La tyrannie de « l’illusion localiste » aux Antilles
La pandémie de Covid-19 a levé le voile sur une nouvelle forme d’hégémonie qui n’a cessé d’étendre son emprise, nous prévient Christian Salmon, dans La tyrannie des bouffons. (Editions LLL Les liens qui libèrent).
Elle a provoqué chez un grand nombre de responsables une série de réactions irrationnelles allant du simple déni aux formes les plus archaïques de superstition, de pensée magique ou de religiosité. Devant une telle avalanche d’absurdités, l’attitude souvent adoptée est celle de la sidération : comment peut-on rester au pouvoir (politique, syndical), en faisant preuve de tant d’incompétence ? s’interroge-t-il
L’UGTG, dans la droite ligne du professeur Raoult, a ainsi établi une forme inédite de populisme médical.
L’abandon à une classe syndicale arrogante et à une série de personnages d’une médiocrité affligeante, des orientations de la cité, -la citoyenneté ne s’exprimant plus que périodiquement et convulsivement sur ces fameux réseaux sociaux-, est la suite logique de l’inculture qui ronge les Antilles.
Que le tribunal administratif de la Guadeloupe, cédant aux intimidations et pressions du syndicat, ait pu enjoindre le CHU de Guadeloupe, et l’ARS, de commander des doses massives d’hydroxychloroquine, alors qu’elles ne pouvaient être administrées selon les protocoles sanitaires, qu’à un nombre restreint de patients, et que l’efficacité de cette molécule, comme devait le rappeler le Conseil d’Etat n’était pas avérée, fait froid dans le dos.
Il s’agit de gouverner par la puissance des réseaux sociaux.
Seize sociétés savantes et des personnalités scientifiques de premier plan, dont le président de l’Académie des sciences, Alain Fischer, considèrent que la dernière publication en date, du professeur Raoult, comparant l’hydroxychloroquine à d’autres traitements chez plus de 30 000 patients positifs au Covid-19, constitue un essai thérapeutique « sauvage » − une expérience réalisée en dehors des règles administratives et éthiques régissant les recherches impliquant la personne humaine. Dans une tribune publiée par Le Monde, le 28 mai, ils s’étonnent de l’absence de réaction des autorités administratives, et judiciaires.
Face à un scientifique qui a dénigré les preuves qui contrecarraient son intuition, poussant à l’absurde sa rhétorique antisystème, il faut tirer toutes les leçons de cette expérience marseillaise, martèlent les rédacteurs d’une chronique publiée dans le même journal le 31 mai. Si la science peut gagner à se voir représentée par des personnalités flamboyantes à la pensée originale, il importe de réfléchir à de sains principes de gouvernance et de contre-pouvoirs, dans des institutions où la tentation du localisme et du mandarinat est toujours possible.
On peut affirmer que l’UGTG avait choisi de prospérer sur une forme inédite de populisme médical, si on suit cette chronique. Tout comme le médecin s’adressait directement aux patients dans ses prêches vidéo hebdomadaires, imperméable au jugement de ses pairs, l’UGTG a bénéficié d’indulgence complice des politiques guadeloupéens.
Dans ce champ de ruines que sont les Antilles, la secrétaire générale de l’UGTG a pu remettre en cause les ennemis intérieurs de l’île en désignant « certains médecins ».
Prenons L’illusion localiste, d’Aurélien Bernier. Ce dernier insiste sur le fait qu’on assiste à une surenchère des mots d’ordre localistes et décentralisateurs.
A en croire nos « élites », les problèmes économiques, sociaux, environnementaux ou démocratiques, et désormais sanitaires pourraient être résolus, en Guadeloupe, en Martinique, à la Désirade.
Ce livre s’attache à déconstruire ce mensonge.
La « mondialisation heureuse » ayant fait long feu, c’est le « localisme heureux » qu’à présent on cherche à nous vendre. Le terroir et les circuits courts pour compenser les ravages de la mondialisation (comme si le Karacoli n’était pas une vraie menace pour la biodiversité guadeloupéenne), le régionalisme en matière d’enseignement et de formation (alors que Guadeloupe Formation est une écurie d’Augias), et dorénavant le syndicalisme antillais pour son expertise en matière pandémique surpassant les plus grands laboratoires de recherche mondiaux !
Cette « illusion localiste » doit être dénoncée. Non pas que l’action de proximité soit négligeable, souligne Aurélien Bernier, car s’engager dans la vie locale est tout à fait nécessaire. Mais plutôt que d’opposer l’action locale et celle d’un Etat vampirique, mieux vaudrait les articuler, professe l’auteur.
Nous, aux Antilles, avons abandonné à une classe syndicale et politique déconnectée des enjeux du monde contemporain, les orientations de la cité.
. « L’illusion localiste » L’arnaque de la décentralisation dans un monde globalisé, d’Aurélien Bernier, aux éditions Utopia
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