Littérature

Christelle EVITA  » Mais je ne suis pas noire ! « 

Mais je ne suis pas noire ! est le premier livre de Christelle EVITA. Rencontre.

Christelle EVITA, jeune femme de 38 ans, est communicante d’entreprise le jour, autrice de théâtre et comédienne la nuit et le week-end ! Ses thèmes d’écriture de prédilection sont : l’exil, les discriminations, la banlieue…et tout ce sur quoi elle a envie d’écrire. Ses textes sont toujours basés sur des faits divers, des situations tirées du réel qui la choquent et qu’elle n’arrive pas à digérer.

« Mais je ne suis pas noire ! » a d’abord été un one woman-show avant d’être un livre. Pourquoi ?

Christelle Evita : Après les représentations, le public me demande souvent où se procurer le texte…je me suis donc dit qu’il fallait faire exister le livre. C’est chose faite ! Je souhaite le diffuser en école, collège, entreprises pour ensuite y faire des ateliers d’écriture pour sensibiliser aux dangers des préjugés et stéréotypes.

C’est drôle car dès le début de l’aventure, ma sœur m’avait dit : « tu devrais en faire un bouquin. Ce serait bien que ce soit étudié dans les collèges «   Elle avait vu juste très tôt ! Puisse-t-elle avoir raison pour la suite ! Je croise les doigts.

Etre sur scène et écrire est-ce que ça s’inscrit dans la même démarche ?

CE : Bonne question.  Cela part de la même démarche car dans les deux cas, il s’agit de donner à voir quelque chose qui est impensé et qui pourrit le quotidien. Dans les deux cas, il y a mise à nu, en l’occurrence de la violence des préjugés et stéréotypes, même de préjugés très anodins comme demander à quelqu’un « son » origine.

Là où il y a une différence entre la scène et le texte, c’est que sur scène, la portée émotionnelle est beaucoup plus forte. Avec une mise en scène, tu décuples la portée du message. Tu touches le public davantage que par l’écrit. Cette prouesse, tu peux la faire par la mise en scène. C’est ce qu’a fait Hélène Poitevin – elle joue aussi dans la pièce. Elle a tenu à réaliser un travail de lumière très poussé entre le noir, le clair obscur, les ombres. A additionner plein de formes : théâtre, slam, vidéo. Un travail sur la dimension sonore aussi. Bref, un travail de mise en scène très riche.

Je le connais bien mon texte –je l’ai écrit ! Pourtant, en l’interprétant, à chaque fois j’ai eu l’impression de le re-découvrir. Il résonne différemment sur scène. Il me surprend moi-même. Il m’émeut.  Ça, c’est le travail combiné du texte et de la mise en scène qui rend possible ce genre de miracle !

Combien de représentations il y a eues ?

CE : Une quinzaine, un peu partout. Paris (festival Confluences), Vitry-sur Seine (festival nous n’irons pas à Avignon), Villiers-le-Bel (printemps des auteurs avec l’association BLK, en entreprise, pour des collèges et scolaires (Sarcelles et Villiers-le-Bel, à Amiens (semaine contre le racisme). Toutes les représentations étaient suivies de débats avec le public. Là, encore, moment très fort. En effet, les gens partagent sur des situations d’exclusion vécues, subies, qu’ils ont commises à leur insu. Le texte permet de faire des prolongements avec d’autres situations d’exclusion, de discriminations. Pas seulement en lien avec la couleur de peau.

Pour les scolaires, la démarche a été différente. Avec eux, en plus nous avons mené un travail d’écriture, d’ateliers de théâtre et de photo-vidéo pour les sensibiliser à ce sujet.

Cela a été rendu possible par la région IDF, l’ACSE qui ont financé une partie de ces interventions en école et à d’autres soutiens (Céline Evita – Jean-Baptiste Poitevin). Merci à eux tous. C’est bien un travail collectif !

Est-ce que la scène c’est fini du coup, en tout cas pour cette pièce ?

CE : Au contraire ! Notre prochaine date est le 12 mars 2016, à Villiers-le-Bel qui est une ville partenaire des premières heures concernant mes projets artistiques et citoyens*. Peut-être même rejouerons-nous « Mais je ne suis pas noire ! » d’ici fin 2015 pour des écoles de commerce ou en entreprise. J’y travaille car je souhaite que la pièce soit jouée largement pour sensibiliser sur ces questions de préjugés et de stéréotypes.  On n’y arrivera pas seulement par le dispositif réglementaire et juridique, par ailleurs indispensable. Mais il faut faire bouger les perceptions, inciter à la prise de conscience. Pour cela, le théâtre, il n’y a pas mieux ! Le théâtre fait naître des émotions, parle au cœur. Tu ne peux pas ne pas entendre ce que dit le cœur.

Quel est ton avis sur la discrimination ?

Les « grosses » discriminations existent et sont traitées par la loi (discrimination à l’embauche, en raison du sexe, de la race, etc.) La France a un dispositif juridique solide même si le plus dur est toujours de prouver qu’on a été discriminé. Pas simple.

A côté de ces discriminations identifiées, il y  la discrimination du quotidien, les actes d’exclusion de tous les jours, et ça commence souvent dans le langage. Dans la façon que nous avons de mettre les gens dans des cases, de faire des raccourcis : les noirs son comme ceci, les blancs comme cela, les roms, les bourges, les racailles, les femmes. C’est le début de plus grosses discriminations en puissance.

Contrairement à ce que pensent certains (Mr Zemmour, Mme Morano) l’identité n’est pas quelque chose de figé. Au contraire, c’est un mélange, qu’ils le veuillent ou non. Donc, la notion de race n’existe pas…sauf chez les racistes que ça arrange !

Nous devons tous être vigilants. Tout le temps, à nos idées préconçues, à nos tentations de mettre les gens dans les cases. Oui, c’est du boulot !

De quoi parlent le livre et le one-woman show ?

Le spectacle et le livre parlent de la même chose : une femme noire française qui n’en peut plus de se voir poser cette question  » tu es de quelle origine ?  » et qui est tout le temps remise en question sur sa nationalité française. Elle est au bord de l’implosion. On suit son cheminement pour répondre, ne pas répondre à cette question. Son cheminement pour exister par elle-même et pas dans l’identité qu’on lui assigne.

Autrement dit, texte et représentation posent la question de ce qu’est l’identité française en France hexagonale quand tu es un non Blanc. Comme s’il n’était pas possible d’être français et non blanc.

 En effet, elle y avait joué sa précédente pièce « Silence, travail ! » qui parle de la souffrance psychologique des cadres dans le monde de l’entreprise.

Christelle EVITA_PHOTO

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Lydia PONCHATEAU

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