Société

Outre-mer : Macron vainqueur par défaut, Le Pen confirme une percée inquiétante

Communiqué de Patrick Karam

docteur en science politique, ancien délégué interministériel à l’outre-mer et président d’honneur du Conseil Représentatif des Français d’Outre-Mer (CREFOM)

Au deuxième tour des présidentielles, malgré une participation en baisse par rapport à 2012 et des votes blancs en progression, l’Outre-Mer a fait un choix de raison en votant sans appel Emmanuel Macron qui était pourtant bon dernier des 4 grands candidats au premier tour.

Le futur président de la République obtient 63,3 contre 36,7 à Saint Pierre et Miquelon, 58,4 contre 41,6 à Saint Barthélémy, 67,6 contre 32,4 à Saint Martin, 75,1 contre 24,9 en Guadeloupe, 77,5 contre 22,5 en Martinique, 65 / 35 en Guyane, 52,57 contre 47,43 en Nouvelle-Calédonie, 58,4 contre 41,6 en Polynésie, 79,14 contre 20,86 à Wallis et Futuna (les chiffres de La Réunion et Mayotte ne sont pas encore connus)

Mais Marine Le Pen qui avait déjà réalisé au premier tour le meilleur score de l’ensemble des candidats dans tous les Outre-Mer bénéficie clairement du report d’une partie de l’électorat Fillon et réussit une percée inédite avec un pic en Nouvelle Calédonie en raison des inquiétudes liées au futur référendum sur l’indépendance et des scores les moins élevés à Wallis-et-Futuna, en Guadeloupe et en Martinique.

Désormais, l’Outre-Mer n’est plus le dernier bastion de résistance au Front National. Marine Le Pen a fait exploser les derniers verrous ultramarins qui donnaient à son parti, élection après élection, les scores les plus faibles de tous les territoires français.

Cette percée est inquiétante en raison de l’incompatibilité de son idéologie avec les valeurs portées par nos territoires éloignés et les inquiétudes liées à sa position sur l’Europe qui risque de priver les territoires ultramarins d’importantes ressources des différents fonds européens et qui ne seront pas compensées par le budget national.

On est loin de l’époque où Jean-Marie Le Pen ne pouvait fouler le sol des Antilles et où les scores réalisés par son parti et par lui-même dans nos territoires éloignés étaient marginaux comme en 2002 avec un score au deuxième tour des présidentielles entre 6 et 10% dans les DOM.

La stratégie déployée par la candidate frontiste en direction des outre-mer a certes joué mais le sentiment de nos compatriotes d’être les grands oubliés de la République, à la fois sur les questions économiques et sociales mais aussi et surtout sur les questions de sécurité et d’immigration dont souffrent de nombreux territoires ultramarins ont joué un rôle important dans le rejet des formations classiques.

Même s’il n’y aura pas de conséquence lors des prochaines législatives en raison du scrutin et de l’absence de candidats crédibles et ancrés sur nos territoires, cet avertissement dans les urnes résonne comme un camouflet pour des partis de gouvernement qui considèrent les outre-­mer comme des réservoirs électoraux et les oublient sitôt l’élection terminée. Il est temps qu’ils comprennent que les territoires ultramarins ne sont pas leur chasse gardée et qu’ils les mettent au centre des priorités nationales. Il n’est plus supportable que l’outre-mer apparaisse dans l’agenda gouvernemental qu’au moment des crises lorsqu’il faut d’apporter des réponses ponctuelles et urgentes sous la contrainte comme on l’a encore vu en Guyane.

Cette leçon doit servir à futur président Emmanuel Macron qui doit immédiatement mettre en chantier la remise à niveau des infrastructures et de l’économie des territoires ultramarins. Si ce chantier n’était pas immédiatement ouvert de plein gré avec un processus contrôlé pour donner à tous les territoires ultramarins des signaux positifs, la défiance manifestée dans les urnes et l’exemple guyanais se traduiront par un rapport de forces que dirigeront des mouvements populaires qui seront intransigeants sur le contenu et le timing des réformes, exposant le gouvernement à devoir céder sous la contrainte des manifestations de rue et dans l’urgence des blocages et des affrontements.

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