CHU de Guadeloupe : Une étiquette de déviant posée sur un syndicaliste
Un agent contractuel syndicaliste, depuis 12 ans au CHU de Pointe-à-Pitre, va-t-il mettre le feu aux poudres ? Il revendique un poste d’ingénieur et occupe le poste de technicien hospitalier.
Le CHU de la Guadeloupe, symbole de la décrépitude guadeloupéenne, ravagé par des années de sous-développement et par un incendie en 2017, est en faillite sanitaire, morale, sociale. Coutumier des crises, il s’en relève chaque fois fragilisé.
Pourtant des femmes et des hommes brillants y travaillent, des chercheurs font des miracles, la majorité du personnel est dévouée à ses patients. Un directeur d’hôpital, guadeloupéen, opiniâtre et méthodique, est à la manœuvre.
Y-a-t-il des brebis galeuses, comme cet agent au CHU ?
Pour protester contre le licenciement de cet agent, secrétaire général adjoint de la CGTG-CHU, un mouvement de grève est initié. Le syndicat indique que ce licenciement est injustifié, et met en cause le recrutement d’un ingénieur extérieur.
La réponse de Gérard Cotellon, directeur de l’hôpital sur Guadeloupe Première radio, est cinglante.
« Lorsqu’on est fonctionnaire hospitalier, on n’est pas un fonctionnaire comme les autres. Ce monsieur qui n’est pas ingénieur, parce que pour être ingénieur hospitalier, il faut passer un concours, prend en otage la communauté hospitalière.
Il n’y a plus d’essais de groupe électrogène depuis des années, je suis incapable de vous dire si en cas de coupure d’électricité, les groupes électrogènes fonctionneront.
On ne met pas en jeu la santé des patients. Ce monsieur veut que lui soit conférée la qualité d’ingénieur et porte atteinte à la santé de malades appareillés pour des revendications infondées.
C’est une situation inadmissible. »
Encore une fois, analysons cet énième soubresaut du CHU de Guadeloupe selon les données en notre possession, et non sous le coup de l’émotion.
Partons du principe que les informations du directeur sont fondées – le technicien en question ne peut prétendre au poste d’ingénieur-. Il n’aurait pas les compétences requises.
Plaçons-nous du côté de la Direction. En termes sociologiques, pour protéger le troupeau, il faut parfois donner la chasse à certaines brebis, en sacrifier quelques-unes pour sauver toutes les autres. On est ici dans une logique de l’ablation salutaire ou de l’exclusion bienfaisante.
Cela serait « l’analyse stigmatique », ou « théorie de l’étiquetage ». Une théorie socio-criminologique de la déviance est conférée rétrospectivement à un individu à travers une réaction socialement organisée. L’ étiquette de déviant est aussi appelée « individuation sociopathique ».
La stigmatisation est entièrement dépendante du pouvoir managérial. Il faut du pouvoir pour stigmatiser.
Le stigmate est une marque d’infamie ou de disgrâce, le signe d’un défaut moral, une tache causée par une conduite déshonorante.
Du côté syndical, y-a-t-il une coupable complaisance endo-groupe ?
L’erreur ultime d’attribution correspondrait à la tendance à favoriser systématiquement son groupe d’appartenance (endogroupe) lors de l’attribution causale – soit le poste d’ingénieur -, par rapport à un autre groupe.
L’erreur d’attribution est d’autant plus forte que le conflit intergroupe est de longue durée (conflit historique), que l’appartenance au groupe est saillante (caractéristiques ethniques), qu’il y a de forts préjugés par rapport à l’exogroupe.
Les cibles perçoivent une menace pour leur identité et radicalisent leur position initiale.
Y aurait-il primauté de l’appareil anarco- syndicalo- hospitalier guadeloupéen sur la compétence ?
La seule vassalisation syndicale dans ce CHU apporte-t-elle un avantage compétitif sur d’autres cadres formés, hexagonaux ou non ?
Ce sont bien les critères de compétence et d’expérience qui doivent primer.
La fuite des médecins et des cadres de cet hôpital est connue de tous. Gérard Cotellon indiquait que le CHU de Guadeloupe doit être le seul hôpital au monde où certains croient pouvoir faire fonctionner des services de santé sans médecins et sans cadres.
Alors les syndicalistes pointeront la détresse révélatrice de « l’ordre gestionnaire » qui sévit à l’hôpital. Ils affirmeront que la logique technocratique ne doit plus occulter l’engagement des professionnels de santé, au nom du dogme de l’efficience souvent sollicité pour cautionner des renoncements, des réorganisations, des restructurations, redéploiement et autres modalités de management.
Oui, tout ça c’est très bien. Mais la réalité de ce monde est têtue, plus encore depuis la crise Covid. L’agent en question peut-il prétendre à ce poste ? Oui ou Non ?
Nous espérons que tant pour l’agent que pour son syndicat, que cela ne se finira pas piteusement comme pour l’élection du comité cycliste de la Guadeloupe.
La cour d’appel de Basse-Terre dans un arrêt daté du 30 septembre 2019, a déclaré nulle l’élection du comité cycliste de Guadeloupe du 15 janvier 2017. C’est Clothaire Boecasse, adversaire de Philippe Moueza qui avait contesté cette élection.
Il estimait qu’Erick Chebah, présent sur la liste de Philibert Moueza au titre du collège « technicien », ne remplissait pas cette qualité, faute de diplôme fédéral.
Erick Chebah soutenait être titulaire du brevet fédéral 1er degré.
Mais le juge constate « qu’aucun élément du dossier ne permet de matérialiser l’obtention du brevet fédéral 1er degré par M. Erick Chebah, malgré l’attestation de Vincent Jacquet, DTN au moment de l’élection et la mention informatique de l’obtention sur la licence ». « Aucune copie de ce diplôme n’est versée aux débats ». Le candidat devait présenter les diplômes d’Etat ou fédéraux d’enseignement du cyclisme exigés pour l’obtention de la licence « cadre technique » sans autre considération de ses mérites sportifs ou associatifs.
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