Accepter les 1000 morts en Gwada n’est pas nécessairement héroïque
Forces obscures et nécropolitique aux Antilles
Faudra-t-il un parti de libération kanak en Guadeloupe et Martinique ?
L’indépendantiste et chef du gouvernement calédonien, Louis Mapou, a précisé, le 1er octobre : « 96 % des morts étaient non vaccinés, leur moyenne d’âge est de 71 ans et le plus jeune avait 40 ans ; 56 % sont des Kanak, 22 % des Wallisiens, et Futuniens, et 22 % sont issus des autres communautés ».
Louis Mapou s’est satisfait de l’avancée de la campagne vaccinale en Nouvelle-Calédonie.
« Je m’aperçois que 64 000 personnes se sont rendues dans un centre de vaccination en 25 jours seulement. Ce qui est énorme par rapport au défi qu’on s’était fixés. Avec 66 % de la population vaccinable qui a eu au moins une dose en un mois de confinement, c’est très bien. L’objectif, c’est 85 % de la population vaccinable à la mi-novembre ».
Pas de saccage des hôpitaux, pas d’agression de médecins, la Kanaky nous a donné une vraie leçon.
Le prestigieux Jacques Lacan nous avertissait. « On voit maintenant comment les forces obscures du Supermoi se sont associées aux plus vils abandons de conscience pour conduire les hommes à une mort acceptée… tout ce qui apparaît comme un sacrifice n’est pas nécessairement héroïque ».
Accepter les 1000 morts en Guadeloupe n’est pas nécessairement héroïque.
Oui, la mortifère organisation sanitaire aux Antilles pendant cette pandémie, a été un scandale.
Mais ridiculiser en permanence les scientifiques du monde entier, les épidémiologistes, les accuser de propager une mort lente par la vaccination, n’est pas nécessairement héroïque.
Le chef du gouvernement calédonien, Louis Mapou, lui, sait que les populations kanak vivent en tribus et multiplient les rassemblements spirituels, que malgré un confinement strict de la population, la courbe de mortalité fut d’environ 40 % supérieure aux prévisions des scientifiques, qu’il a utilisé l’arme qu’il avait à sa disposition pour sauver son peuple en surpoids et touché par le diabète.
Vladimir Safatle, dans Brésil « Au-delà de la nécropolitique (1) », professeur au département de l’université de Sao Paulo, dans Mediapart du 25 octobre 2020, va à l’encontre de tout ce qu’on entend actuellement en Guadeloupe et en Martinique. Ce militant anti-colonialiste ne mâche pas ses mots.
Résumons sa pensée. Contrairement au postulat actuel selon lequel la préservation de la liberté totale de l’individu serait le pilier contre le fascisme, il explore la thèse selon laquelle les illusions autarchiques, (l’autarchisme étant la philosophie politique basée sur la liberté individuelle, qui prône le règne personnel de chacun sur lui-même), unitaires et identitaires de l’individualité moderne ne peuvent être réalisées que comme violence sociale (nous avons bien aux Antilles un continuum de violence, de la violence des rapports historico-étatiques à la violence syndicale, à la violence intra-familiale, à la violence urbaine, à la criminalité galopante). Cette violence, du fait de stratégies de compensation psychique narcissique, consolide un processus d’implosion suicidaire du corps social.
Mais la rébellion contre la loi institutionnalisée devient anarchie et libération de la force brute au service des « pouvoirs » actuels. (Dans cette frénésie anti-vaccin covid, c’est bien l’Etat français qui sortira renforcé ; dans le domaine sanitaire, aucun jeune interne antillais ne souhaitera poursuivre sa carrière au sein des CHU de Guadeloupe et de Martinique. En matière de direction de l’hôpital ou de l’ARS, aucun cadre antillais ne sera suffisamment fou pour postuler à la direction d’un établissement de santé).
Le diagnostic d’une course au sacrifice de soi, (je suis prêt à être licencié par l’Etat français), comme seul moyen de préserver des idéaux narcissiques et leurs mécanismes de défense, constitue une projection fantomatique de soi-même.
Car en même temps, la dynamique inarrêtable de l’autodestruction de la vie sociale est en route : agressivité, mépris, incompréhension, repli, guerre des non-vaccinés contre vaccinés.
Hannah Arendt en 1951 parlait du fait étonnant que ceux qui adhéraient aux thèses populistes ne faiblissaient pas même lorsqu’ils en devenaient eux-mêmes victimes, même lorsque le monstre commençait à dévorer ses propres enfants.
En outre, ce qui a échappé à un bon nombre de commentateurs , c’est que de tels bouleversements impliquent des recompositions globales plus profondes visant à s’adapter aux processus socio-économiques menés par l’horizon néo-libéral.
La santé se muera en stratégies managériales extrêmement profitables à des groupes privés.
Ainsi aux Antilles, curieusement, nul courant de pensée ne met en exergue le fait que les manifestations contre la vaccination traduisent une consolidation de l’indifférence et du chacun pour soi, éléments fondamentaux pour la généralisation des mutations psychiques décrites par Adorno et Guattari.
Cette liberté requiert une société qui a implosé toutes ses relations, actuelles et potentielles, de solidarité générique. Cette implosion ne verra aucun problème à défendre une conception de la liberté de laisser les pauvres, les couches sociales défavorisées, les porteurs de maladies graves, mourir au nom d’une sacro-sainte liberté.
C’est le slogan de Bolsonaro. « Bien plus grande que la vie elle-même est notre liberté ».
Le constat est sans appel. Le refus de la vaccination engendre un impact différent du risque pandémique selon les classes sociales, créant des courbes de contagion et de mort complètement différentes entre les classes riches et pauvres.
Les habitants de Guadeloupe et de Martinique retournent des siècles d’humiliation contre eux-mêmes. Les modèles scientifiques sont reniés et conspués, un courant de pensées se dote de structures qui annihilent toute argumentation positive, référencée, c’est une machine de guerre qui combine une pluralité de fonctions : syndicale, politique, mémorielle, jusqu’à la fulgurance finale enfin dévoilée (les CHU de Guadeloupe et de Martinique sont des plantations esclavagistes !).
Theodor Adorno a parlé, dans les années 1960, d’ « un désir de catastrophe », de « fantasmes de fin du monde ».
Nous pourrissons de l’intérieur, sans même nous en rendre compte, en toute « bonne foi ».
Nous exaltons une liberté suicidaire, comme l’a indiqué Antonio PELE, alors que le droit fondamental est la vie. Le simple fait d’être et de rester en vie devrait incarner en soi un geste radical de résistance politique, comme le fait courageusement le leader kanak.
Antonio PELE a lui aussi décrypté la situation du Brésil, où le ressentiment équivaut à une aliénation idéologique. Ce sentiment de rancœur mal orienté est une stratégie contre-révolutionnaire. Dans cette « politique de la mort » qui structure la société brésilienne, il examine comment sont fabriquées les subjectivités nécropolitiques grâce à la manipulation d’émotions et comportements spécifiques : racisme, haine et ressentiment.
Car ces subjectivités permettent une intensification de la « distribution de mort ».
Les observations acerbes de Paulo Freire sur les lignes de force qui ébranlent la société brésilienne, « elles se nourrissent en effet de l’amour de la mort, pas de la vie », sont malheureusement transposables aux Antilles.
Connaissez-vous le Telegram 71 ? C’est avec ce numéro qu’en 1945, Adolf Hitler a proclamé le sort d’une guerre perdue.
« Si la guerre est perdue, que la nation périsse »
Il détaillait les ressources à détruire afin que la population allemande périsse en cas de défaite.
Irons-nous jusque-là ? Détruirons-nous notre CHU parce que l’Etat français aura confirmé l’obligation vaccinale des soignants aux Antilles d’ici le 14 novembre ?
On comprend les craintes du député Serva qui demande un nouveau délai pour l’application de cette obligation.
Guattari avait affirmé que les masses ont investi « une fantastique pulsion de mort collective », qui leur a permis d’abolir, dans un « fantôme de catastrophe », une réalité qu’elles détestaient.
Nous avons fait de la révolte contre l’Etat injuste, contre les autorités qui nous excluent, une accélération de notre propre catastrophe, un rituel de liquidation de nos aînés, de nos diabétiques, au nom d’une croyance en notre volonté souveraine.
Mais il n’y pas martyr et rédemption.
Le martyr n’établit pas un moment de suprématie.
Pour Georges Bataille, la mort dans le sacrifice en réalité ne révèle rien.
Répétons-le. Je suis donc libre quand je fais ce qu’il faut pour vivre, et non quand je fais ce que je veux. C’est la vie qui est importante et non le Moi.
Je suis donc libre quand je suis un fils qui fait ce qu’il faut pour que sa mère âgée de 92 ans vive.
Et cette mère survivante, répondra à ceux qui pourfendraient son fils, « masqué, fallacieux, vacciné, et idiot ?
« Non. Il est le héros. Un héros sans mensonge, qui fait face à son histoire, sans chercher de lâches raccourcis, sans être un traître ».
1) Selon le concept formulé par Achille Mbembé, la nécropolitique est l’expression ultime du pouvoir social et politique par sa capacité à décider qui doit mourir ou qui pourra vivre
1 Comment
Cher Theo ,
Si je comprends bien pour éviter d être autarchique , il faut accepter une thérapie génique en phase expérimentale dont les effets secondaires se font de plus en plus sentir…
Vouloir contraindre à tout prix et à n’importe quel prix n ‘a jamais été le signe d ´un progrès démocratique c est même le signe avant- coureur de tous les totalitarismes … Cet ultra libéralisme autoritaire vaccinal est un totalitarisme en gésine …
Je ne vois pas dans le peuple guadeloupéen de tendance auto suicidaire… bien au contraire … un amour de la vie qui lui fait, au nom de la vie qui se vit être méfiant sur la parole de Custer … en Sitting Bull amérindien … il se souvient de la parole testamentaire de ce dernier « les visages pâles ont la langue fourche ils ne respectent aucun traité … »
Cette méfiance ancestrale est protectrice de notre survie …Elle est renforcée par les injonctions paradoxales qui tiennent lieu de parole publique depuis le début de la pandémie sous nos latitudes…
Commencez à être plus clair … moins contraignant … comme en Allemagne pourtant réputée très respectueuse de l’esprit de la Norme , et je ne parle même pas des Pays Bas .. il n y a pas d obligation vaccinale…à moins de 200km de Lille !
Cherchez l’erreur !
C est curieux que ce soit l Europe du Sud qui devienne depuis cette pandémie « prussienne » et que l Europe du Nord soit désormais, nettement plus garante de nos libertés démocratiques… Un intéressant renversement de paradigme …
Mais peut être que cet appauvrissement vient de
l abandon progressif par les Européens du Sud de
l enseignement des humanités des 11 Grecs et 22 latins chers à Rabelais … transformant leurs citoyens donc leurs politiques en « pousseurs de Caddies » … de plus en plus incultes … la Zemmourisation ambiante en est le signe le plus visible …
Rezistancia !
Indignons nous en souvenir du Grand Stephane Hessel
On pèp ki Ini
I pa Ka pwen
Piki
Non au pass sanitaire!
Non à l obligation vaccinale !
Liberté guide nos pas car « la Résistance à l oppression vaccinale est un droit naturel »
Delgres depuis le Matouba en 1802 !
Georges BOUCARD
Coordonnateur Général du PARÉÉ