L’évolution démographique aux Antilles
En clôture de la semaine des Outre-mer à sciences Po. Sciences Ô organisait avec l’AJEG, la MAJ et Pel’Icarus une conférence sur les principaux problèmes auxquels font face les jeunes et posait les enjeux de la mobilité pour la jeunesse antillo-guyanaise, les débats animés par M. Claude Valentin-Marie sociologue et Audrey Célestine docteur à Sciences Po.
Démographe, ancien vice-président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE), conseiller pour l’outre-mer auprès de l’INED (Institut National d’Etudes Démogaphiques) Claude Valentin-Marie est une référence en matière d’études des migrations ultramarines. Nous avons profité de l’opportunité pour l’interroger sur le devenir de nos populations.
Etre invité par des étudiants cela doit vous faire bizarre ?
Non pas du tout. Quand j’étais jeune étudiant, j’ai moi aussi pu monter des conférences. Ce qui est intéressant ici ce sont les thèmes choisis et que ces étudiants ont déjà une expérience de terrain. Ils doivent encore structurer leur projet. Ces universitaires souhaitent affronter le monde, sont prêts à partir à l’étranger mais beaucoup souhaitent revenir dans leurs pays respectifs. L’enjeu est de se prendre en charge chacun dans des registres différents et je trouve cela très encourageant loin de cette idée pessimiste que l’on peut avoir sur la jeunesse ultramarine.
Vous êtes responsable d’une étude sur les tendances démographiques dans les RUP pour la Commission européenne. Quelles sont vos conclusions ?
La majorité des régions ultramarines connaitront un vieillissement démographique accéléré. Dès 2020, aux Antilles il y aura plus de personnes âgées que de jeunes. Dans 15 ans, 1 personne sur 3 aura plus de 60 ans avec une augmentation des coûts de santé et des coûts sociaux. Ce vieillissement est aussi alimenté par le retour pour leur retraite de natifs travaillant en métropole.
La Guyane au contraire, avec une natalité forte et une immigration importante connait une croissance rapide de sa population. Enfin, à la Réunion on constate un vieillissement rapide mais une natalité maintenue.
Quels sont les risques de cette évolution pour nos territoires ?
Le chômage associé au vieillissement entraine une augmentation continue des taux de dépendance effective, c’est-à-dire du poids pesant sur les actifs occupés avec 3 personnes âgées à charge par actif occupé d’ici 2030. Les politiques sociales actuelles ne seront plus adaptées. Il faut redéfinir un nouveau modèle de développement. Le vieillissement de la population doit favoriser une revalorisation des activités de services, la politique des transports doit prévenir contre l’isolement des personnes âgées. La baisse de la fécondité devrait libérer des ressources en éducation. Pourquoi ne pas songer à les réaffecter pour les plus âgés ?
Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas simplement d’accompagner une évolution c’est de repenser le modèle de développement. Il faut qu’on se donne de nouveaux outils, qu’on repense autrement. Nous sommes au cœur de la question de la dépendance : pas seulement la dépendance d’autonomie du 3ème âge, il s’agit de la dépendance économique, de la dépendance en termes d’équilibres de la société, savoir qui travaille pour qui et la dépendance économique et politique. Pouvons-nous nous sufir à nous-mêmes ou devons- nous dépendre de quelqu’un d’autre ?
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