Société

Rentrer… ou pas ? Le dilemme des jeunes diplômés ultramarins

Retour au pays natal article publié sur Les Echos.fr écrit par Fabiola Dor.

 rentrer ou pas

Ils ont quitté leur île après leur bac et au moment de démarrer leur vie active, la question du retour au pays natal se pose. Mais quelle est la stratégie à adopter pour réussir à combiner ambitions professionnelles et personnelles ?

Guadeloupéens, Martiniquais, Guyanais ou Réunionnais… Peu importe leur département d’Outre-Mer (DOM), chaque année, des milliers de jeunes ultramarins quittent leur île natale pour aller étudier dans des universités ou des écoles en France métropolitaine, au Canada ou encore aux Etats-Unis. Mais, après de longues études, le retour “au pays” ne coule pas de source.

Premier frein : un taux de chômage largement supérieur à la moyenne nationale qui varie entre 20 et 30%, d’après les données de la Fédération des entreprises des Outre-mer. Du coup, une grande partie de ces jeunes diplômés préfèrent démarrer leur vie active à des milliers de kilomètres, et ce malgré l’attachement familial et géographique. “Seuls, un tiers des 25/35 ans reviennent travailler dans leur région”, estime Alpha Conseil, un cabinet de recrutement, spécialiste de l’emploi dans les DOM.  

Pourtant, de nombreuses opportunités existent pour les profils cadres. Dans les DOM, “il y a un fort taux de chômage au niveau des métiers non qualifiés, mais les entreprises peinent à recruter des personnes qualifiées”, fait remarquer Cyril Comte, le fondateur de la Journée Outre-Mer Développement qui fait le lien entre les candidats et les grands groupes.

Comment faire alors pour aider les jeunes ultramarins à rentrer travailler près de leur famille ?  D’abord, en leur donnant les bonnes informations. En juillet dernier, l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM), a signé un “accord-cadre” avec Pôle emploi. Cette initiative a pour objectif de favoriser le retour des ultramarins en leur donnant, par exemple, plus d’informations sur le marché du travail et les offres d’emploi dans leur région grâce aux échanges entre les deux institutions, indique le Ministère des Outre-mers.

Cette coordination va surtout permettre d’éviter les mauvaises surprises. Car se former, c’est bien, mais le vrai challenge reste de décrocher un boulot. Et toutes les formations ne débouchent pas toujours sur des métiers où il y a de la demande dans les territoires ultramarins. “Le marché est petit et nous n’avons pas tous les métiers”, rappelle Solange Agricole, directrice d’Alpha Conseil. “Comme aux échecs, quand les étudiants ultramarins font leur choix d’orientation, ils doivent bien réfléchir à leur stratégie pour avoir deux ou trois coups d’avance”.

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Une fois le diplôme en poche, chacun fait en fonction de ses envies personnelles et des opportunités qu’il rencontre, “même si une expérience en France métropolitaine semble être une bonne idée, explique Solange Agricole, parce qu’une expertise de deux à cinq ans augmente fortement l’employabilité”. Les séjours à l’étranger et l’engagement associatif font aussi  la différence sur un CV.  

Noémi, une jeune diplômée en communication-marketing, a choisi cette option. Pour élargir le champ des possibles, cette passionnée de cuisine a décidé de monter en compétence en restant travailler à Paris à la fin de ses études, en 2014. Après trois années d’alternance, elle a décroché un job chez un grossiste alimentaire. “J’ai la chance de collaborer avec des grands chefs, raconte la jeune Guadeloupéenne. Je suis convaincue que j’aurai ensuite plus d’opportunités dans ma région d’origine que si j’étais rentrée tout de suite”. Attachée à ses racines, elle ne peut s’empêcher de penser au retour. “Dans dix ans, j’aimerai vraiment rentrer monter un projet dans les Caraïbes”, ajoute-t-elle.

Quand on sait que les entreprises rechignent parfois à employer des jeunes diplômés, on se dit que Noémi a eu raison. “Les PME n’ont pas les moyens de former les jeunes cadres, alors elles préfèrent ceux qui ont déjà un peu d’expérience“, souligne Cyril Comte.

Pour autant, les PME locales ont intérêt à embaucher des gens qui ont déjà des liens avec les DOM et envie de s’y installer durablement, car cela coûte aussi cher de faire venir et de former des Métropolitains qui auront le mal du pays au bout de quelques années. “C’est important que les locaux reviennent, insiste Cyril Comte. C’est bénéfique pour le développement des entreprises et l’économie des territoires. Une société a besoin de collaborateurs sur le long terme”.

Reste que tous les profils ne sont pas égaux sur le marché de l’emploi ultramarin. “Pour les métiers de la communication, du marketing, ou encore dans le secteur bancaire, il faut faire preuve de flexibilité pour trouver un emploi”, reconnaît Solange Agricole car il y a peu de places. D’ailleurs, “nombreux sont ceux qui optent pour la reconversion afin de pouvoir rentrer travailler chez eux”, fait-elle remarquer.

En revanche, les profils type école de commerce sont prisés dans les secteurs de la grande distribution ou de l’audit. Il existe aussi des opportunités pour les opticiens. “Le secteur de l’industrie est également très dynamique”, souligne la directrice d’Alpha Conseil, plutôt optimiste pour ces jeunes diplômés. “Je n’ai aucune difficulté à insérer les ingénieurs responsable qualité dans l’agroalimentaire, ni ceux qui travaillent dans le bâtiment”. Le BTP apparaît d’ailleurs comme le secteur le plus porteur en 2016 en matière d’emploi, selon les données de LADOM.

En tout cas, il y a une chose sur laquelle tout le monde s’accorde : “les territoires ultramarins offrent de vraies opportunités de carrière”. Les jeunes y accèdent plus facilement aux postes à responsabilité. “On peut devenir DAF (Directeur Administratif et Financier) en 10 ans, assure Solange Agricole. Dans les grosses structures, vous aurez peut-être de meilleurs salaires mais cela ne sera pas aussi enrichissant  intellectuellement”.

Pour ceux qui s’apprêtent à franchir le pas, Solange Agricole conseille de ne pas “partir sur un coup de tête !” Il faut au moins six mois de réflexion, le temps de repérer les bonnes entreprises et de bien réfléchir aux perspectives de carrière”. Entre les exigences des candidats et la réalité du marché du travail, il y a parfois un sacré décalage…

Autre conseil : il est préférable de commencer à postuler avant d’être officiellement rentré. “Vous aurez plus de billes pour négocier votre salaire et votre arrivée”, explique la responsable d’Alpha Conseil. ”Vous pourrez peut-être même obtenir la prise en charge de votre déménagement”. Sans compter qu’un candidat en poste est toujours beaucoup plus attirant aux yeux des recruteurs.

Rejoindre une entreprise n’est pas la seule option quand on décide de rentrer chez soi. On peut aussi choisir de  créer le job de ses rêves en lançant sa boîte. “Il y a de vraies opportunités à saisir dans le digital”, assure Isabelle Albert, fondatrice de l’antenne Girls In Tech de la Réunion. Pour elle, les territoires ultramarins n’ont rien à envier aux grandes métropoles : “nous avons le même cadre juridique que la France, une fiscalité attractive dans les DOM, une antenne de la BPI… Il n’y a pas de raison de ne pas y arriver !”.

La Réunion a même décroché le label French Tech dans le domaine de la e-santé et a aussi bénéficié d’un vrai soutien financier du côté de la classe politique, des fédérations et des associations. “Il y a beaucoup de moyens mis en place pour se lancer en early-stage (au démarrage de la startup), explique Isabelle Albert, après le challenge est de lever des fonds”.

Pour Sébastien Célestine, le fondateur d’All Moll, une plateforme de billetterie, cela a finalement été plus facile de lever des fonds en Guadeloupe qu’à Paris où la concurrence est forte. Le jeune étudiant avait commencé par lancer sa boîte dans la capitale, avant de rentrer dans son île natale.

“En moins d’un an, le Conseil Régional de Guadeloupe nous a octroyé une subvention qui nous a permis de développer la plateforme et d’acheter du matériel” explique le jeune entrepreneur qui navigue désormais entre Paris et la Guadeloupe et a réalisé 200.000 euros de chiffre d’affaires en 2014. La preuve que le retour “au pays” peut s’avérer payant…

 

 

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