UNE GUYANAISE HANDICAPEE EN GREVE DE LA FAIM DEVANT LE PARLEMENT
Line Legrand, de Cayenne, animatrice de 48 ans, a toujours eu une vie active dès son plus jeune âge. Connue pour son franc parler, rien ne la disposait à devenir une SDF et être à la une de l’actualité. Elle mène depuis une dizaine de jours une grève de la faim devant le Palais Bourbon pour un logement social et son honneur.
Ses malheurs commencent en 2013. Lors d’un tapage nocturne en bas de son immeuble, l’altercation dégénère. Elle se retrouve mêlée à une rixe et on lui prescrit une ITT (Interruption Temporaire de travail) de 45 jours avec de nombreuses fractures nécessitant des interventions chirurgicales. Suite à une panne de machine en Guyane, elle est contrainte de venir se faire opérer en Métropole en octobre 2013. Ses déboires iront crescendo…
Seule l’intervention et le séjour à l’hôpital étant pris en charge, sans famille en Ile de France, elle est vite ballottée de foyers en foyers, et se retrouve finalement sans hébergement en décembre 2013. Fière et d’une volonté tenace, elle ne se laisse pas aller s’adaptant aux rigueurs du climat. Mais son calvaire n’est pas achevé. Pour compliquer le tout, Line souffre de diabète depuis 1989. Ses mois d’errance transforment une simple plaie au pied en une gangrène qui se solde par une amputation de la jambe droite.
On pourrait penser que cet handicap lui ouvrirait les portes des administrations (le code de l’action sociale et des familles indiquant que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence). Que nenni ! Toutes ses démarches engagées auprès des services sociaux aboutissent à une impasse.
Devant notre étonnement, Line affirme avoir été discriminée et son dossier oublié. La réalité de l’hébergement en France, c’est l’écart entre l’offre et la demande. Les chiffres de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) sont implacables : 17 200 personnes ont sollicité le 115 pour un hébergement sur 37 départements étudiés, 9 000 n’ont obtenu aucune prise en charge en 2014.
Ce que souhaite Line, c’est un logement social afin de s’assurer de la continuité de ses soins dans les meilleures conditions. « Je suis peut être une SDF mais je ne suis ni une clocharde ni une mendiante. Je ne demande qu’un logement social auquel j’ai droit ». Consciente qu’une grève de la faim puisse avoir des conséquences dramatiques, elle s’hydrate régulièrement.
Le choix de l’Assemblée nationale est volontaire : « Ici viennent les représentants du peuple. Les attachés parlementaires et les députés de Guyane connaissent maintenant ma situation. Et si j’étais invisible au début, ce n’est plus le cas maintenant.»
Cependant, pas question pour elle de céder à la facilité. « On me propose un rapatriement sanitaire en Guyane. Mais je suis venue en France sur mes deux pieds. Mon combat est un combat de dignité. Oui je rentrerai en Guyane pour mon père et mon frère et ma vie reprendra, même si je suis diminuée. Ici, je réclame justice : un logement social. Rien de plus, rien de moins ! »
4 Comments
Line
Courage, courage et te connaissant je comprends tes actes et ton resonnement.
Tchimé raid Line
Tres bonne idée effectivement ne restons pas inactif c’est vraiment triste pauvre femme comment l’aider?
Lancer l’action MAX si vous savez comment faire « résaux sociaux etc!!!
merci
À ce jour 28/07 aucune avancée du dossier d’octroi d’un logement social n’est enregistrée en faveur de Line). Une force de la nature !
Line faisait trembler les gardes mobiles français avant de les voltiger lorsque les coups et les gardes-à-vues pleuvaient sur la jeunesse guyanaise en 1996.
Une femme dont la robuste dimension culturelle et l’active combativité à défendre la Guyane tout-entière lui ont toujours été reconnues à toutes les époques ; comme hier, Line dénonce aujourd’hui les discriminations que subissent nos compatriotes en lutte pour leurs droit au logement, ici sur le sol forcé de l’exil.
Mardi 21 juillet à son 13 ème jour de grève de la faim.
« Je suis le poil à gratter qui gratte le cul et entaîne jusqu’à la conjonctivite » (Tant sa présence dérange les parlementaires, dans leurs allées-venues, qui font mine de ne pas la voir à l’exception du député de la Guyane Gabriel Serville qui a passé quelques instants avec nous ainsi que de Jean Lassalle, député des Pyrennés Atlantiques).
« Bonnes vacances, Mesdames, Messieurs, les député(e)s, dans votre résidence secondaire, je veillerai à ce qu’un squatter ne s’installe pas à votre place pendant votre absence ! ».
« Ne vous en faîtes pas Mesdames et Messieurs les député(e)s, je ne désire guère vos émolutions, juste votre logement de fonction ! ».
Peut-on lire sur les pancartes en carton que Line (dont le fauteuil roulant jouxtait une rutilante Ferrari) a rédigé et qui l’entourent.
Un député se prévalant de plus de vingt ans de mandats, piqué au vif par ses écrits, est venu la tancer au motif qu’il ne bénéficiait pas de logement de fonction, et qu’il fallait qu’elle sache de quoi elle parlait.
A quoi Line répondit : « Même 1,50 € d’indemnités et un bureau avec possibilité de couchage, tel qu’il est mis à votre disposition et à vos collègues constitue un logement de fonction ».
Le parlementaire outré par la pertinence des arguments de Line (l’homme se montrant agressif de surcroît) ne l’était pas le moins du monde quant à la situation de handicap et sans logis qu’elle endure encore sous les intempéries, les incessants contrôles, visites courtoises et policières du jour et de la nuit auxquels elle a droit. (Le lendemain, 22 juillet en fin de journée, à peine l’équipe de presse de Guyane 1ère commençait-elle de quitter la Place du Palais Bourbon après avoir interviewé Line, que trois policiers beaucoup moins conciliants ne tardaient pas à l’aborder pour l’intimider. Le premier se plantant devant elle pour faire barrage à son fauteuil roulant, debout les bras croisés, « comme un Cèrbère » dit Line : « on va te le faire bouffer ton téléphone » dit le gardien de la paix. Le deuxième d’arriver par derrière et de lui glisser à l’oreille : « tu nous casse les couilles » tout en tentant de lui subtiliser le téléphone avec lequel elle essayait de phitographier le fonctionnaire. Le troisième surveillant la zone pour masquer le triste tableau de lâcheté qui se dessinait là. La journaliste Laura Philippon témoigna en partie de la scène alors qu’elle n’avait pas encore quitté les lieux demandant au policiers pourquoi il agissaient de la sorte, et Line ne dû l’interruption de l’intimidation qui commençait à se muscler qu’à l’heureuse intervention de Laura).
Un autre député, après avoir lu les textes des pancartes et entendu le Palaviré (le « va te laver » qu’avait essuyé son malheureux collègue) de dire assez fort ingénuement sont étonnement : « Elle parle trop bien le Français ! » (Sous-entendu, pour un femme sortie des grands bois).
A quoi il fût répondu : « Mo pran trop kou pou mo té aprann’ Fransé, aprézan ifo mo rantabilizél ! ». (J’ai suffisamment pris de corrections (physiques) pour que l’on m’apprenne le Français, il est temps maintenant de le rentabiliser.
Enfin, de retour à la maison hier soir, la situation de Line s’améliore, comme quoi « quand on veut, on peut » m’avait-t-elle dit d’un air entendu, les institutions compétentes coordonnent leurs moyens pour tenter de lui fournir un logement.
« C’est en France que j’ai perdu ma dignité ! C’est en France que je la rétablirai ! » me disait une de nos mères-vivantes de la nation à la fin de nos retrouvailles.
Il me semble que la declaration des droits de l’Homme stipule que nul n’a le droit de me discriminer parce que je suis noire, parce que je suis guyanaise, parce que je suis une femme, parce que je suis handicapee et que ma religion s’appelle Line Legrand ou parce que je suis independantiste, je ne veux point etre paranoiaque mais je me pose des questions ! »