Un article d’Omar Lucien Koffi dans le journal 2 l’Afrique du 9 février, traduit de l’anglais.

Avec son histoire liée à l’Afrique, la Martinique n’en oublie pas pour autant ses racines. L’île vient d’adopter un drapeau revendiqué par les mouvements panafricains.

Depuis le 2 février 2023, la Martinique a un drapeau et un hymne. En effet, la collectivité territoriale de la Martinique a adopté le drapeau revendiqué par les séparatistes, rouge, noir et vert. Des couleurs directement liées aux mouvements panafricains.

Le lien entre cette région d’outre-mer et l’Afrique rappelle l’histoire douloureuse de la traite négrière africaine, qui débuta sur l’île de la Martinique en 1635. Anciennement appelée « Madinina », l’île prendra le nom de Martinique dans les années 1670, lorsque de nombreux Africains noirs esclaves y étaient déportés.

Si le mouvement panafricain prend de l’ampleur dans les années 1970, entre 1990 et 2000, le panafricanisme n’est plus vraiment à la mode. Il faut attendre les années 2010 pour voir fleurir partout le drapeau rouge-noir-vert. En mai 2018, l’activiste Kemi Séba a même effectué une visite remarquée en Martinique.

Entre francité, appartenance caribéenne et panafricanisme, difficile de s’y retrouver. « La discussion sur l’implication des Caribéens dans le panafricanisme, ainsi que celle des Africains et des Afro-descendants vivant en Occident, n’est pas nouvelle », écrivait le blogueur Joao en 2019 dans un billet consacré au panafricanisme aux Antilles.

Il a ensuite ajouté que « la Guadeloupe peut faire partie d’une fédération africaine au nom de sa population majoritairement d’ascendance africaine » tout en faisant « partie d’une organisation pan-caribéenne au nom de sa position géographique. Une proposition qui, en l’état actuel des choses, n’est pas plus aberrante que de faire partie de l’Union européenne ».

D’autant qu’entre la France, dite « métropolitaine », et les Antilles, au même titre que Mayotte ou la Guyane, le silence de Paris sur les questions de mémoire incite les Antillais à se tourner vers d’autres courants, dont le panafricanisme… Si l’esclavage a été aboli deux fois par la France, en 1794 et 1848, et que les Français des Caraïbes ont participé à la Libération de la France pendant la guerre 39-45, entre Paris et la Martinique, les relations sont tendues.

Cela ne signifie pas pour autant que l’indépendance soit une revendication. Mais l’adoption d’un drapeau, qui plus est aux couleurs du panafricanisme, est une grande victoire. On se souvient que la communauté martiniquaise avait échoué dans sa première tentative en 2019. L’île a désormais son drapeau officiel. Même si, depuis plusieurs années maintenant, dans les manifestations, il flottait déjà fièrement.