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La seule guerre à laquelle nous assistons est celle contre l’enfant guadeloupéen

L’école publique doit être un creuset d’émancipation pour que nos jeunes acquièrent une culture commune, se socialisent et créent la société du futur. Elle doit permettre aux élèves de comprendre le monde, d’accepter l’altérité, de rejeter toute discrimination, d’émanciper les classes populaires.

On pourrait discuter de l’efficacité de notre système éducatif à la condition qu’il accueille son public. Or, tous se sont ligués sournoisement contre l’école aux Antilles.

A se demander si l’objectif inavoué n’est pas de supprimer l’école.

Qu’auront-ils comme justifications ? Les rats, les sargasses,  Victor Hugo, Victor Schoelcher, les braqueurs de bijouteries jugés le jeudi 18 mars, présentés comme des pères de famille très impliqués dans l’éducation de leurs enfants, les opérations escargot, la 3ème vague du Covid ?

Marx présentait les chômeurs comme l’armée de réserve du capitalisme. Actuellement la deuxième armée de réserve juste après les chômeurs, serait l’immigration.

En Guadeloupe, l’armée de réserve pour toute conquête municipale était constituée d’employés municipaux précaires.

Leur mouvement de grève actuel peut être interprété comme un pied-de-nez face à des politiques qui les ont recrutés pour leurs bénéfices électoraux, tout en les marginalisant et en les infantilisant.

Nos politiques auraient repris les incantations paternalistes, « Le peuple est un enfant sublime et égoïste », comme le proclamaient dans un appel lancé au XIX ème siècle, La Tour du Pin et Albert de Mun.

D’ailleurs Nicefero faisait le rapprochement de trois termes : peuple-enfant-sauvages, considérés comme primitifs, inachevés, s’étant arrêtés ou n’ayant pas été jusqu’au bout de leur développement.

Ces objectifs de demandes catégorielles expriment une désespérance. De la part du syndicat majoritaire en Guadeloupe, capter à son  profit le désarroi de ces employés municipaux au rabais était un jeu d’enfant. Nous est contée la fable  où chacun aura ce qu’il pense mériter sans passer de concours.

La violence issue de la frustration sociale, la reproduction des rapports sociaux se jouent dans une interaction continue entre la corruption et le clientélisme municipal, avec la grève comme  la forme quasi-quotidienne de la revendication.

Le surgissement de ce conflit n’est pas tombé du ciel. Il s’inscrit dans la crise de la représentation politique, aux Antilles, qui n’est elle-même qu’une continuité de crises antérieures qu’elle est venue couronner.

Mais que penser de l’intégrisme anti-scolaire en Guadeloupe, puisque ce conflit s’accompagne de la fermeture des écoles, de la restauration scolaire ? Il en dit long sur l’hypocrisie du système. Toutes les classes de la société antillaise se sont liguées sournoisement contre l’Ecole.

Les enseignants avaient ouvert la boite de Pandore, en bloquant les établissements avant le Covid, avec la formidable excuse de lutter pour leurs acquis (réforme des retraites). Les mêmes avec la complicité des élus, « même le pape ne me fera pas ouvrir les écoles », s’étaient opposés à toute présence d’enseignants pendant la première crise COVID alors qu’aucun cas n’était encore signalé en Guadeloupe et en Martinique !

Ils avaient osé comparer la volonté étatique de rouvrir les écoles à l’affaire Floyd.

Dans « J’ai effacé la maîtresse », de Sophie Rigal-Goulard, Thomas, un élève de CM2 écrit pour sa classe une rédaction originale : la potion pour effacer les maîtresses. Le lendemain, il teste avec son copain l’étrange recette, et sa maîtresse s’efface pour de bon. 

Ainsi, la guerre contre l’Etat français, dont on se gargarise à longueur d’éditos et de déclarations, ne se déploie que dans l’imaginaire de pseudo-commentateurs, puisque la seule guerre à laquelle nous assistons est la guerre contre l’enfant guadeloupéen.

La fuite des cerveaux, exode des cerveaux ou fuite du capital humain, désigne les flux migratoires de scientifiques, de chercheurs à haut niveau de qualification. Combien avons-nous de jeunes cadres, formés aux exigences de l’économie et du management mondialisés, condamnés à fuir nos régions ? Se prévalant d’une nouvelle légitimité, ils seraient amenés inéluctablement à disputer le pouvoir aux « élites antillaises » sclérosées et dépassées.

Les luttes claniques, (UGTG contre Moun Gwadloup, Vial-Collet contre Gaddarkhan),  la déliquescence morale, le despotisme patronal ou syndical, la bourgeoisie compradore se sont  considérablement renforcés. Les liens de tous les acteurs guadeloupéens avec l’économie de substitution, comme la zone industrielle de Jarry, où le capitalisme se déploie, dévorant la mangrove, avec la complicité de tous, sont constitutifs d’un nouvel écocide. Qui manifeste à Jarry contre le saccage environnemental ? Qui oserait lancer l’idée d’un nouveau parc régional à Jarry, pour sauvegarder ce qui peut l’être ? 

On observe une régression, une déconstruction de toutes les réalisations et projets guadeloupéens entrepris, se traduisant par une incohérence et une inefficacité. 

Surtout la volonté de vie parallèle vis-à-vis de la société, sans effort, sans apprentissage, sans formation, est constante. Chaque antillais semble avoir  intégré l’idée que pour atteindre un objectif personnel, il faut emprunter des voies détournées, génératrices de dysfonctionnements, dans un sordide deal vorace et archaïque.

L’oligarchie démontre ce dont toute oligarchie est capable : la soif d’enrichissement illégitime et l’obsession de pouvoir illégal. Marie-Luce Penchard, est suspectée d’avoir fourni un emploi fictif à Pascal Averne, ancien trésorier de la campagne électorale de la liste Chalus-Penchard. 

Des observateurs nous indiquent que dans toutes les nations sous-développées, – non seulement économiquement, mais culturellement-, l’oligarchie manifeste le pire de l’inculture, et de l’obscurantisme. (Aux Antilles, le monde enseignant, le monde syndical, le monde politique)

Toute une rhétorique binaire démagogique, à propos du nationalisme, du patriotisme, ne peut cacher l’hideuse régression.

Tout ce que le peuple a conquis en dignité est manipulé, travesti, méprisé, stigmatisé, avili. Le Centre des Arts en est un exemple. Que dire du Memorial Act(e) ? 

Le 20 septembre 2019, Laurella Yssap-Rinçon, guadeloupéenne, devenait directrice du Mact(e), portant les espoirs d’une prise en main par de jeunes guadeloupéens diplômés de l’avenir du pays. Son départ, piteux, traduit l’échec définitif d’une compatriote. 

Une classe politique aux abois, les locaux du SIAEAG  cambriolés pour la troisième fois, un peuple malade, réceptif à toutes les déviances, l’obésité morbide qui nous condamne à être une nation en sursis,  – les malheureux enfants en surpoids,  privés une nouvelle fois de cantines, les parents leur apportant des barquettes ou sandwiches, à la sauvette-, sont cette génération sacrifiée sous l’autel de nos voracités, et de nos turpitudes.

Nous pensions que la lutte contre l’illettrisme était une priorité nationale, que l’école était l’alpha et l’omega. 

Le culturel ne réclame aucun effort particulier : il est comme un milieu dans lequel chacun baigne, et dont il s’imprègne par simple socialisation. Oui, tout le monde a une culture au sens de l’ethnologue.

Mais la contre-culture, a pour conséquence un renforcement de l’élite, celle qui n’avait guère besoin de l’école. 

Le reniement de Pierre est un épisode de la Passion du Christ. Chacun des quatre évangiles rapporte qu’après l’arrestation de Jésus, l’apôtre Pierre, par peur de risquer lui aussi la mort, nie trois fois avoir eu aucune relation avec celui-ci. Puis, lorsque le coq chante, Pierre sort et pleure amèrement, au souvenir de l’annonce que le Christ lui a faite de cette lâcheté : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois ».

Surtout, il semble que Jésus ait été crucifié pour des raisons politiques. Il est différent de ses prédécesseurs. Il se pose en messie d’un genre nouveau, même si ses revendications demeurent elles aussi fortement teintées de justice sociale. Il n’a pas d’armée, et ne souhaite pas en créer une.

En se déguisant en enseignant, en syndicaliste, en politique, l’homme guadeloupéen a renié l’école à trois reprises. Saura-t-il, comme Pierre subissant le martyre au cours des jeux du cirque à Rome, racheter sa faute ?

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Théo LESCRUTATEUR

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