Université des Antilles : la loi votée
Le projet de loi portant sur la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en Université des Antilles a été définitivement adopté mardi 16 juin.
Les interventions :
Alfred Marie-Jeanne. Le démantèlement accéléré de l’université des Antilles et de la Guyane jure avec les tracasseries innommables, véritables haies d’obstacles à surmonter, qui freinent la mise en place de l’université des Antilles.
Curieux hasard : il se trouve que ce sont les mêmes acteurs, les mêmes protagonistes, les mêmes histrions que l’on retrouve impliqués dans les deux cas.
Qu’il me soit permis, chers collègues, d’interpeller chacune et chacun de vous en particulier. Auriez-vous donné votre aval à de tels agissements et à leurs méfaits induits s’il s’était agi d’une université proche de chez vous ? Vous n’auriez rien accepté de tout cela et j’aurais été, sans hésitation aucune, à vos côtés. Car en cette matière, si vitale pour tout pays et pour sa jeunesse, l’intérêt supérieur doit primer. L’intérêt particulier des copains, fussent-ils ministres ou pas, présidents de région ou pas, doit s’éclipser. L’apaisement voulu n’est donc pas au rendez-vous. Le Gouvernement a choisi de s’incliner de façon déshonorante.
Face à tous ces stratagèmes, l’affaire du CEREGMIA, véritable maelström, ne peut être éludée. Elle ne cesse de miner la bonne marche de l’université. La justice s’en occupe, nous dit-on. Le procureur de la République en personne a confirmé qu’il y a bien eu « détournement de fonds publics en bande organisée . Certains avancent aujourd’hui que ces détournements ont alimenté des caisses noires. Dois-je rappeler que cet imbroglio infernal existe depuis plus de vingt ans ?
La Cour des comptes rappelle continuellement ces dysfonctionnements intolérables et cette impunité impardonnable. Au nom de quelle valeur va-t-on continuer à couvrir de telles indélicatesses, pour ne pas dire de telles malversations ?
… En conclusion, les dés sont pipés. Un pays de passe-droits permanents glisse inéluctablement vers un pays de non-droit. Et laisser agir en toute impunité, c’est conforter le système rampant de la corruption.
Jean-Philippe Nilor. Nous arrivons au terme de ce débat sur l’université des Antilles, un débat qui n’honorera personne, car, vous le savez, il sonne le glas de l’espérance pour notre jeunesse, qui a pourtant besoin d’une éducation d’excellence et d’une université qui concrétise cette dynamique espérée.
Votre texte, madame la ministre, revient à dresser un constat d’échec, votre constat d’échec. Mais, comme il s’agit des outre-mer, ce n’est pas grave : quelle importance d’ignorer la volonté de développement de nos peuples qui vivent à l’autre bout du monde ? On regroupe en France, on regroupe partout dans le monde, mais, chez nous, on découpe, et la mère patrie se transforme en amère patrie. Vous, madame la ministre, pour des raisons partisanes, vous voulez seulement changer la gouvernance de l’université : chacun a l’ambition qu’il s’assigne.
C’était pourtant une responsabilité lourde mais exaltante que celle de porter sur des fonts baptismaux sains la future université des Antilles. Cela aurait pu être un grand projet et un grand dessein… En effet, l’université Antilles-Guyane, cette œuvre édifiée et alimentée au prix d’efforts incalculables, d’une volonté partagée depuis plus de trente ans, a été euthanasiée à la première poussée de tension survenue, sans autre forme de procès.
Aujourd’hui, nous devons trancher sur le mode d’élection de la gouvernance de l’université. L’élection conjointe du président de l’université des Antilles et des vice-présidents de pôle sur une liste commune, sous forme d’un « ticket à trois », est souhaitable : elle seule permettrait de garantir la cohérence stratégique, l’unité de l’établissement et l’autonomie des pôles. En réalité, que reprochez-vous au « ticket à trois » ? D’être une idée de la droite ? De ne pas être suffisamment facteur de division pour l’avenir ? Nous sommes tous, ici, des observateurs suffisamment avisés de la politique pour ne pas ignorer que seul un scrutin de liste, d’équipe, amène les uns et les autres à développer une vision partagée et prospective d’une institution, quelle qu’elle soit…
Finalement, dans le champ de décombres annoncé, seule la conviction de quelques personnes aura été remarquable. Je veux saluer à nouveau avec force le courage et la détermination de l’actuelle présidente de l’université, qui a montré un bel exemple pour notre jeunesse, dont nous aurions pu, tous ici, nous inspirer, pour construire et non détruire. Elle a su maintenir une université dans la tourmente malgré les crises politiques, stratégiques et les vents contraires, dans l’intérêt des étudiants et de l’éducation…
Notre priorité aurait dû être d’accompagner nos étudiants vers l’excellence. Malheureusement, avec ce texte, ce sont des intérêts extra-universitaires, de type politicien, qui gagnent une fois de plus.
Madame la ministre, l’avenir nous regarde, l’avenir vous regarde. Je ferai mienne une formule d’Albert Camus, pour vous dire que si vous n’êtes pas « entièrement coupable car vous n’avez pas commencé l’histoire », vous n’êtes pas « non plus tout à fait innocente puisque vous la continuez. »
Mme Gabrielle Louis-Carabin. Je n’irai pas dans le même sens que mes collègues martiniquais. Comme M. le rapporteur et Mme la ministre l’ont indiqué à juste titre, des élus régionaux se sont quelque peu mis d’accord, mais pas seulement eux : il y avait aussi des élus de l’université.
La scission avec la Guyane nous a véritablement posé un problème, puisque l’université des Antilles et de la Guyane s’est vue dépossédée de sa partie guyanaise. Cela a fait beaucoup de vagues, aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe. Nos universités ont été bloquées. Il faut maintenant trouver une solution pour mettre fin au désordre.
Le dispositif voté par l’Assemblée nationale en mai 2015 prévoit l’élection de la présidente et l’élection d’un vice-président dans chaque pôle. Je crois que cela mettra un terme aux tensions actuelles et que cela rétablira la confiance. Mes collègues Ary Chalus et Victorin Lurel sont absents aujourd’hui, mais nous sommes tous trois d’accord avec la position du Gouvernement. Ce n’est pas une question politique mais une question de compréhension. Il ne s’agit pas de démanteler l’université entre la Martinique et la Guadeloupe : simplement, chaque pôle aura son vice-président. Ainsi, pour mieux gouverner, la présidente sera entourée de deux vice-présidents qui travailleront ensemble dans l’intérêt des étudiants. Rappelons, surtout, que cette université est la seule université francophone dans la région Caraïbe !
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