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La destruction des écoles, une des grandes catastrophes guadeloupéennes

Ethno-nationalisme et haine de l’école en Guadeloupe 

« Sur un nouvel ethno-nationalisme, le fantôme de l’auto-détermination », titrait John Rosenthal dans Les Temps Modernes.

Qui s’érige contre l’école et prétend incarner le peuple guadeloupéen, en exerçant une violence indistincte non pas à l’encontre de bâtiments administratifs, mais d’écoles ? Quel discours de justification peuvent tenir ces éléments fanatisés ?

Qui est instrumentalisé par ces despotes incompétents ? La destruction des écoles est l’une des plus grandes catastrophes guadeloupéennes.

Il y a deux siècles et demi, le Dr Johnson disait que l’éléphant était aussi difficile à définir que facile à reconnaître. Quoiqu’il en soit, soulignait Alexandre Vialatte, «  l’éléphant est irréfutable ».*

N’en va-t-il pas de même du fascisme, s’interrogeait alors Marx Olivier Baruch, ce fascisme étant pratiquement impossible à définir et, pourtant hélas irréfutable ? 

La propagande hypernationaliste, la violence, la rhétorique d’exclusion et le discours dogmatique sont les traits caractéristiques des groupes fascistes.

Un autre de leurs traits est qu’ils haïssent le savoir. Ils veulent préserver leurs dogmes de tout esprit critique.

« A bas l’intelligence, vive la mort ! » disaient les fascistes. 

En Guadeloupe, les fascistes ont pris une nouvelle apparence. Mais c’est bien le même ennemi.

D’ailleurs, les murs des écoles en Guadeloupe sont parsemés de croix-gammées.

Le fascisme célèbre d’abord les valeurs de l’héroïsme guerrier, la discipline, l’obéissance. Les hommes qu’il doit façonner doivent renoncer aux joies possibles de l’existence, et à la poursuite du bonheur individuel, mais les termes du  projet éducatif national-socialiste  étaient  également une déclaration de guerre à l’école. 

Parce que notre école « n’a pas pour mission d’élever une colonie d’esthètes pacifiques 

et de dégénérés physiques », professait Hitler.

Si les élites dirigeantes avaient été éduquées de cette manière au lieu de n’être gavées que de nourritures spirituelles, elles auraient su résister à cette révolution  par une bande de proxénètes, de déserteurs et de voyous ». (Il parle de la révolution allemande de 1918-1919)

Les fanatiques qui saccagent les écoles en Guadeloupe, les souillant, les dégradant, sont bien des émules d’Adolf Hitler. 

Revendiqueraient-ils leur haine de la société capitaliste, la fin de l’exploitation de la classe ouvrière, et le fait de libérer leur peuple de l’esclavage que ça ne changerait rien.

Plus personne n’ose parler des racines socialistes du fascisme, soulignait à juste titre Daniel Hannan, dans Contrepoints du 22 août 2016.

« Partout en Europe, ils pensaient comme Hitler disant à un Mussolini enthousiaste en 1934 ; le capitalisme a fait son temps ».

Il n’y a d’ailleurs qu’à lire Joseph Goebbels « Nous voyons dans le socialisme, qui est l’union de tous les citoyens, la seule chance de conserver notre héritage racial et de récupérer notre liberté politique et rénover notre état allemand.

Le socialisme est la doctrine de la libération pour la classe ouvrière. Il favorise la montée de la quatrième classe et son incorporation dans l’organisme politique de notre patrie, et il est inextricablement lié à la rupture de l’esclavage présent, recouvrant la liberté allemande.

Le socialisme, par conséquent, n’est pas simplement une question relative à la classe opprimée, mais celle de tous, pour libérer le peuple allemand de l’esclavage ».

La période pandémique actuelle, participe de ce délitement intellectuel. Dans sa chronique, « Le fascisme, mythologie et politique de la haine »,  Zeev Sternhell remarquait que le refus de l‘universalisme et de l’idée de progrès, culmine, en devenant un phénomène de masse, au cœur même d’une période de progrès technologique et scientifique sans précédent des années 1880 et 1890, la construction des premières centrales électriques, l’invention de l’automobile, du téléphone, du télégraphe sans fil, du cinéma, des rayons X, l’inauguration du métro de Paris, la sortie du premier autobus urbain à moteur à combustion dans les rues de Londres, (et ne l’oublions pas ), avec la découverte du bacille de la tuberculose et du vaccin contre la diphtérie et le typhus.

En Guadeloupe, c’est un cri de haine que pousse désormais une frange de notre peuple. La haine du médecin, la haine des hôpitaux, la haine des scientifiques, la haine de l’école, la haine du voisin, – mais jamais du PSG- dans cette Guadeloupe, terre brûlée et tragique, la double idolâtrie de l’Etat français comme dieu ou démon, composent les deux faces du mur qui barrent la marche de la Guadeloupe vers la prise de responsabilités. 

Aucun argument rationnel ne parvient à enrayer la spirale de la haine qui envahit les imaginaires de cette partie de la société.

Une obsession commune : identifier et désigner un ennemi. Nous sommes incapables de réfléchir par nous-mêmes. Le développement est entravé par un déficit de connaissances.

Au moment où il a accédé au pouvoir, le national-socialisme ne disposait pas d’une base doctrinale, pas plus que dans le domaine de l’éducation de la jeunesse, ce qui ne saurait étonner, étant donné la nature profondément anti-intellectualiste du mouvement. On a estimé que sa propagande était d’autant plus efficace qu’elle reposait sur un fonds d’idées simples, traduites en mots d’ordre inlassablement répétés. C’est ce à quoi nous assistons aussi en Guadeloupe.

Comme l’affirmait Hitler, « un homme sans grande formation scientifique mais en bonne santé physique, doté d’un caractère bon et ferme, empli d’esprit de décision et de force de volonté, est plus précieux pour la communauté du peuple qu’une mauviette pleine d’esprit. (p 452 du tome II de Mein Kampf paru en 1927)

Pour ce qui est de la formation de l’esprit, il en rajoutait une couche «  et en tout dernier lieu vient la formation scientifique ».

On comprend mieux pourquoi certain(e)s télévisions, radios, politiques, syndicats et  enseignants guadeloupéens, ont déclaré la guerre à la science guadeloupéenne. 

Comme Hitler, presque tous comme des perroquets  répètent que l’école elle aussi doit être réformée : elle doit réduire ses exigences intellectuelles, «  et ne pas surcharger les jeunes cerveaux d’un ballast… dont ils ne retiendront rien ».

En revanche, pour Hitler il faudrait au moins deux heures d’éducation physique par jour. ( Sur ce point précis, on ne peut pas lui donner tort)

En Guadeloupe, nous avons remplacé le sport par le carnaval.

L’unique culture  validée en Guadeloupe  est celle du carnaval. Des « grands penseurs », aux grands frères, aux « grands révolutionnaires », en passant par l’appareillage médiatico- complaisant, la substance et la chair du pays Guadeloupe sont portées par les squelettes des apprentis-carnavaliers. Nous sommes le seul peuple du monde où des groupes de TI MAS servent de courroie de transmission d’une instrumentalisation politique et révolutionnaire.

Les mauvais génies de la révolution négative que nous vivons en Guadeloupe, le fiasco syndical, la sous-culture consternante  qui se pare de perspectives irréductibles, l’auto-persuasion de quelques-uns de remplir un commandement divin en versant le sang impie (leur nombre de 300 a pu être  très précisément identifié), la faiblesse explicative de leur idéologie, puisqu’ils se  servent d’une jeunesse analphabétisée qui exprime sa rage de manière radicale, une conjonction d’inégalités injustifiables et d’une médiasphère terriblement pauvre, les horreurs que les Guadeloupéens  se sont eux-mêmes infligés pendant cette période pandémique parce que l’acte symbolique de l’annulation de la loi vaccinale ne s’est pas produite, les émeutiers qui ont en fin de compte consolidé  le pouvoir de l’état français en Guadeloupe, (Une émeute est une révolution qui a échoué), une corruption structurelle, un système politique immobile, tels sont les ingrédients de cette société du déni. 

Sans avoir mené de guerre, nous nous retrouvons dans la même situation que l’Algérie rongée par des micro-émeutes quotidiennes, avec des revendications sur  le logement, l’eau potable, l’accès à l’électricité ; elles font suite également à des arrestations par la police ou la gendarmerie, et plus largement sont le fruit de la « hogra », le mépris que les jeunes gens ressentent de la part des autorités.

Les manifestants coupent une route en brûlant quelques pneus, attaquent à coups de pierre un édifice public pour exprimer leur sentiment d’injustice. Mais ces émeutes ne menacent nullement l’Etat algérien qui alterne répression – il arrête les meneurs, les tribunaux en condamnant certains durement, en libèrent d’autres – et générosité, en lâchant quelques sous.

Nous sommes le seul peuple du monde où des groupes de TI MAS servent de courroie de transmission d’une instrumentalisation politique et révolutionnaire. Ces mêmes Ti Mas ont-ils à cœur de comprendre pourquoi autant d’enfants  de ce pays sont tués par d’autres enfants ? 

Leur apprend-on qu’avec moins de 5 millions d’habitants, le petit Costa Rica, à nos portes,  exporte plus de produits manufacturés que l’Egypte, qui, elle, est peuplée de 102, 3 millions d’habitants?

Il faudrait répéter à ceux qui ont mal digéré Fanon, qu’on ne peut plus répéter à longueur d’antenne, « que pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon », qu’au contraire l’ignorance et la bêtise surgiront, pour nous destructeurs d’école, en Guadeloupe,  du cadavre des écoles en décomposition. » 

Nous aimons nous tourner vers d’autres régions, pour tenter de comprendre notre situation.

Ecoutons ce que nous disait Simone Grand le 31octobre 2019, dans Tahiti Pacifique, avec cet article, jusqu’où peut conduire la haine des sciences ?

« En apprenant l’état déplorable des lagons occasionné par les activités d’aquaculture nacrière et perlicole, j’avoue n’avoir pas compris tout de suite le comment d’une telle catastrophe écologique. De toute évidence, ce fut l’incompétence qui régna, qui fut promue, rénumérée, récompensée et chouchoutée durant au moins les deux dernières décennies.

Il y a près de trente ans, j’ai découvert avec stupéfaction à quel point nos autorités se méfiaient de ce qu’elles ne connaissaient pas. Comme elles n’avaient pas pris la peine de pousser bien loin les limites de leur ignorance, le plafond était vite atteint. Tout ce qu’elles n’avaient pas compris leur était suspect, et les personnes osant parler le même langage que les scientifiques des structures de recherche étaient l’objet d’une méfiance tatillonne, ombrageuse, voire agressive.

La rigueur et l’humilité inhérentes à l’approche et à la méthode scientifiques étaient l’objet de dérision, de mépris. Les personnes osant s’y référer étaient considérées par les syndicalistes, administratifs et politiciens être vendues au colonisateur. La fraîche conquête de hochets du pouvoir exigeait de s’adapter à leur mini-niveau de formation et de connaissance. J’ai vu se déployer force audits, cabales et manigances pour dégommer les personnes reconnues par leurs pairs étrangers. Cette reconnaissance et cette estime furent vécues comme des atteintes à leur autorité sur des cadres qu’ils voulaient à leur botte et à leur merci. Pour quoi faire ? Ils ne le savaient pas trop eux-mêmes. Mais ce qu’ils et elles voulaient, c’est pavaner et être entourés de dos courbés et de têtes vides ou paresseuses. La démarche vers l’excellence fut perçue comme une trahison, justifiant des comportements déstabilisants et infects ».

Leur conception de la fameuse « océanisation des cadres » ne visait pas l’excellence, mais juste de mettre des copains et des copines à la place des Farani (Français) titulaires de titres et de travaux reconnus nationalement et internationalement. Ces copains et copines ne devaient surtout pas se poser de questions sur le milieu naturel dont ils avaient la charge. Car alors, cela aurait entraîné des collaborations avec les fameux organismes d’Etat pour lesquels certains avaient curieusement conçu une haine, aussi féroce qu’inexplicable. Ignorant que la science, comme l’art est apatride

Seul un orgueil stupide peut expliquer cette décision de limiter l’accès à la connaissance de la population. Seule l’imbécilité peut imposer à la jeunesse et à toute la société l’appauvrissement des relations stimulant la conquête vers un peu plus de savoir et de compréhension de notre milieu naturel. Cea n’a pas changé, semble-t-il car observant les participants aux travaux des pays du Pacifique sur la gestion de l’océan, il n’y a ni ingénieur halieute, ni océanographe. Rien que des cadres administratifs.

Tels sont nos politiciens au pouvoir. Etrangement, leurs opposants sont comme leur reflet dans l’immobilisme et la complaisance d’un passé historique réinventé.

La haine de la science a eu des conséquences funestes pour nos lagons et dans bien des esprits d’ailleurs.  Elles ne sont pas encore toutes identifiées. Pourtant apprendre et comprendre encore et toujours procure une joie intense ».

En Guadeloupe, l’école est à la fois notre ordre et notre promesse.


*c’est le titre d’une de ses fameuses chroniques dans La Montagne

  • Marc Olivier Baruch Critique Editions de Minuit 2005
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Théo LESCRUTATEUR

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