Musique

Le jazz antillais effeuille ses fleurs de créolité

À Uzeste, à Jazz à la Villette et au Sunside, vont briller des étoiles, Chico Jehelmann, Luther François, Gregory Privat, Alain Jean-Marie… Le swing à la créole, un trésor vivant à choyer. Fara C. le 19 Août dans L’Humanité

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Le jazz antillais brasille de mille feux créatifs. Ses porte-flambeaux impriment à la note bleue les spécificités de leur culture plurielle. Ne manquons pas les occasions qui s’offrent à nous pour aller écouter des solistes, compositeurs et improvisateurs de haut vol. À Uzeste, le pianiste martiniquais Chico Jehelmann effeuillera ses fleurs de créolité en duo avec le saxophoniste saint-lucien Luther François, puis avec Bernard Lubat, avant de se joindre à la Nuit soulevée, aux côtés d’une ribambelle d’empêcheurs de sonner en rond – le Parti collectif, la Cie Lubat, ­Richard Bohringer, Jacques Di Donato, Juliette Kapla, Laure Duthilleul, François Corneloup, Louis Sclavis…

Bientôt, le batteur guadeloupéen Sonny Troupé, dont la frappe irriguée du séculaire rythme gwoka a récemment subjugué le public marciacais (au sein du groupe de Lisa Simone), se produira lors du festival Jazz à la Villette (le 31 août), à la tête de son captivant Quartet, qui comprend le pianiste martiniquais Gregory Privat, une des révélations de ces dernières années. Il revisitera notamment son CD Voyages et rêves (chez Musicast), en lequel palpite le gwoka, avec vigueur ou à fleur de peau.

En 2015, grâce aux jam-sessions initiées par Reza Ackbaraly à la Petite Halle (attenante à la Grande Halle de la Villette), on pouvait, autour de minuit, continuer sa soirée avec de chevronnés improvisateurs, après avoir assisté à un concert de Jazz à la Villette. Ces bœufs, qui s’inscrivent dans la grande tradition du jazz, ont remporté un vrai succès. Cette année, Jazz à la Villette officialise le rendez-vous, baptisé l’After Party de la Petite Halle, libre d’accès dès 22 heures. Le 31, le trompettiste guadeloupéen Franck Nicolas, dont nous avons salué dans nos colonnes l’album Jazz Ka Philosophy 9 (chez Manaprod/distribution), y entretiendra la flamme de sa Jazz Ka ­Philosophy, par laquelle il insuffle au jazz la luxuriance rythmique du tambour ka, hérité des ancêtres esclaves.

Malgré leur indéniable apport au jazz, en particulier au jazz made in France, et bien que leur nombre forme une constellation de talents singuliers, les artistes antillais restent encore mal connus du grand public. Il ne s’agit pas de montrer du doigt des responsabilités individuelles parmi les professionnels de la galaxie jazz, mais de secouer la mémoire collective de notre nation. Celle-ci oublie trop souvent de fournir des opportunités de travail, de postes à responsabilité et d’exposition médiatique aux artistes antillais (comme aux cadres issus de ce que l’on nomme pudiquement la diversité). Par ces lacunes, notre pays se prive de ressources inventives essentielles. La musique créole constitue un trésor inestimable au sein du patrimoine français et, plus largement, international.

Dans le mensuel Jazz Magazine de janvier 2009, votre « servitrice » avait réalisé, avec Lorraine Soliman, un dossier sur le jazz et la biguine. « Les musiciens antillais manquent toujours de visibilité dans l’Hexagone », écrivions-nous. La situation s’est améliorée, mais demeure insatisfaisante. Parmi eux, peu de lauréats récompensés par les principaux prix du genre. L’un des astres du jazz antillais, Alain Jean-Marie, n’a jamais reçu de victoire du jazz et fait partie des rarissimes artistes antillais auxquels l’Académie du jazz a attribué sa distinction emblématique, le prix Django-Reinhardt. Les 23 et 24 août, il faut courir au Sunside, afin de prêter oreille à cet humble géant du piano et son trio abreuvé de bop et de biguine.

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