Société

Mururoa : Un héritage empoisonné

Le 2 juillet 1966, dans le plus grand secret, la France procède à son premier essai nucléaire dans le ciel polynésien. Ce jour-là, à 5h34 du matin, Aldéraban, le nom donné à la bombe, vient d’être tirée depuis une barge installée sur un lagon bleu azur, à proximité de l’atoll de Moruroa. 

En théorie, l’armée française et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) avaient tout prévu pour empêcher que les retombées ne contaminent des zones habitées, à l’image des îles Gambier, l’un des cinq archipels de la Polynésie française. La réalité est tout autre, comme le révèle l’enquête de Disclose et INTERPRT.

Leucémie, lymphome, cancer de la thyroïde, du poumon, du sein, de l’estomac… En Polynésie, l’héritage des essais nucléaires français est inscrit dans la chair et dans le sang des habitants. Le strontium a grignoté les os, le césium s’est concentré dans les muscles et les organes génitaux, l’iode s’est infiltré dans la thyroïde.

L’histoire de cette catastrophe sanitaire et environnementale largement méconnue a débuté le 2 juillet 1966. Ce jour-là, l’armée française procède au tir Aldébaran, le premier des 193 essais tirés pendant trente ans depuis les atolls nucléaires de Mururoa et Fangataufa, à 15 000 km de la métropole. Le premier, aussi, d’une série de tests parmi les plus contaminants du programme nucléaire français : les essais à l’air libre.

Entre 1966 et 1974, l’armée a procédé à 46 explosions de ce type.

Disclose et Interprt, en collaboration avec le programme Science & Global Security de Université de Princeton, aux Etats-Unis, ont enquêté pendant deux ans sur les conséquences des essais atmosphériques en Polynésie française. A l’aide de milliers de documents militaires déclassifiés, de centaines d’heures de calculs par ordinateur et de plusieurs dizaines de témoignages inédits, cette enquête démontre pour la première fois l’ampleur des retombées radioactives qui ont frappé ce territoire vaste comme l’Europe. Elle dévoile également comment les autorités françaises ont tenté de dissimuler l’impact réel de cette campagne dévastatrice pour la santé des populations civiles et militaires.

D’après nos calculs, environ 110 000 personnes ont été dangereusement exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels à l’époque.

Le 18 février 2020, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié un rapport très attendu sur « les conséquences sanitaires des essais nucléaires » en Polynésie française. Aux termes de cette étude, les auteurs concluent que les « liens entre les retombées des essais atmosphériques et la survenue de pathologies radio-induites » sont difficiles à établir, faute de données fiables. Et ces deniers de souligner l’absolue nécessité d’« affiner les estimations de doses reçues par la population locale et par les personnels civils et militaires ». C’est précisément ce que nous nous sommes efforcés de faire dans le cadre de cette reconstitution indépendante. Bien loin de l’opacité et des mensonges que l’Etat s’efforce d’entretenir depuis un demi-siècle.


INTERPRT est un collectif de chercheurs, de designers, d’architectes et de cinéastes spécialisés sur les crimes environnementaux. Le groupe travaille en collaboration et en coopération avec des criminalistes internationaux, des scientifiques, des journalistes et des organisations de la société civile du monde entier pour mettre fin aux écocides. INTERPRT est chargé par TBA21 – Academy de réaliser une série d’enquêtes sur les violations environnementales dans le Pacifique.

DISCLOSE est un média d’investigation français à but non lucratif et en accès libre qui mène des enquêtes au long cours sur des sujets d’intérêt public. DISCLOSE est financé par les dons individuels et le soutien de fondations philanthropiques.

Le programme Science and Global Security (SGS) de l’Université de Princeton conduit des travaux académiques scientifiques et techniques pour faire progresser les politiques nationales et internationales vers un monde plus sûr. Ce programme est financé par des fondations et soutenu par l’École des affaires publiques et internationales de Princeton.

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