Société

De l’accompagnement du phénomène de vieillissement (suite)

La suite de la discussion à l’Assemblée Nationale sur la proposition de résolution sur la Pan d’accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique.

M. Michel Castellani.

… Si tous les territoires sont concernés par le vieillissement, la situation de la Martinique est plus qu’alarmante. En 50 ans, elle va devenir le département le plus vieux de France, alors qu’elle en était l’un des plus jeunes. Ce glissement accéléré a une cause principale : l’exode massif des jeunes générations, entre autres les étudiants, qui sont nombreux à quitter leur île pour poursuivre leurs études.

L’inquiétude à l’égard du vieillissement est d’autant plus forte que celui-ci se conjugue avec d’autres problèmes, tout particulièrement la pauvreté. De manière générale, les territoires ultramarins, périphériques et insulaires rencontrent souvent les mêmes problèmes : leurs habitants vieillissent plus vite – et plus mal –, et les difficultés rencontrées sur le continent y sont décuplées. Je pense également à la Corse, qui m’est quelque peu chère, vous le savez.

Or les obstacles se cumulent. Lors de l’examen du texte précédent, nous évoquions la désertification médicale, qui progresse. Dans les territoires insulaires, les inégalités d’accès aux soins sont aggravées ; mais dans le même temps, les besoins en santé de leurs populations vieillissantes augmentent. En Martinique, particulièrement, la faible densité médicale fait courir un risque de non-recours aux soins plus fort qu’en métropole.

Quant à la politique de soutien à l’autonomie, elle continue elle aussi d’être affaiblie par un sous-investissement et des inégalités territoriales très fortes…

Les inégalités territoriales empêchent de prendre en charge la dépendance de manière homogène et satisfaisante sur l’ensemble du territoire : des disparités se font jour et des manques très forts existent en outre-mer. Ainsi, comment ne pas s’intéresser à une proposition prévoyant des mesures et des attentions renforcées en direction de la Martinique, comme à toutes celles qui visent à protéger les territoires les plus vulnérables ?

Le rapport rédigé par Luc Broussy sur l’adaptation de l’habitat au vieillissement consacre un chapitre entier à la situation de la Martinique et de la Guadeloupe, qu’il juge alarmante. Il invite à instaurer un plan spécifique pour anticiper et pour préparer le vieillissement massif des populations. Le rapport Libault, lui aussi, insiste sur la situation d’urgence que vivent certains territoires, plus exposés que d’autres à ce problème du vieillissement.

Nous le savons tous, la question de l’autonomie, de la prise en charge de la dépendance, est centrale pour notre cohésion sociale et territoriale. Pour y répondre, vous proposez la création d’une agence unique de l’autonomie, qui associerait l’État et la collectivité territoriale de Martinique. En dépit du développement encore parcellaire des maisons de l’autonomie, nous ne pouvons qu’encourager le développement d’une logique de guichet unique, car nous regrettons l’éclatement des compétences en la matière…

Plus récemment, la commission des lois de l’Assemblée a adopté, dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, des dispositions visant à favoriser le développement des logements-foyers en outre-mer, notamment les résidences autonomie et les logements-foyers en habitat inclusif. Ces avancées sont bienvenues et répondent en partie aux demandes de la présente proposition de résolution, mais nous regrettons qu’elles ne soient pas intégrées à une réforme globale de soutien à l’autonomie, qui permettrait de garantir la cohérence des mesures appliquées au niveau national, mais aussi de porter une attention accrue aux particularités territoriales et de prévoir des adaptations si nécessaire…


Le groupe Libertés et territoires soutiendra la proposition de résolution. 

Mme Caroline Fiat.

Lundi dernier, l’INSEE publiait ses projections démographiques pour 2070 et rappelait que le vieillissement de la population était inéluctable. Ainsi, d’ici à 2070, le nombre des personnes âgées de 60 à 74 ans restera stable, mais celui des 75 ans et plus augmentera de plus de 5 millions. Tous les territoires ne seront pas touchés de la même manière et c’est à double titre que cette proposition de résolution visant à lancer un plan exceptionnel d’accompagnement du phénomène de vieillissement accéléré de la Martinique arrive à point nommé.

En 2019, le rapport Libault nous a alertés sur la situation de la Martinique, prédisant qu’elle deviendrait le plus vieux département de France en 2050. Pour rappel – il ne faut pas avoir peur de répéter ces chiffres –, un retraité sur 4 perçoit le minimum vieillesse, un retraité de plus de 65 ans sur trois vit seul et de manière potentiellement isolée, et plus de la moitié des retraités martiniquais vivent en dessous du seuil de pauvreté, lequel est de 615 euros en Martinique contre un peu plus de 1 000 euros dans l’Hexagone – plus d’un retraité sur 2 !

C’est donc à juste titre qu’il convient de déclencher un plan exceptionnel d’accompagnement du vieillissement en Martinique. Nous connaissons la situation actuelle et la situation passée du département et nous savons que le nombre des retraités âgés va augmenter, malgré la volonté de la majorité de repousser l’âge de départ à la retraite.

À cet égard, le rapport d’information de la délégation aux outre-mer sur le grand âge dans les outre-mer soulignait déjà, en février 2020, que l’espérance de vie y était plus faible que dans l’Hexagone et que la proportion des personnes âgées dépendantes en Martinique dépassait la moyenne nationale.

Il paraît dès lors indispensable de consacrer des moyens supplémentaires aux territoires d’outre-mer les plus touchés par le vieillissement accéléré : la Martinique, tout d’abord, et peut-être ensuite la Guadeloupe et La Réunion – ces 3 territoires étant considérés comme prioritaires selon le rapport de la délégation aux outre-mer…

Mais revenons à la Martinique et à la proposition de résolution. Nous approuvons tout particulièrement la proposition de planifier la réhabilitation des EHPAD martiniquais et de créer de nouveaux EHPAD en lien avec les besoins croissants. En effet, en matière de santé gériatrique comme en matière de santé tout court, la Martinique et plus généralement les territoires d’outre-mer sont sous-équipés : les services publics présents sur place ne pourront plus, demain, faire face aux besoins.

L’ARS de la Martinique estime ainsi que 10 postes de gériatres supplémentaires seront nécessaires dans les dix prochaines années. La sous-dotation actuelle, pour ne pas dire le désert gériatrique, qui caractérise la Martinique aggrave le non-recours aux soins de personnes qui ont pourtant besoin d’une prise en charge et d’un soutien renforcé de la nation.
C’est pourquoi nous approuvons également la proposition de planifier la hausse progressive de l’allocation personnalisée d’autonomie, qui permettrait de limiter, et à terme de supprimer, le reste à charge pour les personnes dépendantes et leur famille – celui-ci est une autre explication des non-recours. Inutile de répéter une nouvelle fois les chiffres et les constats de la proposition de résolution, qui est parfaitement claire…

La majorité nous a promis à maintes reprises un projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie, mais elle vient de l’enterrer au profit de mesures qui ne sont pas à la hauteur du dénuement dans lequel vivent certains de nos anciens, et qui appellerait pourtant des décisions urgentes…
La proposition de résolution ne complétera donc pas le projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie, mais elle se conjuguera avec le programme de La France insoumise pour 2022, « L’Avenir en commun »…
Il s’agira notamment de développer un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles et de créer 10 000 places par an dans des EHPAD publics pendant 5 ans. Nous prévoyons aussi de former et de recruter au moins 210 000 personnes… Enfin, il nous faudra revaloriser les métiers et les revenus de l’ensemble des professionnels du grand âge, qu’ils travaillent à domicile ou en institution.

Cette proposition de résolution concerne spécifiquement la Martinique, mais elle ouvre la voie à une prise en charge ambitieuse et collective de nos aînés dans tous les territoires d’outre-mer. Elle a le mérite de rappeler la situation de personnes bien souvent oubliées car elles ne peuvent pas se mobiliser – contrairement aux générations plus jeunes, dont nous suivons actuellement les mobilisations aux Antilles et en Martinique.
Je salue, pour finir, les personnes âgées de la Martinique. Le groupe La France insoumise votera bien évidemment en faveur de la proposition de résolution. 


Résultat du scrutin 


Nombre de votants                         56
Nombre de suffrages exprimés   56
Majorité absolue                            29
Pour l’adoption                      19
Contre                                      37

La proposition de résolution n’est pas adoptée.

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