Les Antilles : Des îles malades, royaumes du clientélisme, du profit, des petits et grands arrangements, de l’incurie et de la paresse intellectuelle
L’ampleur de la crise terrasse la parole politique aux Antilles. Les élections ne sont que des ponctuations symboliques de l’impuissance de nos dirigeants.
Face à ces femmes et hommes politiques qui nous déçoivent tant, devons-nous appliquer la Terreur dorénavant ?
Quoique Saint-Just, le révolutionnaire soutien indéfectible de Robespierre, dans son ultime discours, nous avait prévenus.
« La terreur peut nous débarrasser de la monarchie et de l’aristocratie ; mais qui nous délivrera de la corruption ? ».
Saint-Just se distinguait par l’intransigeance de ses principes prônant l’égalité et la vertu. Il a fait voter la confiscation des biens des ennemis de la République au profit des patriotes pauvres.
Tout d’abord, comme nous voudrions voir Josette Borel-Lincertin, Ary Chalus, Claude Lise, Alfred Marie-Jeanne, écrasés par la honte et l’échec, en posture de prière voire de pénitence, s’incliner face aux peuples guadeloupéen et martiniquais.
L’exemple nous vient de Grande-Bretagne.
Le France Culture du 30/01/2021 nous présente la photographie d’un Boris Johnson, lui que l’on a connu flamboyant, cheveux en bataille et regard narquois, lors de l’annonce selon lui victorieuse du Brexit, s’inclinant face aux britanniques, devant une situation qui s’impose dorénavant aux dirigeants de la planète, portant toute la honte et leurs limites face à un virus qui se joue de tous les pronostics et échappe aux stratégies politiques les plus élaborées.
Mais en Guadeloupe et en Martinique, cette crise est-elle le fruit de la fatalité ?
Les politiques n’ont pas été capables de dicter aux femmes et hommes, guadeloupéens et martiniquais, une conduite et une action conformes à l’éthique de nature à vaincre les instincts de la Bête.
Philippe Lacoue-Labarthe dans « la Panique politique » nous indique que dès lors qu’ont été éloignées les impositions de figure (Dieu, Père, Chef, Peuple), la question qui se pose est comment et sur quoi étayer un être-ensemble capable d’échapper au délitement et à la panique ?
Nos îles ne sont plus que des pluralités indécises, entre agrégation et désagrégation sociales, pulvérisées, à moins qu’elles ne se pulvérisent elles-mêmes. Et aucune régression ne peut rejoindre le sans-autorité, le sans-père, le sans-sujet qui est la limite ultime et l’énigme de la psychanalyse comme de la politique.
Oui, ce corps politique est pris de panique, nous indique Claire Nioche dans Champ Psy du n° 64 (2013/2) qui suggère que le politique, suppose deux figures imbriquées : l’organisme social et le chef.
La première est la tendance d’origine libidinale qu’ont tous les êtres vivants de même espèce à se réunir dans des unités de plus en plus vastes ( Freud 1921)
La deuxième est la figure du Chef, figure exceptionnelle qui réunit les sujets au bord de la panique par l’assurance qu’ils sont tous aimés de lui.
Il ne fait plus de doute que cet amour ou cette vénération provenait de pactes de corruption.
Les pactes de corruption tacite, étaient légion, comme l’affaire Madinécouty, à savoir les soupçons de prise illégale d’intérêts et de détournement de fonds publics, dans le cadre de la communauté d’agglomération du Grand Sud Caraïbe, dont Lucette Michaux-Chevry était présidente. Cette dernière est convoquée devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre le 8 mars prochain, pour s’expliquer sur ce dossier pendant une session de quinze jours.
Des classes dirigeantes souvent médiocres avec des partenaires faciles à corrompre, voilà le sombre tableau que l’on peut brosser de nos régions.
Les affaires de justice s’entrechoquent, puisqu’au niveau de l’Etat français, Nicolas Sarkozy, ex-président a été condamné. Sans nous prononcer sur le verdict rendu par les juges, cette seule interrogation : Est-ce que « l’affaire est moralement choquante, bien en dessous de ce que l’on peut attendre du comportement d’un ancien président de la République » ? ( Le Monde du 2/03/ 2021 ).
La réponse est bien évidemment : OUI.
Nous apprenons que le Parisien s’est fendu d’un article critiquant vertement la décision de justice, alors que ce journal, depuis 2015, est détenu par le groupe LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, l’un des témoins de mariage de Nicolas Sarkozy lors de sa précédente union.
Mais nous, citoyens, ne sommes-nous pas également fautifs ?
Par lâcheté, nous nous réfugions dans des débats qui montent en épingle des sujets insignifiants (vitres teintées, radars), qui indiquent notre incapacité à dire le monde. Nous manifestons pour le non-port du masque, à l’école, mais nous paraissons être atteints de cécité, puisque les écoles sont en permanence fermées, vandalisées, ou saccagées. Cette semaine, la plupart des écoles en Guadeloupe, n’ouvriront pas, en raison du mouvement de grève du personnel municipal. Elles seront immobilisées par la suite pour nettoyage suite aux dégradations qui seront commises, puis pour dératisation, coupures d’eau, présence de SDF, ou toute autre raison dont vous dresserez la liste.
L’université est une foire d’empoigne où chacun veut boxer l’autre, Martinique contre Guadeloupe, Guadeloupe contre Martinique, comme la Chambre des Métiers, la Chambre d’agriculture, et bientôt la Chambre de commerce et d’industrie de Guadeloupe, puisque chacun sait que ce qui se trame dans le conflit récent initié par les dirigeants du BTP, c’est bien sût le contrôle de la Chambre consulaire. La guerre des chefs José Gaddarkhan contre Patrick Vial-Collet est lancée.
L’écoute des actualités fait apparaître au grand jour les fléaux de la Guadeloupe et de la Martinique. Des îles malades, royaumes du clientélisme, du profit, des petits et grands arrangements (le temple hindou en est l’illustration parfaite), de l’incurie et de la paresse intellectuelle.
Tout changer pour que rien ne change. Cette phrase tirée du roman « Le Guépard » de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et souvent citée pour exprimer l’inertie et la grande capacité d’adaptation des Italiens, pourrait à merveille s’appliquer pour la Guadeloupe et la Martinique. Les Echos du 28/10/2019 dressaient un tableau de la corruption en Italie.
Fini les liasses de billets. La corruption est devenue inventive. Désormais les personnes corrompues préfèrent que l’on trouve un emploi à l’amant ou à la maîtresse, obtenir des bons d’essence, le paiement de l’assurance de la voiture ou de la taxe de ramassage des ordures, le ravalement de la façade de la maison, ou encore des vacances aux Caraïbes, et l’échange de faveurs, du paiement de billets de concerts ou de dîners dans des restaurants de luxe. En Sicile, un député a demandé des billets pour un match de son équipe préférée.
En Guadeloupe, ce seront des notes de frais de taxis d’une directrice d’un musée, qui seront plébiscitées.
Notre compromission morale est établie. Elle n’est pas seulement politique, ni seulement institutionnelle.
Que proposons-nous comme exemples à nos jeunes ?
Le Nouvel Observateur du 2/03/2021, dressait ce constat lucide.
« Gainsbourg cumulait tous les vices : peut-on encore l’aimer aujourd’hui ?
Très peu de ses albums pourraient sortir aujourd’hui. Ils cumulent tous les vices pourchassés par l’actuelle culture du bannissement, dite cancel culture. Ils sont méchants, misanthropes, misogynes, grossophobes, élitistes, parfois racistes, sexuellement déviants, obsédés par la sensualité adolescente, quand ce n’est pas par l’inceste.
Les Chyen la Ri cumulaient également tous les vices. Ils étaient invités sur toutes les radios, étaient présents sur tous les podiums. Comment vouliez-vous que les enfants et ados n’aient pas pu s’identifier, par notre complaisance stupéfiante, non seulement aux Chyen la Ri, mais aussi à la Section Krim, à la Bande à Pliane, ou de Mortenol ?
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