Littérature

TIMALO : PREMIER ROMAN EN CREOLE ‘DYABLES’

 

Un style discret, classique, décontracté, et à la fois élégant, TiMalo né Thierry Malo en Guadeloupe, a grandi à Bouillante. Romancier, poète, auteur-compositeur, interprète créolophone. Il débute dans le slam lors du lancement de la scène SlamBlag en mai 2006. La même année, en juillet, il participe à une soirée Léwoz de Lilian Thuram, animé par Jimmy Brother, fondateur du Karukera Sound System, qui lui donnera le surnom de TIMalo.

Influencé tant par l’humour cynique des Last Poets, par l’écriture vigoureuse de Léon-Gontran Damas et par la force de la voix de Gil Scott-Héron, TiMalo pratique un slam incisif et théâtral. Il est lauréat du prix SACEM Guadeloupe du meilleur auteur 2010. Le premier octobre 2015, TiMalo publie Dyablès, son premier roman en créole. Touché par la série macabre de drames conjugaux survenue durant l’année 2012, il force le trait pour écrire un roman de terreur dans lequel les femmes, las des violences qui leur sont faîtes, se transforment en cannibales sanguinaires. Il nous parle des légendes et la réalité des traditions de son île la Guadeloupe.

Ti Malo 2

97L : Avec votre roman ‘ Dyablès’ c’est une nouvelle littérature qui doit figurer chez les éditeurs pour les lecteurs ?

Chaque éditeur à sa propre liberté éditoriale, il ne m’appartient pas de dire ce qui doit ou ne doit pas figurer dans leur catalogue. Par ailleurs, je sais que pour bon nombre d’entre eux, la situation est difficile, et vous avez sans doute remarqué que les éditeurs étaient moins nombreux cette année au salon Livre Paris. La littérature, comme toute forme d’art au demeurant, nous invite à prendre un temps, un rendez-vous avec nous-mêmes pour nous observer et questionner notre façon de faire, de vivre et de voir le monde. Mais sans doute plus que tout autre, la littérature nous donne l’occasion d’observer la langue, pas simplement dans sa dimension technique, orthographe et grammaire, mais aussi dans sa dimension culturelle et émotionnelle. La littérature en langue créole joue ce rôle et certains, lecteurs et éditeurs, ont trouvé, malgré leur difficultés respectives, ont trouvé une place pour cette littérature. Concernant ceux qui n’arrivent pas encore, j’invite tout le monde à faire preuve de bienveillance et de compréhension.

97L : Avec votre roman  écrit intégralement en créole, vous êtes conscient que le livre ne sera pas lu par certains ?

Aucun livre n’est lu par tous les lecteurs. Même si la langue française est très répandue, elle n’est pas universelle. Et les textes qui ont été beaucoup lu, l’ont été parce qu’ils ont été traduits. La grande majorité de ceux qui ont lu le roman ont fait deux découvertes importantes. La première c’est que lire en créole est beaucoup moins compliqué qu’il ne parait au départ. La seconde est que le plaisir est plus grand, du simple fait que ce soit en créole. C’est pour eux une expérience sans précédent, transformatrice. Parmi mes lecteurs, certains se sont mis à parler le créole alors que, bien qu’il le comprenne, ne parlait jamais dans cette langue.

97L : Combien de temps vous a demandé l’écriture du roman ?

En réalité, le créole est loin d’être complexe. La difficulté la plus importante est de ne pas calquer les modalités de la langue française sur notre langue. Pour ma part, trouver mon créole est le fruit d’une démarche d’exploration intérieure. Pour trouver mes mots, je fais le vide, je me coupe du bruit du monde. Et dans le silence je peux me trouver, et la où je suis, le créole y est aussi. Pour le vocabulaire, je me suis servi d’un dictionnaire. J’ai emprunté un ou deux mots dans le lexique haïtien comme «tablèt» ou «gwondé». Pour ce qui est des expressions la grande majorité d’entre elles, sont celles que j’ai entendues dans mon enfance.

97L : Vous écrivez une actualité qui touche toutes les femmes…

Dyablès est un thriller fantastique. Le fantastique se caractérise par un univers réaliste dans lequel on introduit un élément surnaturel. C’est élément surnaturel doit être selon moi une réification, c’est à dire la concrétisation d’un concept. Dyablès part de l’idée que la violence que notre société exerce sur les femmes est insoutenable et qu’elle nous amène inéluctablement à une réaction aussi inhumaine, aussi impitoyable, aussi dévastatrice que celle que les femmes vivent de la main des hommes. Cette réaction, prend la forme d’une métamorphose dans le roman. De fait La dyablès qui est traditionnellement un personnage unique, symbole de séduction et de perdition pour les hommes, devient une multitude, sauvage et salvatrice pour les femmes. Certains passages peuvent sembler drôles, mais je crois surtout que c’est la langue qui veut ça.

97L : Comment avez-vous donné un sens et un regard plus contemporain à cette légende ‘Dyablès’/Soukougan ?

D’une part, le roman se déroule de nos jours. Les personnages ont des téléphones portables et des tablettes. D’autre part, je crois que les mythes servent à structurer une société. Quand la société évolue, les mythes et les légendes évoluent avec elles ou alors sont remplacés par d’autres. Dans le monde d’aujourd’hui, je ne crois pas que quiconque serait apeuré en croisant une femme, tout de blanc vêtue, seule au bord de la route. En revanche, Emil Fawnaz n’est pas prêt d’oublier ce qui lui est arrivé.

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97L : Avez-vous pensez à une adaptation du roman, mise en scène théâtre, cinéma, ou en lecture?

Evidemment. Le livre a une bande-annonce. On y entend l’extrait d’une lecture qui s’est déroulée à Paris. Une lecture a été organisée également à la Maison Hantée de Zevallos au Moule à la lueur de bougies et de lampes de poche. J’espère que des cinéastes, amateurs ou professionnels, s’empareront de cette histoire. Et pourquoi pas un « #DyablesChallenge » ou chacun donnerait son interprétation en image de la scène d’ouverture du livre. Ca serait chouette !

97L : Que peut-on retenir de votre livre au delà de la légende ?

Dyablès est dors et déjà un des livres de référence pour l’apprentissage du créole en Guadeloupe. Il a été positivement apprécié par des lecteurs de tous horizons et je suis très fier qu’il ait plu aux membres de l’Ascodela, l’association pour la connaissance des littératures antillaises. Dyablès est disponible à la vente sur mon site internet Le paiement est sécurisé et le livre vous est expédié par courrier suivi de La Poste.

Propos recueillis par Wanda NICOT

 

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