Société

Pourquoi la Guadeloupe est-elle si moche ?

La laideur d’une ville, nous dit-on,  peut être imputée, au choix, à son architecture, à une mauvaise planification urbaine, à la saleté, aux problèmes environnementaux, à la montée de la pauvreté  (bidonvilles). 

Charleroi, en Belgique, a été désignée comme la ville la plus moche du monde, et truste la première place du classement. On a pu dire qu’elle est désavouée par les Belges eux-mêmes.

Pyongyang (Corée du Nord), arrive juste en deuxième position. Le Ryugyong Hotel, pyramide monstrueuse, culminant à 300 mètres de hauteur et dont la construction aurait coûté l’équivalent de 2 % du PIB du pays, a été élu «  Pire monument de l’histoire de l’humanité », et est la caractéristique parfaite d’un totalitarisme urbanistique communiste (comme la Mairie de Pointe-à-Pitre, le Centre des Arts à l’abandon, l’ancienne Sécurité sociale de Pointe-à-Pitre, les hideuses tours de la Gabarre, du temps où le Parti communiste guadeloupéen copiait l’architecture entrevue lors des stages des pays camarades organisés par l’ex-URSS).

Pourtant, l’incapacité à bâtir des villes en Guadeloupe, les canaux sordides qui charrient des immondices peu ragoutants (Raizet), les cubes de béton derrière un malheureux cocotier (Lamentin, Sainte-Rose), les rivières saccagées (zone de Colin à Petit-Bourg), la folie des implantations commerciales (zone de Dothémare aux Abymes), sont dès maintenant des caractéristiques peu enviables guadeloupéennes.

Il suffit de rouler quelques kilomètres en Guadeloupe pour comprendre que ce qui a été bâti, est déprimant, mal conçu, bâclé, et  que nos élus y ont apporté leur touche absurde et délétère.

Et si les nouvelles pétrifications de la pensée, les hérésies multiples dans l’archipel, les exaltations de la médiocrité,  l’euphorie que procure aux foules désocialisées l’identification à des artistes bas de gamme, provenaient de cette  géographie de Nulle part, « The geography of Nowhere » ?

La profonde déchéance spirituelle induite par le nouveau mode de vie guadeloupéen, ces lieux qui donnent aux gens un sentiment de solitude, de désespoir, de perte de liens, d’anomie paralysante, cette  laideur immersive de champs de bananes et de cannes saccagés par des constructions et des panneaux publicitaires hideux, la nullité évidente  et la monotonie étouffante des nouvelles banlieues ardemment désirées par nos politiques sans foi, ni loi,  vont à court terme provoquer un cri de deuil commun.

Oui, avec cette  urbanisation faite de non-loi, (on légalise les constructions illicites : affaire du temple hindou, captage illégal d’eau dans le Sud Basse-Terre), le partage de l’espace devient impossible, la Guadeloupe bétonnée, morbide, anarchique, laide, se résume à un « foutoir ».

L’écrivain grec Christomanos dans « Poupée de cire » ( 1911) décrit l’inéluctable réalité sururbanisée de la ville d’Athènes. 

Sa Poétique de la quotidienneté se focalisait sur la forme la plus extrême, les déchets urbains «  des tas de pierres et de bouteilles et d’assiettes cassées et de vieux papiers et des fonds de poubelles et des cercles tordus de tonneaux brillaient au soleil comme d’inestimables trésors ».

Devons-nous considérer comme d’inestimables trésors, nos tonnes d’immondices, la rivière de la Lézarde saccagée, l’allée du Manoir démantibulée ? 

L’hérésie écologique est-elle un modèle transposable aux Antilles à l’ensemble de notre société?

La construction d’une mémoire, procède-t-elle  par effacement des trésors inestimables de la nature guadeloupéenne ?

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Théo LESCRUTATEUR

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