Un syndicalisme et des medias zombies
Un syndicalisme zombie, malade de son arrogance et de son anti-intellectualisme, la montée d’une radicalité victimaire et délatrice qui nous promet d’autres émeutes et des lendemains encore plus sombres, la difficulté de mener une réflexion et un débat argumenté en dehors des clivages et des camps, une course folle au media qui serait « le plus de proximité », voilà les ingrédients de la débâcle guadeloupéenne.
Ce week-end risque d’être difficile. Tant de fureur ne peut s’évacuer ainsi sans heurts. La Guadeloupe est une poudrière qui a plus de mèches que d’habitants. Et les « démineurs » venus de l’extérieur savent aussi jouer le rôle de pyromanes. Compte tenu du degré d’analphabétisme dans l’archipel, les radios participent de ce fonctionnement délétère, en offrant la possibilité à chacun d’exprimer sans honte sa subjectivité débridée, ses rancœurs et ses haines. Au royaume du micro ouvert, entre l’immaturité des propos et les pawol initil, notre bande FM se distingue.
Puisque le monde entier parle de Djokovic, notons que son pays la Serbie, comme la Guadeloupe, est un terreau fertile pour les antivax, où la désinformation est alimentée par la méfiance envers les autorités et institutions, suspicion nourrie par des contestataires suivis pour certains, par des centaines de milliers de personnes, et auxquels les médias donnent régulièrement la parole.
La Serbie est un des pays au monde où le nombre de décès covid rapporté à la population est le plus élevé avec 13 071 décès, et corrélativement le pays européen (la Serbie ne fait pas partie de l’Union Européenne), le moins vacciné, soit 46,42%. Vous ne trouverez jamais ces informations sur les medias de Guadeloupe, alors que certains répètent en permanence que l’information est confisquée sur l’île !
Les arguments ne font pas le poids dans ce jeu de miroir et d’affrontement entre egos. L’authenticité gwada et le paraître virulent écrasent tout, sur Guadeloupe première, Canal 10, RCI et les autres…
Un fan-club de groupes carnavalesques, pâles centres d’endoctrinement appelés en renfort par le LKP, donnent une visibilité sommaire à des gamins et ados guadeloupéens avant que celle-ci ne soit engloutie dans une machinerie généralisée de l’indigence et de la cruauté.
Que doit-on reprocher en premier lieu au LKP ?
D’être devenu un groupe initiatique structuré et dirigé comme une secte.
En seconde position, de préférer le désastre au réel, qui est le lot des martyrs du néant, parce que le néant nivelle tout.
En troisième position, nous mettrions la longue litanie d’échecs, l’aveuglement stratégique.
Pour Daniel Dagenais, l’idéologie proprement dite est remplacée par une mystique d’appartenance.
Il interroge le national-socialisme qui n’avait plus besoin d’idéologues, mais seulement d’organisateurs et de metteurs en scène, de gestionnaires de la propagande, de pseudo-prophètes. Aucune entente, ne peut faire partie d’un tel horizon, surchargé de contradictions archaïques engloutissant tout.
Dans une cité peuplée de faux dieux et d’hommes égarés dans des croyances insensées, quelques esprits peuvent commencer à vaciller, mais d’autres demeurent irréductibles.
La frontière tracée ne vise pas la démarcation entre deux groupes distincts, mais entre deux propositions de l’être.
Les attaques actuelles contre les écoles et les collèges guadeloupéens avec floraison de croix-gammées participent également de ce délitement spirituel et sociétal. Après la chasse aux médecins et leur « mise à mort », la chasse aux enseignants est désormais ouverte. Leurs noms sont indiqués en lettres de sang sur les temples du savoir, lesquels depuis des décennies subissent outrages et saccages.
Sur les murs de la Guadeloupe et des écoles, nous aurons donc des croix gammées ?
L’auteur Christian INGRAO dans « Le Soleil noir du paroxysme », offre une analyse riche du parcours de jeunes SS, en mettant en exergue l’importance de la germanité et de l’espérance d’une nouvelle société. Il met l’accent sur le combat pour l’existence du peuple allemand, sur le combat des Germains contre les Slaves. La violence est démonstrative et s’agence à grande échelle, la norme raciale est un opérateur de l’entre-soi. Après l’ivresse des conquêtes, le repli des armées allemandes accentuera encore la gestuelle meurtrière paroxystique, en une marque d’angoisse de disparition collective.
L’expérience de guerre totale générera chez les vaincus allemands une pulsion suicidaire qui reflète l’impossibilité de reconnaître la défaite. Il s’agit d’une attitude de résistance amplifiée jusqu’à la dernière extrémité.
« Le rêve s’est terminé quand Domota a annoncé qu’on avait fini de marcher », précisait Jacky Dahomay, en 2010, un des initiateurs du LKP. Avant de revenir sur ce constat accablant, suite aux évènements de 2009, qui nous permet de constater qu’aucune évolution n’a eu lieu, et que les dérives totalitaires ont persisté depuis.
« … Pourtant, la première phase du mouvement dirigé par le LKP ressemblait presque à un superbe lever de soleil.
On assistait alors à une sorte de volonté d’une nouvelle maîtrise du sol guadeloupéen. On marchait beaucoup…
Des grévistes ont souillé, à Sainte-Anne, une école primaire en versant de l’huile de vidange dans les salles et sur les bancs devant accueillir les enfants, la chose est absolument inadmissible. Ce fait n’est pas nouveau. Des actes similaires avaient déjà été commis dans une école maternelle du Nord Basse-Terre et à la médiathèque du Gosier.
A ma connaissance, aucun syndicat enseignant n’a condamné publiquement de tels agissements. En outre des dirigeants syndicaux bien connus se sont rendus à la Maison départementale de l’enfance (autre lieu d’éducation) et, trouvant sans doute les militants syndicaux de base trop mous dans le conflit qui les oppose au directeur de l’établissement, ils se sont permis de crever les quatre roues de l’automobile de ce dernier.
Autre chose : vers la fin de la grande grève que nous avons connue, un dirigeant syndicaliste enseignant du SPEG, René Beauchamp, a traité dans un article, un proviseur de « chabin à grosse tête et à gros ventre », utilisant la référence au phénotype comme mode d’argumentation. Un enseignant ne peut agir ainsi publiquement. C’est comme si, au-delà de nos divergences, tout un monde de valeurs s’écroulait car il n’y a que Le Pen en France à utiliser ce genre d’argument. Enfin des militants n’ont eu aucun scrupule à abattre des arbres centenaires lors de certaines manifestations, mais ça « tout moun fouté pa mal »…
Comme leur projet était une politique masquée, ils ont sombré dans les maladresses politiques dont ils sont coutumiers ; et la Guadeloupe risque de sombrer de nouveau dans l’électoralisme le plus plat avec les élections à venir.
Au lieu de s’ouvrir au débat réclamé par des intellectuels, ils ont fait de ces derniers des hommes à abattre, renouant ainsi avec cet anti-intellectualisme qui a toujours dominé le mouvement nationaliste depuis l’AGEG des années 1960, association d’étudiants pourtant !
Ce qui est sûr, cependant, c’est qu’aujourd’hui, les familles sont grandement divisées, le taux de délinquance flambe, les prix aussi et les profiteurs relèvent la tête, la vie est plus chère, malgré les conquêtes sociales, les enfants qui tiennent à peine debout sont prêts à la moindre occasion à injurier maîtres ou enseignants. Dans les écoles, les enseignants rasent les murs taraudés par on ne sait quelle honte ou quel désespoir. Dans les embarras de la circulation, on est prêt à s’étriper pour la moindre raison ». *
Nous ajouterons que Frantz Fanon expliquait que le colonisé (ou celui qui se prétend tel) est un persécuté qui rêve de devenir persécuteur, et que les régimes révolutionnaires ainsi que les archipels vivant du tourisme ne manifestent aucun état d’âme, face au virus.
Conclusion : nous sommes donc incapables de faire la révolution, malgré nos accents grandiloquents.
Nous avons pourtant les données chiffrées concernant Cuba, et des îles similaires à la nôtre.
Cuba au 15 janvier 2022, était le 8 ème pays le plus vacciné au monde 86,25 %.
Les Iles Cayman 87,31 %
Les Seychelles 79,58 %
Les Bermudes 73,34 %
Maurice 71,98 %
A vous membres du LKP, il est peut-être encore temps pour que vous proposiez enfin une mutation idéologique complète aboutissant enfin à un superbe lever de soleil ! Ne parlez-vous pas désormais de transformation politique ?
Mais pour cela, la condition impérative nous semble de changer les hommes et les femmes à la tête de l’organisation. Avec George Boucard, pur et étincelant, en tête de gondole ? Lui qu’on entend curieusement parler autant de la mairie du Lamentin, que d’une nouvelle alliance politique ? Mais osera-t-il regarder en face le soleil noir du paroxysme, qui recouvrira l’ultime, et désespérée résistance à l’obligation vaccinale dont il veut être le nouvel héraut ?
* Peut-on se passer de principes dans les luttes sociales Jacky Dahomay – 2010
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