Littérature

Merry Sisal et Gisèle Pineau face à leur public

L’ASCODELA présentait le vendredi 26 février à la Médiathèque du Gosier : Les Voyages de Merry Sisal de Gisèle Pineau. Linette Pigeonneau, Renée Reynaud, Jacqueline Arsens et Georges Jeanne ont assuré la présentation du livre.

L’ AUTEUR

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@TeamPago

Gisèle Pineau a voulu faire un merveilleux cadeau au public guadeloupéen : honorer de sa présence le club de lecture du 26 février de l’association ASCODELA portant sur l’ouvrage « Les voyages de Merry Sisal » car elle fait partie des auteurs les plus favorablement médiatisés de la Caraïbe. Son univers romanesque concerne tous les publics, caribéens évidemment, mais aussi par exemple coréens ou allemands («Un papillon dans la cité» a été ainsi traduit en coréen).

Elle est aussi l’un des rares auteurs dont le lectorat peut être composé selon les ouvrages aussi bien de jeunes enfants que d’adultes. Cela est en partie dû au fait qu’elle a commencé à écrire à l’âge de sept ans.

Une certaine intimité s’est donc créée entre Gisèle Pineau et son public. Qui n’a déjà entraperçu sa photographie au hasard d’un passage en librairie, ou tout simplement sur les suppléments littéraires des magazines ? Mais pouvoir la voir, lui parler, sont des occasions rares que le public a paru appréhender comme une communion quasi charnelle. De sa voix douce et mesurée, comme un souffle fragile, elle a avoué d’emblée être aussi émue que les participants du club et fébrile en attendant les commentaires et les impressions des lecteurs. C’est un exercice auquel elle n’est pas habituée, nous a-t-elle dit.

Cependant les échanges ont laissé entrevoir très rapidement, en lieu et place de cette apparente vulnérabilité, une femme de conviction, qui lutte contre tous les préjugés et dont la grande force magnifiée par une écriture rare, est tout simplement d’affirmer que chacun sur cette terre a droit à sa chance et à sa part de bonheur, au-delà de la fragilité des choses et des êtres, et malgré les vicissitudes de la vie, à l’image de Merry, son héroïne haïtienne.

« Il y avait dans ses yeux une détermination presque guerrière, la rage de survivre, la mémoire trouble d’une innocence bafouée, une souffrance incandescente »

LA GENESE DU ROMAN : LE SEISME EN HAITI

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@ducatiperformancesparts

Le séisme en Haïti se produit le 12 janvier 2010. Or, Gisèle Pineau était invitée au festival « Etonnant voyageur » en Haïti et devait prendre l’avion pour Port-au-Prince le lendemain, 13 janvier 2010. Elle venait de revenir en Guadeloupe, après être restée huit ans en Région Parisienne.

Elle nous a livré son admiration pour la littérature haïtienne, très prisée de par le monde, et qui se caractérise par un nombre stupéfiant de poètes, d’écrivains, de talents multiples, d’artistes en herbe à profusion. On enregistre dans ce pays une soif incroyable de littérature, nous assure-t-elle.

Quand le tremblement de terre se  produit, alors qu’elle a entamé les préparatifs du voyage, elle est comme frappée de stupeur. Le monde entier a paru se porter au secours de l’île. On se souvient de Sean Penn, de Bill Clinton, au chevet du peuple haïtien, a-t-elle rappelé.

Très sollicitée, elle a jugé que les mots qu’elle pouvait délivrer étaient insignifiants, dérisoires, impuissants. Elle est retournée en Haïti deux ans après, mais les mots ne sortaient toujours pas. Pourtant d’autres écrivains, ont livré des productions poignantes sur le séisme, comme Dany Laferrière, dans  «  Tout bouge autour de moi ».

Elle aura mis en définitive cinq ans pour s’affranchir de ses doutes, jusqu’à ce qu’elle finisse par percevoir l’évidence. Elle parlera bien sûr d’Haïti, mais des exilés dans les départements français, que les habitants de ces derniers côtoient au quotidien, entre indifférence et appréhension.

LA STRUCTURE DU RECIT-LE STYLE

Nous assistons à un télescopage des lieux, des actions, des dialogues et monologues, sur 16 chapitres qui ne sont pas chronologiques, jusqu’au coup de théâtre final qui n’a pas été révélé au cours du club de lecture (et que nous ne révélerons pas).

Les intervenants ont suggéré une écriture en contrepoint (comme l’écriture musicale qui a pour objet la superposition organisée de lignes mélodiques distinctes). En effet, nous accompagnons Merry dans son parcours de vie et dans ses pensées, sans ligne directrice apparente. Gisèle Pineau laisse éclater son talent de romancière en brossant par touches successives et entrecroisées le portrait de Merry.

Cette dernière se révèle, en dialogue permanent avec ses enfants ou avec ses voix intérieures et nous restitue un univers mental éclaté.

On a pu aussi évoquer une structure en ragtime, cadencée. Sur la première page du livre, en exergue, la chanson de Bob Marley « Natural Mystic » laisse également  entrevoir ce rythme syncopé.

Par ailleurs, des expressions en forme de litanie reviennent régulièrement comme des refrains obsédants, soit comme prières liturgiques d’intercession (Augustine, la marraine de Merry en est coutumière), ou comme formules  incantatoires ou apaisantes, « Tommy et Florabelle, les prunelles de ses yeux »…

Gisèle Pineau va de plus puiser dans le langage créole pour ancrer le roman dans l’environnement caribéen. Elle n’a pas de parti pris, et ne fait preuve quant au choix des mots, d’aucune exclusive. Non, elle ne se censure pas. Elle revendique d’ailleurs, en réponse à l’interrogation d’une participante au débat, l’utilisation de termes sexuels explicites pour accéder à l’intimité de ses personnages.

UN LIVRE CARIBEEN, REALISTE ET SOCIAL

Les références constantes à l’actualité immédiate (tremblement de terre ), la dispersion de la diaspora haïtienne, les problèmes économiques et sociaux tant en Haïti qu’à Bonne-Terre et accessoirement en Guadeloupe, le contrôle de l’immigration haïtienne dans les départements français, en font un romain contemporain.

“Le tremblement de la terre d’Haïti” va être au cœur de l’intrigue. Employée de maison, Merry sort d’un tap-tap, quand  tout s’effondre autour d’elle, au sens propre comme au sens figuré. Après avoir essayé de se suicider, elle survit en vendant son corps. Après une sorte de trou noir, on la retrouve à Bonne-Terre, une île française des Antilles.

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La diaspora haïtienne

« La grande cousine Amanda fait la pacotilleuse depuis un quart de siècle dans les Antilles et ses alentours, butinant d’île en île, de Curaçao à Barbados, en passant par Antigua, Margarita, Puerto Rico, Panama, Saint-Kitts. »

Les réseaux d’entraide, les lignées familiales, tissent des liens de solidarité. Une grande partie de l’énergie des immigrés haïtiens consiste à se procurer des papiers en règle, et à éviter les centres de rétention administrative.

Avant même le tremblement de terre, « Amanda collectionnait des anecdotes incroyables sur les Nègres de Guadeloupe… Ces Français aimaient tellement danser le Kompa, mais faisaient la chasse aux Haïtiens accusés, là-bas, de travailler trop raide et pour pas cher, et d’ôter le pain de la bouche des enfants du pays… »

L’île de Bonne-Terre, un eldorado ?

Si sur la petite place du bourg de Bonne-Terre, « autour des roulottes qui puaient la vieille huile de friture, on vendait agoulous, bokits, cuisses de poulets grillés, pizzas à la sauce créole, sandwiches à la morue bien pimentées », la drogue et la prostitution sont évoquées. En écoutant Bob Marley, « une équipe de fumeurs de cannabis squattaient les marches de l’église en dodelinant de la tête. On aurait dit que ces dévoyés recevaient le message de Bob comme de vrais dévots ».

« Au son de la musique, des divas en mini-jupes et débardeurs se trémoussaient sur le trottoir, une cigarette au bout des doigts. Elles tentaient leur chance pour parer une fin de mois crasse, acheter le lait des enfants ».

La xénophobie rampante s’affiche au grand jour.

Bettina, l’amie de Merry, qui l’a accueillie à Bonne-Terre, doit supporter les réflexions racistes des clientes (elle est vendeuse sur le marché ). « La cliente avait alors lancé que de toute façon, elle n’avait pas l’intention d’acheter. Elle en avait plus qu’assez d’enrichir les Haïtiennes. « Où sont les marchandes de Bonne-Terre demanda-t-elle soudain à la cantonade. Vous ! Satanées Haïtiennes ! Vous les avez toutes chassées, et maintenant, vous détenez le monopole sur ce marché .. »

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CE REALISME EST TEINTE DE FANTASTIQUE

Car comment parler de l’indicible, s’agissant du tremblement de terre et de ses conséquences psychiques ? Ce fantastique va permettre de mieux entrevoir la réalité.

Merry avait déjà vu que chaque arbre du jardin portait dans ses branches des corps alanguis. S’ils n’avaient pas semblé trop menaçants, ils l’épiaient à présent, l’air peu amène.

Elle avait remarqué autour de la piscine, jonchant le deck, la présence de créatures démembrées, sanguinolentes, à l’agonie, qu’elle devait enjamber avec précaution… Et dans sa petite chambre, les spectres se faisaient oppressants. Ils la poursuivaient. ».

Merry avait l’habitude de confectionner des poupées pour sa fille. Une d’elles, Zazie, était sa préférée. «  En rêve, cette nuit-là, Merry se vit en train de coudre laborieusement le cou d’une poupée de chiffons. Elle piquait l’aiguille une dernière fois quand la poupée se mit à s’animer et à gémir avant de pousser un cri de douleur… La poupée se redressa, mauvaise. Arracha l’aiguille plantée dans sa gorge. S’empara du fil qu’elle passa autour du cou de Merry, serrant de toutes ses forces.    Et Seigneur ! Elle parlait Zazie, d’une voix de mégère. Elle demandait des comptes à Merry. Pourquoi es-tu partie sans te retourner ? Pourquoi nous as-tu abandonnés comme l’autre oiseau-voyageur ? Pourquoi as-tu échoué dans ton rôle de mère ?

DES THEMES RECURRENTS ET OBSEDANTS

L’exil et la quête sont des constantes dans l’œuvre de Gisèle Pineau, tout comme la dépression, la maladie mentale, les traumatismes.

Elle a affirmé qu’elle écrit contre l’oubli et l’indifférence. Peut-être un ressassement névrotique, a-t-elle confié au public avec humour.

La dimension psychanalytique et thérapeutique dans ce roman ne fait également pas de doute. Gisèle PINEAU a été infirmière en établissement psychiatrique pendant près de trente ans.

LES PERSONNAGES

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Les intervenants ont tout d’abord noté l’importance des prénoms et des noms, confirmée par Gisèle Pineau. L’écrivain nous a indiqué qu’elle ne peut pas faire semblant, tant pour les sujets et scénarios déployés, que pour les noms employés. Elle vit intensément ses personnages, et les dénominations attribuées doivent correspondre aux caractères.

Merry

Dans le nom de Merry Sisal, nous avons la juxtaposition du prénom Merry (joyeux) et de sisal (végétal dont les feuilles ont des fibres pour faire des sacs et des cordes). C’est l’image d’un  roseau qui plie mais ne rompt pas ?

Face aux défis auxquels elle est confrontée, on n’aurait guère parié sur elle. Pourtant, elle va résister et revendiquer le bonheur. Enfant, Merry dont la mère s’est suicidée sous ses yeux, est recueillie par sa marraine, femme d’une grande humanité et très croyante. Elle a un léger handicap à la jambe, d’où son surnom de jambe fine.

Elle a une soif d’amour inépuisable. On comprend qu’elle subit les railleries suite à son handicap et qu’elle s’éprend éperdument de celui qui accepte « sa différence », François-Jean.

Femme sacerdotale, elle vit pour ses enfants, Tommy et Florabelle. Elle plaît aux hommes, mais est auréolée d’un certain mystère « Tout le monde avait vu que cette fille était étrange, à la fois vulnérable et impudente. Ceux qui avaient fait la traversée avec elle, dix jours durant décrivaient Merry comme une âme tourmentée, possédée ».

François-Jean Bondiacre

Dans cette galerie de personnages, avec un tel nom, on aurait pu s’attendre à un espèce de bon samaritain. Il se révèle au contraire d’un égoïsme forcené et d’un cynisme à toute épreuve. Mais pour Merry, c’est avant tout  le père de ses enfants. Ces derniers sont « nés de ses entrailles et de la riche sève d’un seul homme ».

Il applique à la lettre les recommandations d’un de ses oncles vis-à-vis des femmes. « La règle numéro un était de ne jamais rien promettre… Règle numéro deux Interdiction d’être trop gentil, trop complaisant… Surtout serrer les vis de ces créatures-là et leur marcher dessus de temps à autre ». Il a surnommé les deux enfants Malchance et Hasard. Son but est de fuir Haïti.

« En vérité, François-Jean Bondiacre n’avait pas de préférence quant à la destination de son rêve. Pour lui, n’importe où valait mieux que la débacle d’ici-là ». « Lui, François-Jean jurait qu’il n’accepterait jamais sa condition d’humain en Haïti ». Il réussit à partir pour la France avant le tremblement de terre. Merry ne le reverra pas. « Et hop ! Disparu au bout du couloir, soudain effacé de l’histoire, envolé… Tel un personnage de roman »

Il l’a initiée à la vie sexuelle sans ménagement….

« Pendant que François-Jean la fourrait sans ménagement…  armé de toute sa musculature et de sa vigueur de mâle, on aurait cru d’abord qu’il voulait à toute force l’encastrer dans le mur. Non, au risque de la déchirer, il cherchait plutôt à l’empaler. Lui planter son épieu dans le corps… Il aurait fait pareil s’il avait eu en main une épée. Et elle aurait pu hurler à la mort, il aurait continué à butter contre elle sans répit, un masque de tyran jeté sur le visage ».

Ce fut son grand amour. « Il était là, dans tout ce qu’elle faisait. Partout où elle allait ».

les enfants Florabelle et Tommy

Ils représentent tout pour Merry. Tommy a un prénom qui paraît tout droit sorti d’un feuilleton américain, tandis que la fillette a un nom qui fleure bon les contes et légendes d’Haïti. Florabelle ! «  De son point de vue, y avait pas plus délicat pour exprimer la grâce et la beauté d’une fillette qui deviendrait un jour une femme, une belle fleur ».

Anna (ou Awa)

En créole, l’expression AWA est une négation absolue, un refus catégorique. C’est une dépressive chronique. Métisse, car de père africain, son passé a été longtemps occulté. « Anna avait appris à répéter, – en toute bonne foi- qu’elle ne savait rien de ses géniteurs, sinon qu’ils l’avaient abandonnée à la naissance ».

Sa mère s’est suicidée  après de départ du père d’ Anna, Il ne « restait de cette union imbécile », qu’elle, petite fille de trois ans «  Ni noire, ni blanche, prénommée AWA, et dont personne ne voulait ». Le prénom AWA a été transformé en Anna, plus conforme aux sons occidentaux.

Elle a rencontré, très jeune, Raymond Legris. Elle a accouché d’un enfant mort-né, « si noir et tellement monstrueux ». Ils ont quitté Mortouville pour venir s’installer dans ce ghetto de riches.

Elle est préoccupée « par des questions existentielles, complexes, curieuses, enfouies, à la fois urgentes et impossibles à régler ». On devine « qu’Anna se débattait avec le sang noir inassumé qui lui coulait dans les veines, et cette peau qui pouvait passer pour un bronzage un peu soutenu ».

Une part d’elle-même est réveillée par le séisme. La charité peut-elle s’exercer tout à fait honorablement, au loin, de façon anonyme , comme le lui suggère son entourage? « Il lui fallait à toute force participer au grand élan de solidarité qui avait touché le monde entier ». Elle veut aider « une Haïtienne réchappée du séisme, une pauvre fille aux abois ».

« Oui, quelque chose en elle réclamait qu’elle approche au plus près le malheur des rescapés, ces gens, ces Nègres d’Haïti qui hélaient la part nègre confinée en elle ».

 Raymond Legris

Il promet à Anna de prendre soin de Merry comme si elle était leur propre fille. Il acceptera la quête identitaire d’Anna, et consent à  partir avec elle, au Sénégal, sur la terre de ses ancêtres.

Bonne-Terre. Cette île est un personnage à part entière.

Cette petite île près de la Guadeloupe n’est pas identifiée. Mais comment ne pas penser à une projection de Marie-Galante, l’île où vit l’écrivain ?

« Il y avait de doux rastas, des femmes grosses et rieuses, des enfants ». Et des Blancs sur le Morne d’Or (en créole, le mot morne désigne une petite colline). « L’heure était venue de se présenter à ces Blancs qui offraient du travail aux Haïtiens de Bonne-Terre; A cause du grand tremblement ils avaient le cœur tout amolli. Mais sans doute que ça ne durerait pas si longtemps ». Car un apartheid feutré et masqué règne sur le Morne d’Or.

Mais a souligné Gisèle Pineau, le message final est une note d’espoir. Dans ce monde en proie à de terribles convulsions, Merry trouve une terre d’accueil. Merry est une figure de la migration, mais au fait peu importe que le personnage soit haïtien.

Gisèle Pineau nous prend à témoin : « Sécheresse, famine, guerre, bourreaux, la liste est longue qui fait que femmes et hommes fuient, cherchant désespérément un havre de paix ». Bonne-Terre, c’est notre TERRE ! a-t-elle lancé.

LE TOUT-MONDE : D’HAITI à LAMPEDUSA

@sermonsoncanvas

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Il a été fait allusion alors au tout-monde de GLISSANT. L’île de Bonne-Terre serait-ce ce Tout-Monde ?

On sait que ce fut l’archipel des Caraïbes qui constitua une sorte de laboratoire de la  « créolisation » pour Glissant. Les Caraïbes, et plus particulièrement les Antilles, furent effectivement les terreaux d’une lutte acharnée entre différentes puissances colonialistes, qui cherchèrent à en faire des reproductions « en miniature » de leur propre territoire.

Elle comprend une part de violence inhérente à la rencontre entre deux ou plusieurs entités, l’une d’elles cherchant à dominer la ou les autres.

La créolisation pour Glissant comprend cependant un aspect plus positif, pouvant faire émerger de nouvelles coutumes, langues, religions, cultures, induisant la possibilité de créations imprévisibles et imprédictibles, s’opposant en cela au métissage, dont les effets sont eux prévisibles.

Il n’y a pas d’idéalisme chez Glissant (Il n’est pas question d’envisager béatement le contact entre différentes « entités culturelles »). Et justement l’écrivain Max Edinval, présent dans le public, a abordé alors une question dérangeante. Peut-on s’imposer en tant qu’immigré ?

Il a rappelé que : CELUI QUI IMMIGRE AGACE.

–  Il impose ses coutumes, et ses us

– Il jacasse et pleure sur sa situation

– il transgresse l’altérité de l’accueillant.

On ne peut pas forcer les gens à être, a-t-il estimé. Ce n’est plus de la tolérance. « Mais » a répondu, un haïtien présent dans la salle, « que recouvre-t-on par le terme imposer ? Si, en tant qu’Haïtien, je fais état de ma musique, la cadence rampa, ou kompa, en quoi cela pourrait porter atteinte à l’intégrité culturelle du pays hôte ? »

DE LA FICTION A LA REALITE

Le souhait de l’ASCODELA est de relier la littérature  à notre environnement caribéen, et de ne pas en faire un art déconnecté, coupé du monde réel, artificiel.

Quel bonheur alors ce fut pour illustrer nos propos,  d’accueillir une jeune haïtienne, autre invitée d’honneur de cette soirée littéraire et rescapée du séisme !

La jeune femme a pris la parole et a raconté sa terrible épreuve, mais a relaté également son arrivée en Guadeloupe, source d’espoir. Un moment de très grande émotion, puisque rayonnante et d’un optimisme à toute épreuve, elle nous a décrit le traumatisme lié au séisme, mais aussi son intégration en Guadeloupe, son implication dans l’association Tet Kolé ( association haïtienne présente sur l’île), et sa rencontre avec son amoureux.

Nadia Haddaoui, dans un entretien avec E. Glissant, à Carthage, en avril 2005,  lui rappelait qu’il était animateur du parlement international des écrivains, ce qui prouve que la parole poétique est universelle comme l’amour, et lui demandait, comment instaurer un dialogue entre civilisations pour empêcher la déferlante de violence et de l’extrémisme .

« Je ne sais pas si la littérature a des solutions concrètes, les solutions concrètes sont d’ailleurs selon moi, passagères ; Moi, je crois que ce que nous avons de fondamental à faire tous ensemble, c’est contribuer à un changement des imaginaires des peuples, et je résume ça en une formule, que je peux changer en échangeant avec l’autre sans me perdre pourtant ni me dénaturer » a répondu l’écrivain…

Gisèle Pineau nous rappelait que les affres des immigrants haïtiens ou de ceux de Lampedusa ne peuvent être classées sur une échelle de valeurs.

LA FIN DU VOYAGE ?

Le titre du roman, les voyages de Merry Sisal, peut interpeller puisque Merry ne fait qu’un voyage, en boat-people, depuis Haïti jusqu’à Bonne-Terre.

Il faudrait donc prendre en compte ses multiples voyages intérieurs, voyages aux portes de la folie, ou aux limites de l’inconscient, ou tout simplement tentatives d’évasion de son enveloppe charnelle. « Si elle voulait, Merry se disait qu’elle pourrait même voler. Par sa seule volonté, ses bras pourraient se déployer comme deux belles ailes ».

L’homme-oiseau qu’elle a passionnément aimé a pris son envol. » Oh ! Celui-là avait un si beau plumage et son chant était si émouvant ». Elle a suivi son exemple et est arrivée à destination, sur cette île de Bonne-Terre. Pourquoi cette île plutôt qu’une autre ?

Et c’est là que les écrits de Gisèle Pineau, s’auto-analysant, pour tenter d’expliquer son arrivée dans l’univers psychiatrique, en tant qu’infirmière, dans FOLIE, ALLER SIMPLE , trouvent une résonance particulière.

« On n’arrive jamais par hasard… Cette assertion au présent de l’indicatif vaut pour maintenant et pour tous les temps, pour l’éternité, telle une parole divine. Ici la négation appelle clairement une affirmation. On arrive dans ces lieux, poussé par quelque chose de puissant, de surnaturel. Arriver, c’est parvenir à destination, au terme de sa route. Arriver signifie la fin du voyage. Voilà, c’est fini, on a fait la traversée pour débarquer là, exactement là. Pas de place pour le hasard, c’est irrévocable. Pas d’alternative… ».

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