Renty et Delia réhumanisés 175 ans après
L’Université Harvard va céder des photographies vieilles de 175 ans.
Tamara Lanier en est convaincue. Elle a identifié sur ces photographies son arrière-arrière-grand-père Renty, « Papa Renty » et sa fille Delia. Elle n’est pas seule dans sa lutte. Elle bénéficie du soutien de Susanna Moore, l’arrière-arrière-arrière-petite-fille du… photographe un professeur d’Harvard Louis Agassiz.
Agassiz a rencontré Renty et Delia lors d’une tournée dans des plantations à la recherche d’esclaves racialement « purs », nés en Afrique. Pour créer ces images, Renty et Delia ont posé torse nu et ont été photographiées sous plusieurs angles.
Ces oeuvres seront finalement transférées du Musée d’archéologie et d’ethnologie Peabody au Musée international afro-américain de Caroline du Sud, l’État où ils étaient réduits en esclavage en 1850, date à laquelle les photos ont été prises.
Cet accord met fin à une bataille de quinze longues années entre Tamara Lanier et l’université d’Harvard pour la restitution de daguerréotypes du XIXe siècle.
L’avocat de Lanier, Joshua Koskoff, s’est félicité de cette victoire « sans précédent » pour les descendants des personnes réduites en esclavage aux États-Unis et a salué la détermination de sa cliente à obtenir justice pour ses ancêtres.
« Je pense que c’est un cas unique dans l’histoire américaine, en raison de la combinaison de caractéristiques improbables : une affaire qui remonte à 175 ans et obtenir le contrôle d’images de personnes réduites en esclavage datant d’aussi longtemps – c’est du jamais vu ».
L’une des questions clés était de savoir si l’université Harvard pouvait légalement être autorisée à continuer de posséder des images déshumanisantes d’esclaves. Le système judiciaire du Massachusetts lui a finalement donné raison sur la question de la propriété, mais les négociations ont abouti à un accord prévoyant le retrait des images.
Tamara Lanier tient ici le portrait de Papa Renty, bras dessus bras dessous avec Susanna Moore, descendante du biologiste Louis Agassiz, commanditaire des images pour le compte de l’université et dont les théories sur les différences raciales ont servi à justifier l’esclavage aux États-Unis.
En 2019, Lanier a poursuivi Harvard en justice, alléguant que les images avaient été prises « sans le consentement de Renty et Delia et donc conservées illégalement ». Harvard aurait tiré profit de ces photos en exigeant des droits de licence conséquents pour les reproduire.
« Pour Agassiz, Renty et Delia n’étaient rien de plus que des spécimens de recherche », affirmait la plainte « contraints de participer à un exercice dégradant visant à prouver leur propre statut de sous-humain ».
« C’est un moment historique où les fils et les filles d’ancêtres volés peuvent se lever avec fierté et proclamer à juste titre leur humanité », a déclaré Lanier. « Ces biens volés, ces images prises sans dignité ni consentement et utilisées pour promouvoir une pseudoscience raciste, seront désormais rapatriés dans un lieu où leurs histoires pourront être racontées et où leur humanité pourra être restaurée. »
Pendant ce temps, chez nous, sur la plage de Saint François, on continue de piétiner sans vergogne nos ancêtres.
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