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Mgr Guiougou, évêque de Guadeloupe : « Je sais profondément d’où je viens »

L’accueil que nous réserve Philippe Guiougou, évêque de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre est chaleureux. En attendant son ordination épiscopale prévue le dimanche 9 juillet, l’actuel vicaire général du diocèse de Saint-Denis ne sait plus ou donner de la tête entre ses missions dionysiennes et les préparatifs pour son retour au pays. Pourtant le futur responsable de la communauté chrétienne de Guadeloupe se montre intarissable quand il s’agit d’évoquer son île natale.

« Je suis originaire de Vieux Bourg Abymes, précisément de la cour Fleuret adossée à l’école Normale de Pointe-à-Pitre, où j’ai fait mes classes primaires et où mes deux parents travaillaient. Je suis né en 1973, le petit dernier d’une famille de 8 enfants. Nous avions une maison de vacances à Calvaire, Baie-Mahault qui est devenue en 1982 notre résidence définitive. Je revendique donc ma double filiation : le côté trépidant de la ville oú j’ai plaisir à revenir, échanger avec les voisins et la joie de la campagne et les « drives »… Par la suite, c’est le collège Carnot puis le lycée technique de Baimbridge où après le bac j’obtiens un BTS  d’Informatique Industrielle.

97L : Comment est venu l’appel de la prêtrise ?
Tres progressivement. J’ai été baptisé au Sacré-Cœur, j’y ai fait mon catéchisme, ma communion puis je fréquente l’église du Père Lassere à Prise d’eau, mes parents ayant des amis du côté de Pierrette dont Mme Auguste. C’est Mgr Cabo qui m’a confirmé. Je faisais l’aller-retour à pied, Calvaire-Prise d’eau, de grands et merveilleux souvenirs d’enfance, traversant les champs de cannes, les champs de Goyave…
Aux alentours de 14, 15 ans, je m’interroge sur la parole de Dieu en lisant ma petite bible de l’époque. En découvrant la beauté des Évangiles, j’ai accroché. Je me disais : « pourquoi pas devenir moine, religieux  ? », mais cette idée s’est estompée avec le foot. Entre aller à l’église et retrouver les camarades à la Solidarité Scolaire à la Jaille, le choix était vite fait. Puis j’ai été rattrapé vers mes 18 ans par la dimension charismatique de « Jesus sauveur » à Petit Bourg, les groupes de jeunes et le Père Brice, qui s’est avéré être un grand cousin. C’était pour lui une grande joie d’échanger avec un jeune de sa famille qui s’interrogeait sur la dimension du sacerdoce.  Il m’a vraiment accompagné dans mon évolution. On a fait des temps d’évangélisation, une pièce de théâtre au Centre des Arts, une vie engagée qui m’a permis de me dire : pourquoi pas être au service de l’église…
Il s’avère a cette époque que je finis mon BTS et je me retrouve seul, mon père décédé, mes frères et sœurs ayant pris leur envol, ma mère à la retraite partie soigner une nièce dans le 93. Et le projet de vocation tapait sérieusement à la porte. J’atteris sur une paroisseà Sevran, je vais à la messe. Je me fais repérer et deviens animateur de jeunes. Je vais à Lourdes avec eux. C’est là que le grand cheminement vers la prêtrise s’est fait pour finalement proclamer fort : « Oui au seigneur, oui au Christ ».

97L : Comment devient-on prêtre ?
Il faut comprendre que cela peut-être un processus long. Pour moi, comme je vous l’ai dit, ce n’est pas une révélation brutale mais un cheminement progressif puisque 10 ans se sont écoulés entre le questionnement et la décision. J’ai d’abord fait mon service militaire. Je suis entré à 25 ans au séminaire avec les 2 premières années consacrées à l’étude de la philosophie, les études bibliques, puis 4 ans de théologie, pour expliquer le fait de Dieu. On développe des connaissances pointues de l’Écriture Sainte. Pendant ce temps, j’étais en insertion dans des paroisses de la Seine-Saint-Denis car cela ne sert à rien de faire des choses intellectuelles si l’on n’est pas confronté à la réalités d’une paroisse et découvrir les exigences et les joies du ministère.

97L : Vous êtes le 3ème évêque Guadeloupéen après Mg Oualli et Cabo. Comment vivez-vous votre désignation ?
Il y a des choses que l’on va intellectualiser, d’autres que l’on doit vivre. Je pense que je pourrai mieux répondre à cette question une fois ordonné évêque. Étant guadeloupéen, né la-bas, j’ai mesuré cela vraiment par la joie qui s’est propagée aux Antilles. Et je me suis dit : le peuple attend un pasteur.
Le fait d’être guadeloupéen est un plus, mais les fidèles attendaient d’abord un évêque. Incontestablement, celui qui vient connait le contexte historique, culturel et sociologique de l’île…

De la joie donc et surtout une grande responsabilité car les gens attendent que l’on chemine avec eux.

97L : Dans une Guadeloupe malade de multiples maux…
On se trouve dans une société en mutation, puisque tout s’est accéléré en 40, 50 ans. C’est un phénomène général mais nos sociétés antillaises ont été déstabilisées. Il n’y a pas très longtemps j’assistais à une conférence sur le BUMIDOM qui expliquait comment dans les années 60, 70 nos jeunes ont quitté les Antilles pour renforcer l’hexagone qui avait besoin de main-d’oeuvre. Depuis, la Guadeloupe a connu un changement avec les forces vives du pays, dont moi, qui ont été déracinées.
J’écoute ce que disent les gens aux Antilles puisque quand j’y vais, je sillonne l’île. Je me rends compte qu’il y a un appel pour que la jeunesse revienne. On a besoin d’eux, de leurs connaissances acquises à l’extérieur. En Martinique, on assiste au même mouvement que les institutions tentent de le structurer. Les adultes doivent être prêt à les encadrer.

On a besoin de tout le monde. C’est mon constat dans ce département cosmopolite du 93 où des gens différents travaillent ensemble. Nous sommes differentssur l’île., comment on accepte de travaille ensemble. C’est une question d’unité : encore faut-il que chacun l’admette et permette aux autres d’oeuvrer.

97L : Quel regard pourtez-vous sur la communauté antillo-guyanaise de l’hexagone ?

Ce que je connais c’est surtout dans le 93. Sur ces 30 ans, au niveau église mais peut-être aussi au niveau sociétal, d’une communauté de la première migration puis de la deuxième, aujourd’hui certains antillais sont grand-parents, des gens complètement implantés qui commencent à prendre des responsabilités. Cela se ressent dans les églises. On a presque majoritairement des antillais catéchistes,  on a quelques antillais en responsabilité un peu importantes au niveau de notre communauté ecclésiale. Des ultramarins sont maintenant dans les conseils municipaux, des jeunes décomplexés qui montent leur société… Il faut que ça continue !

97L : On vous sait défenseur de la culture antillaise, joueur de gwoka…
Le Pape parle d’écologie intégrale pour dire que tout est lié. Pourquoi vouloir faire de l’écologie, cultiver la terre si on n’a pas un rapport un peu à la consommation ? Je ne peux pas être agriculteur et consommer de façon exagérée des produits. C’est une manière de dire que tout est lié en moi.
J’ai une culture. Depuis les Antilles, j’aimais déjà le Gwoka mais je n’avais pas eu l’opportunité de le pratiquer. C’est vraiment ici que je me suis dit : le tambour c’est ma culture. J’ai modestement appris à y jouer. J’ai aussi rencontré le Comité CM98 avec les chemins de fer. J’ai vu des gens qui se sont mis à parler de façon extraordinaire de leur histoire parfois douloureuse et qui s’est avérée comme une thérapie de groupe. J’ai fait de la généalogie. Je suis remonté assez loin. Je sais profondément d’où je viens personnellement. Tout cela m’a constitué.

97L : L’église allemande réclame l’abandon du célibat des prêtres. Votre position ?
On a une une particularité en tant que prêtre. On nous compare souvent avec un pasteur qui lui peut-être marié. L’église evangélique a une autre structure : autour du pasteur est adossée une structure associative forte qui mène la paroisse et qui nomme le pasteur. La figure du prêtre même entouré d’un conseil pastoral, demande beaucoup plus de temps, d’énergie. Ce n’est pas que ce soit totalement incompatible avec une vie de famille, mais cela s’avère plus difficile, de plus théologiquement nous sommes liés à la figure du Christ.

97L : Accueillerez-vous la centaine de jeunes guadeloupéens aux JMJ à Lisbonne ?
Je me rends en Guadeloupe les prochains jours et je voudrais bien les rencontrer, mais vous comprendrez que mon temps est plus que compté. Si je ne les vois pas directement, au moins les responsables les accompagnant pour que je prenne un peu le pouls. En même temps je suis pleinement à ma mission de vicaire général. Je suis un peu bicéphale pour l’instant…
Les JMJ je connais bien. J’étais à la pastorale des jeunes. La premiere semaine on est en diocèse, chez les gens. La deuxième partie c’est le grand rassemblement. C’est un temps de foi, de rencontre de l’autre. Quitter son île, s’ouvrir à d’autres, c’est une bonne chose. Il y a d’autres chrétiens ailleurs, d’autres manières de vivre. Je vais les encourager à vivre pleinement cette experience et surtout à se disposer à rencontrer le Christ. On rencontre le Christ chez soi mais quelques fois aller ailleurs nous permet de le rencontrer différemment.

Propos recueillis par Joel CORADIN
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1 Comment

  1. janvier 18, 2024 at 11:24 — Répondre

    Tres belle et appetissante revue . Vous AVEZ CHANG2 MA VIE?JE NE SAIS CE QUE JE SERAIS SANS VOUS. Merci pour tout

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