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Serge Romana : Retrouver, comprendre, honorer

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Serge Romana

Serge Romana président du Comité Marche 98 nous présente la 17 ème commémoration des victimes de l’esclavage le 23 mai à la Place de la République, explique sa genèse et  justifie sa mutation.

Revenons 17 ans en arrière. Comment est né ce mouvement ?

Nous avions beaucoup participé au mouvement indépendantiste guadeloupéen. Malgré les avancées culturelles, nous sentions qu’il nous manquait quelque chose de principal, d’essentiel et qui n’était pas juste une question de mot d’ordre politique. Un groupe humain pour s’unir comme dans une famille doit avoir une idée très claire de sa naissance, de ses parents et les aimer. De cette réflexion est sorti le fait qu’il fallait rechercher ses parents. Nous nous sommes rendus compte que ces parents, on les appelait simplement les esclaves et non des parents qui avaient vécu l’esclavage. Notre devoir était d’honorer enfin la mémoire de nos parents qui avaient été victimes de l’esclavage et de nous rassembler au moins un jour dans l’année autour de leur souvenir. Cela se passait fin 1997 et à l’occasion du cent cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage où l’état proposait de commémorer simplement l’abolition, nous nous sommes retrouvés le 23 janvier 1998 devant des présidents d’associations que nous avons interrogés : Quand et comment avons-nous honoré la mémoire de nos parents qui ont souffert de l’esclavage ? Personne n’était capable de répondre à cette question.

Voilà comment est née l’idée de la marche du 23 mai. Ce jour-là nous devions être ensemble, taire nos différences, être dignes d’eux et fiers de nous. C’est la première fois que notre communauté était aussi visible sur des questions d’origine et d’identité en France hexagonale.

Vous dites n’être ni amnésique, ni misérabiliste. Qu’entendez-vous par là ?

15 millions d’Africains ont été déportés en Amérique et en Océan Indien. Nous sommes 150 millions aujourd’hui. Ce sont différents peuples, des histoires particulières, des combats extraordinaires, des cultures qui sont sorties de la douleur, de la résistance à la mort. Ce que nous souhaitons célébrer c’est la vie. Nos sociétés vont de l’avant, ont de la vitalité, créent, se débattent au niveau économique. De l’esclavage est né la vie. Nous ne sommes pas amnésiques, nous nous rappelons de notre naissance. Mais nous ne nous attardons pas éternellement sur le sort qu’ont subi nos parents. Le match est terminé. Nous montrons l’héritage de cet esclavage, ce qu’il y a de meilleur chez nous pour une mémoire de l’esclavage apaisée. Nous convions les représentants de la République, les descendants de négriers africains, les descendants de colons à s’incliner devant la  mémoire des aïeux esclaves des Français d’Outre-mer.

Que répondez-vous à ceux qui disent que vous avez évolué entre le Lanmèkanfèneg du début et Tabou Combo pour cette édition ?

Au début lors des premières communions il n’y avait aucune musique. 98 était une marche silencieuse. En 2000 et 2001 nous avons fait un rassemblement place de la Nation sans musique. La musique est arrivée en 2003, des chants sacrés que Gérard Locquel, le père de Gwo Ka moderne nous a proposés à cette occasion. Mais nous étions en petit groupe et la grande majorité de nos compatriotes et de nos artistes n’y participaient pas. On se posait la question : Pourquoi aucune de nos musiques ne traite du sujet des victimes de l’esclavage ? Ni le Gwo Ka ni le Belair, ni la Biguine ni le Zouk à l’époque. Mais progressivement, avec le développement du travail mémorial, on a vu Akiyo, les prêtres martiniquais, Tony Chasseur, Jocelyne Beroard, Jacob, Patrick Saint Eloi s’emparer de ce thème.

Certains estiment que le tambour n’est pas assez présent. Pourquoi faire un choix et dire que seul le traditionnel à sa place ? On doit permettre à chacun de contribuer, de montrer ses talents, d’exprimer son respect par rapport à ses aïeux. C’est pourquoi samedi à la place de la République, il y aura des arts brésiliens, dans la 1ère partie Transbords, des représentations avec des images, du son, des danses traditionnelles et modernes. Enfin dans la dernière partie la Fête, hymne à la vie, on a mis à l’honneur Haïti et son groupe mythique Tabou Combo pour le faire découvrir aussi.

Mais permettez-moi de vous faire remarquer que vous n’avez évoqué que Limyè Ba Yo. Je rappelle la partie religieuse du matin et les trois cérémonies républicaines : à Saint-Denis en présence de Mme Taubira autour du monument aux aïeux que le CM 98 a construit avec ses fonds propres et que nous céderons officiellement à la ville, à Creil une inauguration avec la Ministre des Outre-mer et à Sarcelles.

Vous revenez du Memorial ACTe en Guadeloupe. Etes-vous favorable à un musée consacré à l’esclavage en région Parisienne ?

Certainement ne serait-ce que pour accueillir le mémorial itinérant des noms, sans domicile fixe (« Les 116 000 noms de l’esclavage » permettant aux habitants d’origine antillaise de retrouver leurs ancêtres). Mais cela n’a rien à voir avec le MACTe. Il n’y a pas eu d’esclavage en France. Soyons lucides : Le Mémorial a été érigé sur l’ancienne usine Darboussier, sur une terre foulée par les esclaves et où leur sang et leur sueur ont coulé, où certains arbres gardent le souvenir du travail des esclaves. Comparons ce qui est comparable. Ce n’est pas seulement un musée, c’est un acte mémoriel pour des hommes et des femmes que nous-mêmes il n’y a pas si longtemps nous considérions comme des riens.

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François Puponni, Maire de sarcelles et Emmanuel Gordien

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Le Mémorial itinérant : Les noms de l’abolition

Des organisateurs portant la lumière

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Joël DIN

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