Société

L’histoire de Marie-Angelique, enfant sauvage

C’est un cas rare d’enfant sau­vage qui a pu s’assimiler à la socié­té fran­çaise », explique Julia Douthwaite Viglione, pro­fes­seure de fran­çais dans l’Indiana et autrice d’un ouvrage retra­çant l’histoire de Marie-​Angélique Le Blanc, dans la revue Causette du 29 juin 2021. Marie-​Angélique est l’un des pre­miers cas recen­sés en France de ceux qu’on appe­lait alors « les enfants sauvages ».

C’est dans la forêt de Songy, près de Châlons-​en-​Champagne (Marne), que la jeune fille est décou­verte en sep­tembre 1731. D’après les dif­fé­rents récits, elle aurait été aper­çue nageant dans la rivière (une qua­li­té peu répan­due à l’époque), cou­rant comme un lièvre et grim­pant aux arbres tel un écu­reuil. Elle est alors décou­verte « pieds nus, le corps cou­vert de haillons et de peaux, le visage et les mains noires comme une négresse », selon la des­crip­tion d’une cer­taine Marie-​Catherine Hecquet dans un livre (1755).

La jeune fille s’exprime par cris, se nour­rit de viande crue, chasse à mains nues et impres­sionne par sa force et son agilité.

Pour les villageois·es, elle est une figure du diable. Le châ­te­lain local, le vicomte d’Épinoy, ordonne sa cap­ture. Si on lui attri­bue l’âge de 9 ans au moment de sa cap­ture, cet âge est impos­sible à confir­mer, pas plus que le temps qu’elle aurait pas­sé dans la forêt, où elle s’enfuit à plu­sieurs reprises. Un attrait pour la liber­té qui s’explique aus­si par l’alimentation, les mets cuits la ren­dant vio­lem­ment malade.

Son état de san­té fra­gile entraîne, en octobre 1731, son entrée à l’hospice géné­ral de Châlons et son bap­tême anti­ci­pé. Dès 1732, « la jeune fille sau­vage de Songy » devient Marie-​Angélique Memmie (du nom du pre­mier évêque de Châlons) Le Blanc. Dès lors et jusqu’aux années 1750, Marie-​Angélique est prise en charge par dif­fé­rentes ins­ti­tu­tions reli­gieuses : à Vitry-​le-​François, Joinville en Champagne, Reims et Paris.

C’est là que la jeune fille est « réédu­quée ». Sa capa­ci­té à par­ler rapi­de­ment le fran­çais, tout comme elle le lit et l’écrit, étonne. Son talent pour la cou­ture fait pen­ser à cer­tains historien·nes qu’elle n’aurait pas tou­jours vécu à l’état sau­vage. Son évo­lu­tion rapide, le mys­tère autour de son his­toire, dont elle n’a visi­ble­ment que peu de sou­ve­nirs, pas­sionnent les intel­lec­tuels de toute l’Europe : les phi­lo­sophes James Burnett, Voltaire ou Louis Racine échangent avec Marie-​Angélique, et la reine de Pologne, Catherine Opalinska, l’observe attra­per les lièvres à la main lors d’une par­tie de chasse en 1737, rapporte la revue Causette.

Mais cette « socia­li­sa­tion » ne se fait pas sans mau­vais trai­te­ments, comme le notent les obser­va­teurs de l’époque. Dès sa cap­ture, elle est « dres­sée » pour perdre ses habi­tudes « sau­vages ».

Les recherches de Serge Aroles, ont permis d’authentifier que née vers 1712, elle appartient à la tribu autochtone des Meskwakis (ou « Renards »), qui occupe une partie du territoire de la Haute-Louisiane alors sous administration française. Les Meskwakis sont à cette époque les voisins et ennemis des nations plus puissantes des Sioux et des Ojibwés. Sans alliés majeurs et unis à des tribus disparates et de tailles modestes, les Meskwakis sont hautement vulnérables. C’est ainsi qu’ils voient disparaître la majorité de leurs hommes dans deux grandes batailles contre les Français, en 1712 et 1716, ce qui entraine l’impossibilité de nourrir les enfants.

C’est dans ce contexte que Marie-Angélique et de nombreuses autres petites « Meskwakies » (ainsi sont-elles qualifiées dans les registres du Canada), âgées de 5-7 ans, sont données ou vendues aux Français du Canada, pour servir de futures domestiques.

En 1731, deux sauvageonnes surgissent des bois aux environs de Trois-Fontaines dans la Meuse, et traversent à la nage la rivière de la Marne, frontière naturelle de la Champagne et de la Lorraine. L’une d’elle disparait (un seigneur avouera beaucoup plus tard l’avoir abattue), la deuxième (ne pouvant survivre seule) se rapproche des habitations et se réfugie dans un arbre à proximité de Songy.

La jeune fille est capturée par les habitants du village et confiée dans un premier temps à un fermier puis elle est prise rapidement sous la protection du vicomte d’Epinoy (elle sera placée ensuite dans plusieurs institutions). Ses protecteurs lui attribuent de concert une “dizaine” d’années (en fait on s’apercevra 270 ans plus tard qu’elle en avait 19 et qu’ils avaient fait cela pour la protéger).

Au moment de sa “capture”, sa peau est recouverte de boue noire et elle ne s’exprime que par des cris aigus, se déplace très rapidement, ses yeux bougent extrêmement vite dans leurs orbites, son organisme rejette toute nourriture cuite ainsi que la farine de blé, elle se jette sur le gibier, le dépeçant extrêmement rapidement pour l’engloutir cru. Ce comportement suggère qu’elle et sa compagne ont du vivre en autarcie complète dans la forêt pendant plusieurs années.

La fillette dont personne ne connait l’origine et dont le comportement ressemble à celui d’un animal sera l’attraction du XVIIIe siècle, la reine Catherine Opalinska, femme du roi Stanislas, propose de la prendre sous sa protection, mais c’est le duc d’Orléans qui aura cette faveur !

L’enfant sauvage inspire encore aujourd’hui nos contemporains. (Mowgli, Truffaut qui sera inspiré aussi par Victor un autre enfant sauvage du XVIIIe)…),

Après des soins attentifs, la jeune fille recouvre un langage “articulé” et commence à livrer ses mémoires qui seront retranscrites par La Condamine (scientifique et ami de Voltaire) dans un livre intitulé ” Histoire d’une jeune fille sauvage, trouvée dans les bois à l’âge de dix ans. ”

Elle dit s’appeler Marie-Angélique d’Olive (Ollive), et ses quelques souvenirs aideront bien plus tard à retracer son histoire, reconstituée par Serge Aroles en 2004.

Son âge véritable permet de situer sa naissance en terres amérindiennes en 1712. Son peuple (les renards) ayant été exterminé, elle est adoptée en 1718, par madame de Courtemanche femme de colon de la Nouvelle-France, qui vit au Labrador. Cette dernière embarque en 1720, avec ses 3 filles et une “sauvageonne” sur l’Aventurier, vaisseau de la Marine Royale, pour fuir le Labrador, contrée devenue hostile.

Débarquées toutes les deux à Marseille en pleine épidémie de peste, Marie-angélique est alors confiée au sieur Ollive, qui tient une manufacture de soie à Marseille. De là, et probablement après un viol car elle ne supporte aucun contact physique masculin, la fillette s’enfuit avec une enfant de son âge, esclave noire, probablement originaire du Soudan ou d’Éthiopie, et dont l’histoire n’a pas été retrouvée.

Les enfants de 10 à 12 ans doivent leur survie à leurs origines, notamment à la force de la fillette noire, décrite comme plus grande de taille, et par l’origine amérindienne de Marie-Angélique, qui, très jeune en Nouvelle-France, avait appris à se protéger du grand froid en s’enfouissant dans des terriers d’animaux.

Marie-Angélique le Blanc meurt en 1775, à Paris où elle réside, dans des circonstances assez floues, on soupçonne qu’elle a été empoisonnée, car étant relativement riche à la fin de sa vie, elle avait prêté beaucoup d’argent.

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