MARC DEL GRANDE, PRÉFET DE GUYANE OU CHAMPION DU MONDE ?
MARC DEL GRANDE, PRÉFET DE GUYANE OU CHAMPION DU MONDE ? Ou sur l’inutilité (ou l’utilité) d’ un Préfet dans un territoire ultra-marin.
Que n’a-t-on pas entendu comme réactions sur le départ (et l’arrivée), d’un Préfet en Guyane. Thierry Queffelec remplace Marc Del Grande.
Aussitôt, c’est la panique, le désarroi, l’incrédulité. On note la désapprobation et les commentaires amers et désolés de l’inénarrable député de Guyane, Gabriel Serville, les interrogations anxieuses des medias relatives à d’éventuelles failles professionnelles ou psychologiques du titulaire du poste, on laisse entendre qu’il est caractériel, qu’il veut tout contrôler, que ses équipes broient du noir, (n’y voyez-là aucun jeu de mots déplaisant), mais en même temps qu’il a démontré une vraie volonté d’assumer la mise en œuvre des politiques publiques sur le sol guyanais. Le monde économique, agricole et le patronat de Guyane écrivent au premier ministre pour demander le maintien du préfet Marc Del Grande, entre autres la Chambre de commerce et d’industrie, la Chambre des métiers et de l’artisanat, la Chambre d’agriculture, le Medef, la CGPME, le MPI et …le Comité régional des pêches.
Les décideurs guyanais mettent aussi en avant le contact du préfet avec la population : « Sa parole, dans un contexte anxiogène, était attendue et écoutée ». Mais c’est la parole d’un Messie qui est attendue et écoutée ! Le monde économique salue « son travail, sa présence, son écoute, son ouverture d’esprit et pour tout dire son action militante en faveur de l’économie guyanaise, et estime que son départ risque de faire perdre à la Guyane des opportunités précieuses ».
Dans ce délire sans fin, les supputations existentielles sur la récente nomination d’un préfet venu de Paris, pour superviser la gestion de crise COVID en Guyane, (Patrice LATRON a été officialisé à ce poste aux côtés du préfet et de la directrice de l’ARS), ajoutent à ce huis-clos angoissant.
Enfin, le rapport du préfet évaluateur (car Marc Del Grande était en quelque sorte stagiaire -c’était son premier poste en tant que préfet), fait l’objet de tous les fantasmes.
Nous tenterons de recadrer ce départ dans la pratique selon nous, courante, d’un Etat colbertiste.
Ensuite, le retour en force des préfets dans la vie politique locale a été démontré par les auteurs, même dans l’hexagone ( Gleizal ( J-J), dir, retour des préfets, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1995).
Mais, fait curieux, on assisterait à la légitimation du corps préfectoral de la part de ce même personnel politique des régions d’outre-mer, jadis pourfendeur de représentants de l’Etat. La posture de Gabriel Serville est éclairante. Il ne s’agirait plus pour le préfet de civiliser, encore moins d’assimiler, (ça fait mauvais genre) , non l’état ne parle pas de surveillance de populations « inassimilables», mais bien de les développer et de les protéger, à travers le poncif du devoir moral de l’état français à l’égard de ses derniers territoires ultra-marins. S’ajoute dorénavant l’humanisme envers des populations tenues pour culturellement différentes.
Ce ne serait plus un administrateur qui, simple chaînon exécutif d’un Etat centralisateur et bureaucratique, imposerait son droit uniformisateur. Son rôle d’intermédiaire entre l’Etat, les populations, et les élus, réalisant le compromis, adaptant les règles aux situations et contextes locaux ( pour preuve nous aurions la récente faculté laissée par Jean Castex, premier ministre, aux préfets des régions d’outre-mer d’adapter les politiques covid dans chacun de leurs territoires), en serait la démonstration formelle.
A-t-on assisté aux «Procès de Cayenne» (et non de Pékin), qui devraient soulever la même réprobation que ceux de Moscou ou de Prague ? La population devra-t-elle se soulever, et faire face aux chars pour défendre son préfet ?
Marc Del Grande, en octobre 2016, lors d’un match qui a vu jouer des migrants accueillis dans la commune de Croisilles, sur le terrain de foot, à l’occasion de la venue de Lilian Thuram, alors qu’il était secrétaire général de la préfecture du Pas-de-Calais, a tenu le poste de gardien. Sur la photo, il n’est pas reconnaissable. Depuis il a perdu 20 kilos.
La venue du champion du monde de football, coïncidait avec la cérémonie d’inauguration du terrain de football synthétique de la commune.
L’ex-secrétaire général restera-t-il dans nos mémoires comme champion de la Guyane, ou champion du monde, même avec des kilos en trop ?
Nous pouvons suggérer un conseil de lecture, « De la décolonisation… à la décentralisation. Histoire de préfets coloniaux » de Véronique Dimier (Politix-revue des sciences sociales du politique). Encore une fois, stupéfiant. Quelques-uns des administrateurs coloniaux interviewés, connaissaient même différents dialectes, et , tels Jean Clauzel, se transformèrent tout simplement en ethnologues, ou comme tel autre, en… indigène : « A force de vivre en symbiose avec eux, je suis devenu un des leurs ».
Le préfet Marc Del Grande était-il devenu «un des leurs» ?
Il y a quand même un constat désabusé que l’on peut faire sur nos régions. La piètre qualité des décideurs incapables de s’entendre sur la moindre réalisation commune (comme une véritable université liant les territoires de la Guadeloupe, de la Martinique, et de la Guyane), arc-boutés sur des velléités «indépendantistes» pour leurs micro-campus, pour cette même université, chacun criant à l’outrage plus haut et fort que son voisin, mais suppliant l’Etat – la génuflexion n’est pas loin- de ne pas toucher à un préfet.
Si le préfet Del Grande était autant apprécié par les Guyanais pour ses actions, son professionnalisme, pourquoi ne pas lui attribuer une rue à son nom à Cayenne, a souligné un internaute ?
Une statue à la place de celle de Schoelcher, déboulonnée ?
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