Société

Triste tropique pour les collèges de Guadeloupe

Retour sur un article paru le 9 février de Sylvie Ducatteau dans l’Humanité.

Il n’y a pas qu’à Marseille que les murs de l’école se craquellent. Professeur d’histoire-géographie à Douville Saint-Anne et responsable local du Snes, Guillaume Marsault dénonce l’état de délabrement des collèges dans son département. Son syndicat exige un plan d’urgence.

«Nous disons stop. Nous sommes sur le territoire de la République, non ? » Comme il y a neuf ans, Guillaume Marsault a fait la traversée de l’Atlantique. C’était, à l’époque, pour poser ses valises au collège Olympe-Ramé-Decorbin de Douville, une commune de Saint-Anne en Guadeloupe, où il enseigne l’histoire et la géographie. Cette fois, il a fait le chemin inverse pour chercher le soutien de ses collègues de la Fédération syndicale unitaire (FSU), réunis en congrès toute la semaine dernière. Quelques jours auparavant, la journée de grève avait mobilisé 80 % de son établissement contre la réforme du collège, les 35 suppressions de postes dans l’académie mais aussi et surtout le délabrement insupportable des collèges guadeloupéens. « Le retard est gigantesque », déplore-t-il. Son syndicat exige un « plan d’urgence » pour la construction d’établissements et d’équipements sportifs dans ce département d’outre-mer qui scolarise 47 000 collégiens.

Pas de WC pendant la saison sèche

Ironie du sort, avant le collège Olympe-Ramé-Decorbin, Guillaume Marsault a connu d’autres déboires. Et d’autres établissements dégradés, en métropole, dans les quartiers nord de Marseille, là, justement, où le triste état des écoles vient de faire la une de la presse. Il y a commencé sa carrière au début des années 2000. « Dans les collèges guadeloupéens, les façades extérieures sont souvent repeintes mais, en entrant dans les classes, c’est le choc. D’épaisses couches de graisse tapissent les murs, parfois couverts de graffitis. La peinture s’écaille. Le carrelage du sol se décolle… », décrit-il.

Comme pour exprimer sa rancœur, l’enseignant, qui, après un séjour de vacances, avait été séduit par la carte postale, mer et soleil, se lance dans une longue description de l’envers du décor. « Il fait chaud, or nous n’avons ni ventilateur ni climatisation. La température est supportable quand les alizés soufflent, sinon, dès 9 heures du matin, elle monte à 35 degrés. De 9 à 10 heures cela va, de 10 à 11 un peu moins, et après vous imaginez ! » lance-t-il en décrivant l’accablement qui atteint les collégiens au fil de la journée. Un accablement qu’il partage lorsque le vingt-neuvième élève de sa classe doit se promener avec une table et une chaise, de salle en salle, chacune d’elles n’étant pourvue que de 28 places et pas une de plus… « Ce n’est pas facile pour eux ! » conclut-il, avant de reprendre son inventaire calamiteux. Les normes sismiques inexistantes dans une région soumise pourtant à un risque fort ; son collège privé de sanitaires des journées entières lors des périodes de coupures d’eau pendant la saison sèche ; les salles de permanence transformées en salles de classe faute de place mais qui contraignent les collégiens à attendre dans la rue lorsqu’ils n’ont pas cours ; l’absence quasi généralisée de cantines qui oblige les adolescents à se contenter des sandwichs de la paillote ou du camion ambulant… « Nous sommes dans le peloton de tête, avec la Guyane, du nombre de jeunes obèses », se désole-t-il. Après une courte pause, celui qui, au fil de sa colère grandissante, est devenu le responsable académique du Snes-FSU en Guadeloupe, reprend sa critique de plus en plus virulente. « Lorsqu’on nous parle d’école numérique, en Guadeloupe, c’est une vaste plaisanterie. Nous faisons cours au tableau noir et à la craie ! » Dans son établissement, 500 élèves se partagent douze postes informatiques dont quatre sont en panne.

Pourtant, le prof trouve ici une certaine reconnaissance qu’il n’avait pas en France. « Nous héritons d’un profond respect des services publics, l’un des seuls pourvoyeurs d’emplois. Le salaire d’un fonctionnaire est souvent la seule ressource que se partage une famille. Comme le curé, le maire, le docteur, l’enseignant reste une personne importante et respectée des élèves notamment. » Des élèves plus faciles qu’en métropole mais pour qui la poursuite des études ne l’est pas. « Le problème se pose surtout pour les lycées professionnels. Très peu disposent d’internats et, en l’absence de transports en commun, dans un archipel, beaucoup de jeunes choisissent par défaut la formation proposée à proximité de leur domicile. » Du coup, le phénomène de déscolarisation en fin de troisième est considérable. Selon le Snes-FSU, de sept cents à un millier de collégiens ne poussent pas leurs études au-delà du collège.

 

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