Société

Nous ne sommes pas assez riches. Silence aux pauvres

Je n’ai pas dit mon dernier mot… Je voulais épargner à la Guadeloupe et à la Martinique les tourments que je leur prophétisais.

Notre révolte anti-vaccinale qui se mua en mouvement de contestation général, doit-elle faire l’objet d’une « agonizing reappraisal », révision déchirante ?

N’étais-je toutefois qu’un prophète inquiet, regardant passé et avenir avec un trop plein d’anxiété, scrutant le sens de l’histoire de nos îles, au cœur de réalités inconciliables, entrecroisées de croyances morbides, de rimed razyé et de pensées novatrices ?

N’étions-nous que des parias anachroniques ou décalés, non intégrables à la sphère publique hexagonale?

Le 16 juillet 1639, un mouvement de sédition se développe chez les petits sauniers (ouvriers du sel) en Normandie, qui marchaient sans souliers ni sabots sur les plages et avaient le privilège de faire bouillir l’eau de mer pour en extraire le sel.

L’assassinat d’un officier à Avranches (Cotentin), en fut le signal. La révolte touche aussi des porteurs de bois qui charriaient les fagots des marmites de la saline, quelques notables pauvres des villes et des membres du clergé.
Ils formèrent l’Armée de la souffrance, qui s’attaqua aux agents du fisc, sur fond de revendication régionaliste : la charte concédée aux Normands par Louis le Hutin en 1315 devait leur donner le droit de discuter de leurs impôts. Leur chef, dit Jean Nu-pieds, s’identifia un moment au duc de Normandie. Les nu-pieds occupèrent Caen et même Rouen. Comme sur le pont de la Boucan, à Sainte-Rose ?

La répression ordonnée par Richelieu fut très sévère. Les institutions provinciales furent cassées par une commission spéciale. Une armée de 4000 hommes attaqua les insurgés. Avranches fut le dernier bastion. Finalement on promit la vie à celui des dix survivants qui voudrait bien pendre les 9 autres.

Comme l’avait très bien perçu Félicité de Lamennais.

« Donc, ô peuple, dis moi, qu’es-tu ? Ce que tu es ! Si j’ouvre la charte, j’y lis une solennelle déclaration de ta souveraineté. Cela fut écrit après la victoire. Si je regarde les faits, je vois qu’il n’est point, qu’il ne fut jamais de servitude égale à la tienne : car l’esclavage ancien ne privait l’homme que de sa liberté, le tien te prive de la vie même. Paria dans l’ordre politique, tu n’es, en dehors de cet ordre, qu’une machine à travail  ».

L’actuel conflit sur les retraites est éclairant.
Entre misère, philanthropie et insurrections, le peuple antillais, victime de la pauvreté, entièrement dominé par les nécessités, ne parait pas pouvoir échapper à sa véritable trame référentielle, le silence aux Pauvres.

C’était la conclusion de l’éditorial de Lamenais pour son journal Le Peuple constituant, le 11 juillet 1848. Après l’échec de l’insurrection de juin, l’Assemblée nationale établit le cautionnement pour la presse. Ne disposant que de faibles ressources, Lamennais écrivit ce dernier pamphlet.

« Quant à nous soldats de la presse, dévoués à la défense des libertés, on nous traite comme le peuple : on nous désarme. Depuis quelque temps, notre feuille, enlevée des mains des porteurs était déchirée, brûlée sur la voie publique. L’intention était claire. On voulait nous réduire au silence. Il faut aujourd’hui de l’or, beaucoup d’or pour avoir le droit de parler. Nous ne sommes pas assez riches. Silence aux pauvres ! ».

Les députés antillais se battront-ils dorénavant en duel avec leurs collègues pour faire entendre leurs revendications ? Apres avoir intimé à l’autre de la fermer, franchiront-ils le cap tel Deferre ?
Le ministre socialiste Gaston Deferre (1910-1986), fut le dernier duelliste politique. En 1947, il se battit avec Paul Bastid, directeur du journal de droite, l’Aurore. En 1967, il injuria le député U.N.R René Ribière qui obtint réparation à l’épée.
Les commentateurs purent dire qu’il est vrai qu’en politique le duel peut offrir un argument décisif. Au cours de la plus célèbre rencontre des Etats-Unis, en 1804, le colonel Burr, vice-président de la République, tua le général Hamilton, chef de l’opposition.

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