Mayotte a été abandonnée pendant des jours
Des extraits du témoignage de Sacha pour le magazine Blast à propos de la situation à Mayotte. Blast est un site de presse en ligne d’information générale créé par le journaliste Denis Robert qui participe à la lutte anti-corruption, à la défense de la liberté d’expression et de la démocratie.
.. Je suis soignant et j’ai eu la chance et le privilège de pouvoir être rapatrié de Mayotte. J’étais présent sur l’ile pour le travail depuis fin novembre 2024.
Juste après le passage du cyclone nous pensions avoir vécu le pire, mais non, le pire nous attendait juste après. L’attente des secours, le manque d’eau, d’électricité, les secours inexistants dans les bangas…, le flux des urgences qui n’augmente pas malgré les jours qui passent étaient des indicateurs qui soulignaient la violence du cyclone et l’inaction du gouvernement.
Une rumeur s’est rapidement répandue, parlant de 80 000 morts…, les pompiers ont commencé seulement hier à secourir les bangas…
Mayotte a été abandonnée pendant des jours. Aucune mairie, aucune entité du gouvernement n’a porté secours à la population qui avait soif. Des zones plus isolées, comme le nord ont été complètement oubliées.
La seule solidarité qui s’est organisée les premiers jours était celle du voisinage, jusqu’à l’arrivée du Président jeudi dernier… où l’état d’urgence n’avait même pas encore été pensé…
– Rapatriement / Prise en otage de la population : Le préfet de Mayotte retient la population, il ne souhaite pas voir partir tous les soignants, rectorat, administratif, préfecture, police, pompiers… Les listes d’appel sont très courtes par rapport au nombre de personnes devant l’aéroport. Je pensais naïvement qu’il était impossible de prendre un vol car ils priorisaient les personnes ayant un besoin urgent de quitter Mayotte…
Dimanche 22 au matin, j’ai eu la chance de prendre l’avion… J’ai appris par la PAF de la Réunion (qui remplace la PAF de Mayotte, incapable de poursuivre cette mission) que les vols repartent à moitié vide. J’ai ressenti énormément de colère et j’ai tenté d’en comprendre les raisons. Après petite enquête, les deux raisons « officielles sont » 1/pour conserver le kérosène car il n’y en a pas assez pour l’aller/retour et 2/les places coûtent très cher au gouvernement.
Du coup, ils espèrent que la population se paie le luxe d’un vol commercial quand celui-ci va réouvrir. J’apprends que l’aéroport est praticable, même de nuit par les vols commerciaux (puisque c’est Air Austral qui opère le rapatriement). Une rumeur dit que les vols commerciaux pourraient reprendre dès ce jour (mardi 24 décembre), mais qu’ils ne vont l’autoriser que début janvier. Les rumeurs que j’ai entendues par la PAF et qui circulent laissent à penser que c’est une manière de retarder la fuite de la population. Mais la population qui souhaite partir n’est pas ou plus en mesure physique ou psychologique de travailler, ni en mesure de rester sur l’ile.
J’ai entendu des conversations à la PAF de l’aéroport entre 3 policiers dire « ne faites pas partir la police, ce n’est pas possible de les évacuer, ça ne sera pas accepté de les faire partir ». Oui, une partie de la population souhaite quitter Mayotte pour se mettre à l’abri du chaos. Ils ont soif, ils ont faim et sont épuisés de ne voir aucune organisation du gouvernement prendre le relais depuis des jours sur des choses essentielles.
Tout le monde se sent abandonné. S’ils font le choix de partir c’est pour survivre. On ne peut plus retirer de l’argent, peu de magasins acceptent la CB, l’essence est limitée, et le chaos à J+10 est toujours là, bien présent. Des vidéos circulent et montrent une majorité de blancs partir. En tout cas le jour de mon départ, il y avait un tiers de mahorais et deux tiers de blancs.
Dimanche à l’aéroport il y avait une vingtaine de personnes encore présentes qui attendaient qu’on crie leur nom. L’avion que nous avons pris était à moitié vide. La PAF nous a raconté que la veille, ils avaient pris l’initiative de remplir l’avion et ils s’étaient fait taper sur les doigts par la préfecture. Ils se sentent aussi impuissants face à des situations inhumaines.
Nous avons rencontré un ingénieur métropolitain étant sur l’île pour une semaine qui n’avait aucun poids/soutien d’une administration pour être rapatrié. Pas de logement, pas d’argent, pas possible de se nourrir. On lui a répondu qu’il ne pouvait pas partir. Cette personne est abandonnée par le gouvernement. Sa femme et ses enfants sont en métropole et il souhaite rentrer chez lui. Mais ce soir, il devra dormir à la rue, avec l’insécurité qui s’accentue.
Le préfet retient en otage la population au détriment de sa santé.
Aidez Mayotte et sa population à rétablir la vérité.
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