Musique

Fabrice DI FALCO : « Nos artistes lyriques méritent d’être mis en lumière »

Né en Martinique, le contre-ténor Fabrice di Falco a étudié avec Liliane Mazeron au Conservatoire de Boulogne Billancourt et Rachel Yakar au CNSM de Paris. Le falsettiste a débuté dans la musique baroque sous la direction de Jean-Claude Magloire et Gérard Lesnes dans des opéras comme Agrippine de Haendel ou le couronnement de Popée de Monteverdi.

@Akhnaten de Philippe Glass Copyright Dylan Meiffret

Citoyen d’honneur de la ville de Saint Pierre depuis 2019, il lui a rendu hommage dans un spectacle « Begin The Beguine ». Fabrice di Falco a eu la chance de créer des rôles d’opéras écrits pour sa voix notamment le rôle de Diouf à l’opéra de Lyon et de Genève, création mondiale « Les Nègres » de Michael Levinas d’après Jean Genet, « Heptaméron » de Gérard Winkler ou « Les quatre jumelles » et « Quai Ouest » de Régis Campo à l’Opéra de Massy, l’Opéra National du Rhin, Nuremberg, Munich…

Depuis Janvier 2018 il est Président du concours Voix des Outre-mer, parrainant les candidats aux cotés de Karine Deshayes pour les aider à se professionnaliser dans le milieu élitiste de l’opéra. La finale du 22 janvier dernier à l’Opéra Bastille sera rediffusée le 23 mars à 21 h sur la chaîne 19 Culture box.

97Land : Avez-vous cherché à connaître l’origine de votre nom de famille ?

Mon père est de Sicile et nous avons beaucoup de famille aussi à Florence et Naples mais je n’ai pas adopté la culture italienne car le fait de naître en Martinique a été pour moi un excellent choix de mes parents. Ce métissage me permet de faire redécouvrir à mes compatriotes la musique classique d’avant le 8 Mai 1902…  Forme classique qui a donné naissance à la Biguine dans les rues pierrotines et adapté la clarinette aux répertoires de musiques traditionnelles.

@Akhnaten de Philippe Glass Copyright Dylan Meiffret

97L : En 2018 à la création des Voix des Outre-mer, pensiez vous fédérer autant de chanteurs lyriques ? 

Quand avec Julien Leleu nous avons décidé d’organiser ce concours, cela était le résultat d’un constat. Depuis 25 ans où j’ai la chance de sillonner le monde pour y chanter, je n’ai pas rencontré beaucoup de mes compatriotes sur les scènes internationales, alors que je connais des artistes lyriques qui méritent d’être mis en lumière. Nous avons organisé un concours qui cherche à mettre en lumière des artistes talentueux en début de carrière pour promouvoir leur talent et leur donner de la visibilité. Notre rôle est de les former, leur permettre de se préparer à l’entrée d’un conservatoire, d’avancer dans leur passion qui pourrait devenir leur métier de demain.

Dès notre rencontre avec Marie Laure Garnier en 2018, nous avons estimé que son talent n’était pas assez mis en valeur. L’association Les Contres Courants a aidé à l’organisation de récitals à l’opéra, en Martinique, Guadeloupe, également à lui faire partager mes masterclass en Guyane… Ce concours lui a permis de revenir chanter lors des éditions 2019, 2020 à l’Opéra Bastille en tant qu’invitée car il me semblait important de continuer à l’aider à sa mise en lumière. Quand on a su qu’elle faisait partie des 3 nominés pour les Victoires de la Musique, nous lui avons donné des conseils sur son programme vocal, sa tenue vestimentaire… car de la discussion jaillit la lumière. Sa victoire à Lyon, entendre Stéphane Bern dire que le concours Voix des Outre-mer est prestigieux, est une victoire collégiale, familiale de passionnés de tous âges. Les candidats des 3 éditions ont appelé aux votes sur leurs réseaux à notre demande car comme pour Miss France, les votes du public peuvent changer la donne… et les outre mer ont répondu présents. Je les en remercie.

97L : Que pensez-vous du discours de Marie-Laure Garnier ?

Son discours était bien malgré l’émotion, la surprise, l’étonnement. A la télé les paroles ne s’en vont pas comme les paroles prononcées habituellement donc ses mots resteront dans son histoire personnelle et rejailliront sur les personnes qui ont envie d’aider cette mission commune que le concours voix des outre-mer inculque à tous nos artistes chanteurs finalistes et lauréats d’un concours familial.

97L : Que deviennent les candidats ?

Chaque lauréat a une histoire différente car chaque artiste a une voie, un chemin différent. Notre mission est d’aider à renforcer les fondations, à réaliser leurs rêves car surtout dans cette période difficile et compliquée artistiquement les artistes ont besoin d’être soutenus.

97L : Votre fierté c’est cette présence à l’Opéra de Paris.

Je suis heureux que l’association soit en partenariat avec l’Opéra de Paris qui permet aux Voix des outre-mer de répéter leurs programmes, chanter lors du concours, se faire auditionner par la direction ainsi que par d’éminents membres du jury connaisseurs. Ces membres du jury sont présents pour aider ces voix car tous comprennent la mission du concours et tous aident comme ils peuvent.

97L : Jessye Norman s’était imposée comme l’une des plus grandes artistes lyriques du XXe siècle. Que retenez-vous de ses différents rôles et la puissance de sa voix ?

Jessye Norman comme la grande cantatrice française Christiane Eda Pierre, ont eu la chance d’avoir un don qu’elles ont su maîtriser afin de donner des frissons au plus grand nombre. Ces voix noires ont des racines dans l’histoire et valent la peine de s’enivrer à leur écoute. Même si je chante avec une voix qui rappelle celle des castrats ou des femmes, j’aurais voulu avoir cette empreinte vocale de nos divas de couleur avec le charme de la puissance vocale et l’élégance du geste vocal.

97L : Vous tenez le premier rôle du Pharaon Akhenaton, un opéra en 3 actes de Philip Glass.

Interpréter en 2020 le rôle du pharaon Akhenaton mari de Nefertiti et père de Toutankamon fut pour moi un challenge car le rôle titre demande une technicité, une adaptation aux termes égyptiens anciens, un training corporel, car rester debout sur un sol penché pendant l’opéra n’est pas chose aisée. Mais grâce à la metteuse en scène, le travail fut facilité et m’a parlé de m’émanciper. Afin de devenir libre sur scène il faut rester concentré, écouter les conseils, être en harmonie avec le chef d’orchestre. Quand le côté technique est apprivoisé alors je vais à l’interprétation du rôle car chanter c’est aussi mettre en chant un texte, s’approprier le rôle afin d’être un comédien qui chante.

Je suis heureux d’ouvrir la voie de ce rôle pour les chanteurs noirs à interpréter ce rôle pharaonique car peut être que d’autres chanteurs à la tessiture similaire auront le plaisir de le rajouter à leurs répertoires et le faire découvrir à un plus grand nombre. La musique de Philippe Glass est très facile d’écoute et permet de se familiariser avec le classique pour un public réfractaire à la musique classique habituelle.

97L : Avec le Covid19, que vous a apporté cette expérience des répétitions en visioconférence, sans public ?

C’est une période très enrichissante sur nous mêmes car nous devons constamment réorganiser, transformer, reporter, en essayant de ne rien annuler donc on puise des forces insoupçonnées. Je transmets à mon équipe artistique et à tous les chanteurs ma positivité car nous devons voir la lumière même si nous sommes dans un tunnel. Transmettre grâce aux technologies devient possible quand les chanteurs ont un bon réseau internet cependant on trouve d’autres techniques pour pallier à ce manque en passant du temps au téléphone pour confirmer certains traits techniques.

Ne plus enlacer les personnes que l’on aime, ne plus partager des moments conviviaux familiaux, ne plus transmettre nos passions en présentiel, chanter mais sans public devant des caméras tout cela change nos habitudes mais notre côté résilient est ainsi sublimé.

97L : Les projets de cette année ?

La 4ème édition du concours Voix des outre-mer commence avec de belles auditions dans les Antilles Guyane avant de continuer avec celles de St Pierre et Miquelon, la Réunion, Mayotte, la Polynésie Française et La Nouvelle-Calédonie. Les inscriptions restent ouvertes dans tous les territoires car nous recevons des vidéos de nombreux candidats de partout et cela nous conforte dans notre idée que des chanteurs ont un fort désir d’apprendre ou de perfectionner leur art vocal.

L’association Les Contres Courants ouvrira en Septembre 2021 sa première maison Voix des outre-mer qui accueillera gratuitement les lauréats pour un suivi de l’enseignement vocal avec des cours de solfège, d’art lyrique, de technique vocale et de danse dans la ville d’art et d’histoire Saint Pierre.

Mon actualité ce sont mes albums « Hommage de Farinelli au roi de la pop » et « Les sauvages » disponibles chez Sony sur lesquels, je montre toutes mes facettes, de l’Opéra au jazz. Le film  » Fabrice di Falco, l’oiseau rebelle’’ sera diffusé sur Culture box et France 5, et je serai à l’Opéra de Nice en Novembre 2021 dans le rôle titre du pharaon Akhnaten de Philippe Glass aux côtés notamment de Patricia Cioffi.

 

www.voixdesoutremer.com

 

Propos recueillis par Wanda Nicot

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