Culture

De la guerre franco-tahitienne à la guerre de la Guadeloupe

A l’univers entier,

Le dernier cri de l’innocence et du désespoir…

Une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée de lever la voix vers la postérité, pour lui faire connaître lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs……

Et toi, postérité ! Accorde une larme à nos malheurs et nous mourrons satisfaits »  ( Proclamation de DELGRES, Guadeloupe, 1802 )

L’image réelle de Tahiti est occultée par le mythe océanien, celui du bonheur des îles paradisiaques. C’est «  La nouvelle Cythère » de l’explorateur Bougainville. C’est la fille d’O-Tahiti que chantait Victor Hugo dés 1821 ( Odes ).

Une vision paradisiaque de Tahiti

Une vision paradisiaque de Tahiti

On oublie trop souvent que le rattachement de la Polynésie à la France s’est inscrit dans la constitution du second empire colonial français, et qu’il a nécessité des affrontements sanglants.

La guerre franco-tahitienne

La guerre franco-tahitienne aura fait un demi-millier de morts, dont 160 français. Mais commençons par la fin.

Un groupe de tahitiens rebelles se réfugie dans le fort de la Fautaua, en 1846, construit par les Français, et protégé par une redoute..

Composée de deux volcans éteints, réunis par un isthme, l’île de Tahiti présente de nombreuses gorges dominées par des pitons.

La prise de Fatahua qui s’est déroulée à Tahiti le 17 décembre 1846, opération victorieuse de l’armée française sur les troupes maories, marque le point final de la conquête de Tahiti par la France.

L’attaque se fait du côté le plus escarpé de la position, l’assaut se faisant en escaladant à la corde  une falaise abrupte… La prise du fort de Fautahua est considérée comme un haut fait d’armes par l’Armée française.

Prise_du_fort_de_Fautahua_à_Tahiti,_17_décembre_1846,_Charles_Giraud,_1857

 Le peintre Charles GIRAUD, embarque pour Tahiti à bord de «  La Recherche «  en 1842. Les deux tableaux qu’il peindra pour dépeindre la prise du fort sont un hymne à la gloire des troupes coloniales. L’artiste insiste sur la vertigineuse verticalité de la scène, le combat aérien où les soldats sont comme suspendus dans l’espace.

C’est une éternelle pirouette de l’histoire où la mise à mort d’une culture est magnifiée.

Mais revenons au tout début de l’histoire polynésienne.

Si les navigateurs espagnols découvrirent les Marquises en 1595, c’est seulement à la suite de la découverte de Tahiti par l’anglais Wallis en 1767 que de véritables contacts s’établirent entre européens et polynésiens. On peut établir la chronologie des débarquements comme suit.

1768 : Louis-Antoine de Bougainville surnomme l’île  la «  Nouvelle Cythère ». Le récit qu’il fera de son escale contribuera à la création du mythe du «  paradis polynésien » et alimentera le thème du «  bon sauvage » cher à Rousseau.

Le chef Tutaha est tout près de la baie de Malavai où mouillent la plupart des navires européens. Il peut se fournir en fusils et en poudre plus facilement que les autres chefs.

Le 26 octobre 1788, le Bounty, dirigé par le capitaine Bligh, débarque à Tahiti avec pour mission de rapporter des arbres à pain tahitiens aux Caraïbes. S’ensuit la fameuse mutinerie : les mutins s’emparent du navire et débarquent Bligh et les membres de l’équipage restés fidèles sur une chaloupe.

Les mutinés du Bounty offrent leurs services de mercenaires et fournissent des armes au  clan POMARE.  C’est un événement très important pour comprendre l’histoire de Tahiti, car cela permettra au clan POMARE de dominer définitivement les autres chefferies.

Le chef Tutaha meurt en 1773. Lui succède Tu ( ou Otoo ), le futur Pomare 1er.

Dès le passage de Wallis, du fait de l’introduction des armes à feu, l’équilibre a été  rompu, et l’île entre dans une série de conflits violents et destructeurs qui ne s’achèveront qu’en 1815.

En 1842, la reine POMARE Vahine IV règne sur Tahiti, Moorea et les Tuamotu, Raivavae et Tubai. Le clan POMARE a réuni ce royaume grâce au soutien des Européens, implantés en Polynésie orientale depuis la fin du XVIII ème siècle. Le royaume a succédé à un système clanique ( chefferies ). Les missionnaires protestants arrivés d ‘Angleterre ont bouleversé les modes de vie ancestraux.

Après quelques décennies de rivalités franco-britanniques, la France étend progressivement son empire. L’insurrection se déclenche parce que la France entend imposer son protectorat à la Reine Pomare IV.

Le contre-amiral Dupeti-Thouars, après avoir  annexé les Marquises ( où la guerre se poursuivra jusqu’en 1880 ), dépose la reine, proclame l’annexion, débarque les troupes coloniales dirigées par Bruat. C’est la guerre franco-tahitienne ( 1844-1846 )

De nombreux chefs tahitiens soutiennent la Reine et se révoltent contre les Français. Malgré une forte résistance et de nombreuses batailles, les troupes tahitiennes sont défaites comme nous l’avons rappelé.

Cela rappelle étrangement Delgrès, en 1802, en Guadeloupe, qui s’était fait sauter à Matouba sur les contreforts volcaniques de l’île. Cette date devait marquer le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe.

Tout démontre qu’il y a bien une communauté d’histoires, et de tragédies entre les citoyens d’ outre-mer. Nous devrions apprendre les uns des autres, par delà nos différences.

La guerre coloniale durera jusqu’en 1852 dans les Tuamotu, jusqu’en 1887 dans les Australes, jusqu’en 1897 dans les Iles Sous-le-vent.

La mémoire est le produit d’une reconstruction identitaire socialement légitime, puisqu’elle répond à la nécessité de donner de la signification au passé d’une communauté humaine.

«  La guerre de la Guadeloupe »

 Ainsi, selon l’historien  Frédéric Régent,dans «  le  rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe, mémoire, histoire et « révisionnisme 1802-2002 », une histoire héroïque a été écrite, relayée par une littérature antillaise avide de grandes figures. Selon lui le mouvement nationaliste guadeloupéen a largement instrumentalisé cette mémoire ravivée en promouvant une lecture noire et anti-française de l’évènement.

Il souligne que les indépendantistes n’hésitent pas à taxer de « révisionnistes » les historiens qui soulignent le rôle des métis dans l’insurrection. Frédéric Régent tempère aussi quelque peu l’épopée des insurgés de la Guadeloupe.

Les futurs rebelles, Delgrès, Ignace, avant que certains soldats ne soient désarmés et humiliés, sont prêts à se soumettre.

L’origine martiniquaise de Louis Delgrès n’est à aucun moment mentionnée. Le blanc créole de la Martinique Monnerot, auteur de la proclamation de Delgrès, est passé sous silence.

Un officier blanc, Kirwan, participe activement à la rébellion, en étant le numéro trois de l’armée des révoltés. L’historien souligne également les quelques entorses à la réalité historique, telles qu’elles sont pratiquées par les nationalistes guadeloupéens.

Joseph Ignace, Alexandre Kirwan et Louis Delgres

Joseph Ignace, Alexandre Kirwan et Louis Delgres

La réponse de Delgrès à Richepance d’une proposition de soumission qui finit par les mots «  Vive Bonaparte, vivre libre ou mourir » est amputée du «  Vive Bonaparte «

Frédéric REGENT établit aussi la coupure nette entre les militaires « de couleur », et la paysannerie noire. Certains de ces militaires avaient d’ailleurs été propriétaires d’esclaves.

Rien n’est tout blanc ou tout noir. Pour en revenir à la prise du fort de Fautaua, c’est un Tahitien, Tariiri, qui guidera les soldats français à l’assaut du fort.

Karl Marx dans « le dix-huit brumaire de Louis Napoléon-Bonaparte «  rapporte à peu près  cette citation. L’histoire se répète toujours. La première fois en tragédie, la deuxième fois en farce. Mais cette farce est également tragique.

C’est Edouard GLISSANT dans «  MALEMORT » ( Editions du Seuil ), qui après avoir déroulé la chronologie de «  ceux qui sans fin tombent et se relèvent fusillés », tourne en dérision la colonisation apparemment réussie  de peuples économiquement et culturellement déracinés sur leur propre sol.

Il s’agit bien d’une MALEMORT.

Les péripéties apparemment les plus plaisantes de cette histoire  – par exemple les mises en scène électorales- sont d’actualité. Car les futures élections pour la région en Guadeloupe et à la Réunion, pour les assemblées uniques à la Guyane et en Martinique, ne sont-elles que d’aimables  artifices ?

Amis polynésiens, pouvez-vous nous dire si votre vie quotidienne, votre accès à l’emploi, la scolarisation de vos enfants, la sécurité de vos proches ont été améliorés du fait de la constitution d’une assemblée polynésienne ?

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