Un avocat peut-il prétendre à une légitimité révolutionnaire ou divine ?
Un avocat peut-il prétendre à une légitimité révolutionnaire ou divine, comme l’étaient les oints du Seigneur, les rois, les prêtres ?
Connaissez-vous le tabou du chrysanthème qui rend quasiment impossible toute critique de l’empereur du Japon.
Un interdit social très prégnant condamne toute critique impériale. Se référant à l’emblème de la famille impériale, « le sceau du chrysanthème », le terme est particulièrement usité afin de désigner la censure que faisait régner l’empereur Hirohito.
Plusieurs évènements tragiques contribuèrent à instaurer un véritable climat qui façonna en profondeur la presse. Les journaux refusèrent alors de publier des photographies de l’empereur du Japon par peur des représailles.
Nos avocats guadeloupéens et martiniquais semblent aussi désormais s’en remettre à une invocation de la légitimité primaire d’un avocat défenseur du LKP, Patrice TACITA, poursuivi pour fraude fiscale présumée, sans en appréhender les profondes implications.
Ils dénoncent un procès politique, et paraissent s’étonner de la médiatisation de l’affaire.
Que n’ont-ils dénoncé le procès de José Gaddarkhan, condamné par le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre pour soustraction frauduleuse à l’impôt de 2012 à 2018, à 12 mois de prison avec sursis, le 8 février, 150 000 € d’amende et à l’affichage de la décision de justice dans les locaux de ses deux sociétés de travaux publics pendant une durée d’un mois, – décision qui devait aussi faire l’objet d’une publication sur France-Antilles et sur Guadeloupe La 1ère-.
Le pourvoi de la Direction générale des Finances publiques a également été retenu, José Gaddarkhan ayant été tenu solidaire avec ses deux sociétés du paiement des taxes et pénalités dues au Trésor Public qui s’éléveraient à 2 millions d’euros.
Justice a été rendue sans que les patrons ne viennent au secours de Gaddarkhan. D’ailleurs ce dernier n’aurait jamais pu imaginer que des patrons puissent venir en délégation lui apporter leur soutien bruyant et disproportionné jusque dans l’enceinte du tribunal.
Imaginons alors que les avocats de Guadeloupe et de Martinique constituent une classe, au sens marxiste du terme. Antonio Gramsci, le fameux théoricien italien, expliquait que l’intérêt d’une classe se construit intellectuellement, culturellement, socialement, politiquement.
Au moment où s’exacerbent les contradictions entre peuple et élites, ce bien curieux adoubement nous a laissés pantois. Dans un fort élan d’opportunisme, les deux barreaux ont fait assaut de sollicitude envers l’avocat Patrice TACITA.
Précisons juste que Maître TACITA est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Fort de France pour fraudes fiscales et sociales présumées, pour un contrôle portant sur les années 2015 à 2017, – le procès ayant été dépaysé pour cet avocat guadeloupéen-.
De plus des investigations portant sur la période allant de 2013 à 2019, ont permis de constater que Patrice TACITA se serait frauduleusement soustrait à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le revenu, de la TVA, de la contribution foncière des entreprises, de la taxe d’habitation, de la taxe foncière pendant 7 années consécutives.
Une fraude sociale aurait aussi été commise entre le 12 novembre 2018 et le 31 décembre 2019.
Alors, pourquoi ne pas laisser la justice faire son travail, en toute impartialité ? ou alors il y aurait deux poids, deux mesures, comme en Algérie, ainsi que l’illustre parfaitement Boualem Sansal.
Intervenant devant le 10ème congrès de l’organisation nationale des Moudjahidine (ONM), le président Bouteflika avait jeté un véritable pavé dans la mare, en affirmant que la légitimité révolutionnaire ou historique était révolue, associée à l’exigence de la levée de cette tutelle révolutionnaire sur le peuple algérien, même si ces belles intentions sont restées lettre morte.
Nos avocats seraient-ils des caricatures grossières de l’immense nomenklatura qui gravite désormais autour du sommet de l’appareillage syndical ?
Ces élites ou pseudo-élites seraient-elles incapables de sortir de l’instrumentalisation nationaliste ?
Les connivences de tout ordre ne doivent-elles pas cesser ?
Boualem Sansal dans le 1Hebdo, « les sept plaies de l’Algérie » de juillet 2015, indiquait que la première malédiction de l’Algérie, c’est le FLN et ses apparatchiks. Nous sommes gouvernés par un parti qui a fait une guerre de libération et qui se pose en libérateur en s’accordant les privilèges du vainqueur, tempêtait-il.
Maître TACITA, estimerait qu’il mène une guerre de libération, et qu’il s’accorde les privilèges du « vainqueur ».
Pouvons-nous escompter un véritable sursaut déontologique de la part des avocats guadeloupéens et martiniquais, une véritable révolution morale émancipatrice ?
La 2ème malédiction, poursuivait Boualem Sansal, c’est l’armée et ses généraux.
Le peuple est évacué. C’est le peuple qui s’est libéré, mais l’armée le spolie de sa victoire pour se l’attribuer.
Nos avocats syndicalistes ne se considèrent-ils plus comme faisant partie du peuple, mais les généraux de cette armée en marche ?
La troisième malédiction, c’est la « Securitate » et ses tortionnaires. C’est une armée secrète, obscure, invisible, qui terrifie les gens. On ne parle même plus en Guadeloupe des écoles vandalisées, des hôpitaux saccagés, des médecins harcelés, des magistrats injuriés.
La quatrième malédiction, selon Boualem Sansal, c’est le socialisme et ses profiteurs.
L’option socialiste de l’Algérie a enfanté un peuple de profiteurs, une majorité de gens qui abandonnent toute dignité pour se mettre au service du petit chef du coin qui les nourrit.
Passons aux deux grandes malédictions arrivées dans les années 1970 : la religion et l’arabisation.
L’Algérie, toujours selon l’auteur de l’article, était un pays laïque, révolutionnaire. Il a sombré dans la religion, comme si les gens étaient soudain drogués.
(En Guadeloupe, la nouvelle religion est la haine de la science, de la modernité intellectuelle, bref du savoir).
Quant à l’arabisation, c’était d’abord un discours, celui de l’algérianisation, de l’authenticité : il fallait réintégrer sa religion, se réapproprier sa langue, sa culture.
Mais au début des années 1980, avec le président Chadli, on a basculé dans ces folies qui nous ont coupés du monde et ont mis dans la tête des gens qu’avec la religion, avec la belle langue arabe, les Algériens étaient des êtres exceptionnels… que les Guadeloupéens et Martiniquais étaient des êtres exceptionnels
Du jour au lendemain, l’Algérie a recruté plus de cent mille professeurs d’arabes partout dans le monde, jusqu’au Vietnam ou au Yémen.
On les a recrutés, on leur a confié nos enfants. Ils étaient traducteurs, interprètes, profs d’arabe, enseignants, avec de faux papiers, de fausses licences, de faux doctorats…, ainsi est mort l’enseignement en Algérie.
Ainsi est mort l’enseignement en Guadeloupe et en Martinique.
Pour que tout le système fonctionne, il fallait de l’argent. Le pétrole était là qui coulait à flots, une vraie rente. Ce fut la septième malédiction. (C’est peut-être notre seule chance aux Antilles : nous n’avons pas de pétrole !)
Puis est venue la huitième malédiction, ou plutôt la 8ème merveille du monde. Sept malédictions, ce n’était pas assez. Il y eut Bouteflika.
Pour la Guadeloupe et la Martinique, la huitième malédiction serait un de nos leaders politiques. Il a dans la tête des tas de mythes, surtout qu’il mènera son île au Paradis.
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