilité sociale est importante: elle est l’une des conditions à la réussite d’une décarbonation durable de nos économies. Elle est aussi la solution pour créer collectivement les conditions d’un avenir durable.

Pour renforcer cette acceptabilité, l’Europe doit nécessairement composer avec d’autres territoires comme les nôtres qui doivent constamment rééquilibrer et compenser les contraintes de l’éloignement et de l’isolement.

Je pense, ici, évidemment à la mise en œuvre des futures dispositions relatives au transport aérien, au transport maritime, également au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à celles relatives à l’énergie prévues dans le paquet « Ajustement à l’objectif 55 ».

La question que je souhaite poser aujourd’hui est celle des efforts que nous devons accomplir pour une transition écologique réussie dans nos territoires.

Quel est le juste prix de la transition écologique pour des Régions ultrapériphériques et pour des régions européennes continentales ? J’ai la conviction qu’il ne peut être le même.

Compte tenu de l’absence d’alternatives crédibles et fiables permettant à nos populations de se déplacer autrement que par l’aérien, à nos territoires de s’approvisionner en denrées alimentaires autrement que par le maritime, à nos acteurs économiques de produire autrement que par l’importation de matière première inexistante sur nos territoires, à nos agriculteurs de développer des circuits courts et de satisfaire les besoins locaux autrement que par une révision cohérente du budget POSEI ?

Nous touchons, là, à des sujets vitaux pour l’ensemble de nos régions : Solidarité, pouvoir d’achat, compétitivité, souveraineté alimentaire. Or, nous savons déjà que nous ne parviendrons pas à faire notre transition écologique contre notre cohésion sociale, à faire notre transition écologique contre notre économie.

Si l’intention première de la Communication de 2022 est bien de donner la priorité aux citoyens des RUP, il nous appartient alors d’inventer ensemble une gouvernance écologique qui permette d’informer et d’associer nos citoyens à tous les stades de notre transition écologique, c’est-à-dire de la transformation économique et sociale de nos territoires.

Donner la priorité aux citoyens des RUP implique dès lors de pouvoir répondre à ces questions : ce paquet est-il de nature à imposer des obligations nouvelles, à faire supporter de nouveaux coûts, à faciliter l’intégration sociale de notre jeunesse, à encourager l’accès au marché du travail ; à réduire des inégalités sociales et de revenus ?

Autant de questions pour lesquelles nos concitoyens attendent évidemment des réponses. Car finalement le juste prix de la transition écologique renvoie d’abord à une notion de justice sociale et de justice économique auxquelles nous devons accorder, dans cette période particulièrement difficile, toute notre attention. A ce titre, j’accueille très favorablement les Conclusions du Conseil du 17 octobre dernier qui, à la veille de la COP 28, reconnaissent que  « la par cipa on du public, sa mobilisa on et son accès à l’information sont essentiels (…) pour promouvoir la justice sociale, l’équité et l’inclusion dans le cadre de la transition mondiale vers la neutralité climatique ».

Le défi de la lutte contre le réchauffement climatique, et c’est particulièrement vrai pour les régions ultrapériphériques, n’éteint pas les autres crises que nous traversons et qu’il nous faut mener de front. Celle du chômage, celle de la précarité, celle du décrochage scolaire de nos jeunes et du manque d’opportunités d’emplois.

C’est la raison pour laquelle je plaide aujourd’hui pour la co-construction de la déclinaison du Pacte Vert dans les RUP. Ces informations viendraient compléter et surtout mettre en perspective les premiers résultats de l’étude sur les conditions de vie dans les RUP que mène la Commission.

L’autre difficulté que nous devons surmonter, c’est que bien souvent l’action de l’Union européenne est trop cloisonnée entre son volet externe et interne. Chaque volet fonctionne « en silo » : on a, d’un côté, les politiques européennes et de l’autre côté une dimension internationale avec les accords de partenariat économique, de pêche ou encore les stratégies internationales comme celle de l’indopacifique ou encore Global Gateway.

J’ai la conviction que donner la priorité aux citoyens des RUP, nous impose de mettre du lien et de la cohérence entre ces deux volets : C’est, bien sûr, pour nos agriculteurs la question des clauses miroirs, qui obligeraient les produits importés à respecter des normes environnementales et sanitaires aussi exigeantes que les nôtres. C’est aussi l’impérieuse nécessité d’exclure les sucres spéciaux des accords commerciaux. C’est pour nos pêcheurs la question des aides au renouvellement de leurs flottes qui leur permettrait, dans des conditions sécurisées, d’avoir accès à une ressource qui est aujourd’hui captée par des navires de pêche étrangers et européens.

Évidemment, vous comprendrez que la question de ce déséquilibre entre les volets interne et externe des politiques européennes reste politiquement et économiquement très sensible. Car cela nous renvoie, encore une fois, plus largement à la question de l’équité dans le traitement par l’Union européenne des RUP et des pays tiers aux exigences environnementales moindres…

A la veille de la présidence réunionnaise de la conférence des Présidents des RUP, je souhaite vous dire que vous me trouverez toujours disponible pour chercher et trouver des solutions adaptées à nos territoires.

Nos régions sont indéfectiblement attachées à l’UE et je suis persuadée que collectivement nous pouvons réaliser des avancées au bénéfice de tous.

C’est la raison pour laquelle je souhaite porter plusieurs messages qui doivent, sans doute, être enrichis par les contributions de chacun.

–  Celui de l’enjeu essentiel de la politique de cohésion : pour optimiser l’utilisation des crédits européens, il est indispensable que l’État assume financièrement les champs qui relèvent de sa compétence et qu’il ne se désengage pas, dans le respect du principe d’additionnalité ;

–  Celui de l’élargissement de l’Europe dont l’une des conséquences devra nous inciter à agir, pour ajuster les critères d’accès aux fonds de la politique de cohésion. Pour ce faire, seul le recours à l’article 349 du TFUE permettra une éligibilité de droit des RUP, pour continuer à bénéficier pleinement de ces fonds ;

– Celle d’une approche résolument plus cohérente des politiques européennes.

Je suis convaincue que nous pouvons agir rapidement sur ces sujets.

Leurs prises en compte constitueraient de la part de l’Union européenne une avancée majeure qui donnerait aux RUP les moyens d’affronter non seulement les défis d’aujourd’hui, qui restent marqués par les urgences économiques et sociales mais aussi les enjeux de développement harmonieux et durable de nos territoires ».

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