LE DEPUTE A L’ORIGINE DU PONT DE LA GABARRE METTAIT SA FEMME SUR LE TROTTOIR !
LE PONT DE LA GABARRE, qui relie la Grande-Terre à la Basse-Terre, c’est lui. Mais il appelait aussi à la haine des mulâtres, et n’hésitait pas à crier au peuple, du haut de la Mairie de Pointe-à-Pitre, « Si vos adversaires résistent, CASSEZ-LEUR LA GUEULE ! »
Alfred Léon Gérault fut député de la Guadeloupe de 1902 à 1911. Originaire de la SARTHE, ancien tapissier, en arrivant dans la capitale, il exerce différents métiers. Homme d’équipe à la SNCF, papetier, représentant de commerce, feuilletoniste. En 1883, il décide de vivre de sa seule passion l’écriture, qui dans un premier temps ne lui permet pas de vivre. Il arrive à contraindre sa maîtresse à faire le trottoir ; au bout de quelques années, sa bonne LOUISE, par une rupture éclatante en 1889, apprend qu’il est aussi amoureux des hommes ( d’après Fuligny, dans « Chambre ardente » pages 206 et 207) .
La carrière publique d’Alfred Gérault débute de manière peu classique. Devenu chansonnier, il faisait des représentations au cabaret du Chat Noir, dont le Patron décide de se présenter aux élections municipales de 1884, pour réclamer la séparation de Montmartre et de l’Etat !
Gérault-Richard a trouvé sa voie. Il profite de l’organisation du parti socialiste, et sa passion pour l’écriture se manifeste au sein de ce parti. Il collabore à plusieurs journaux, et fonde le CHAMBARD. Ses articles pamphlétaires lui valent de nombreux procès. Il signait JEAN VALJEAN, maniait l’invective et l’injure, se battit plusieurs fois en duel ( comme avec le royaliste Léon Daudet, fils du célèbre écrivain). Il va jusqu’à attaquer le President de la Répubique, Casimir Périer, avec des propos violents sur l’homme, sa famille, et la fortune amassée en plusieurs générations. Il est condamné à un an de prison.
Le parti socialiste pour hâter sa sortie de prison, le présente comme candidat à des élections législatives partielles dans le 13ème arrondissement de Paris. Elu, son comportement d’anarchiste reprend le dessus. Ainsi, le 22 janvier 1898, il inflige une correction au député royaliste du Gard, DE BERNIS, lors des débats à la Chambre dans l’affaire Dreyfus.
Suite aux multiples problèmes au sein du parti socialiste guadeloupéen, le responsable de la section LEGITIMUS , fragilisé par sa rupture avec ses plus fidèles lieutenants, dont Achille-René BOISNEUF, appelle au secours le parti socialiste français.
GERAULT-RICHARD prône la haine des mulâtres ( MORT AUX PARASITES), et indique qu’il s’inscrit dans le cadre de l’union des deux Guadeloupe, capitaliste et ouvrière, pour assurer le relèvement du pays. C’est l’ entente CAPITAL-TRAVAIL. Les élections de Légitimus et GERAULT-RICHARD sont financées par les usiniers. GERAULT-RICHARD entend assurer les victoires électorales par la fraude et la violence, – des brigades d’intervention sont créées, dont la fameuse « brigade volante » de notre député tonton-macoutiste-, et par un contrôle exercé sur un gouverneur qui mit gendarmes et marins à son service. Il est réélu deux fois (1902-1906), et (1906-1911), dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur leur irrégularité.
« Un de ces quatre matins, nous userons de la matraque et nous leur apprendrons à vivre », proclame-t-il.
Légitimus se laissera entraîner – lui aussi il aura à sa disposition « ses donneurs de fraîcheur ». Mais après l’entente entre les deux hommes, c’est la brouille. Cependant, on assiste à un nouveau rapprochement pour préparer les élections législatives de 1906, où les deux candidats l’emportent tout naturellement grâce à leurs méthodes, Légitimus contre Boisneuf à Pointe-à-Pitre, Gérault-Richard contre Gerville-Réache à Basse-Terre.
En 1910, ils sortent encore vainqueurs des législatives, mais Légitimus se retrouve sur le banc des accusés. Il devra venir à la Chambre, se justifier des accusations de fraude. Il aurait été condamné par la suite en 1911 à deux ans de prison et cinq ans d’interdiction de ses droits civiques, mais il fut décidé qu’il ne serait pas procédé à son arrestation. La fameuse affaire LEGITIMUS, suite à la contestation de Boisneuf, fera la une de la presse française. En témoignent les caricatures de l’Assiette au beurre. Et les caricatures de Légitimus n’échappent pas aux clichés racistes de l’époque.
« M. Légitimus a fait une traversée pénible . Il surveillait à tout instant ses valises renfermant le fameux dossier, par crainte de quelque policier à la solde de M. Gérault-Richard »
Légitimus s’exclame dans une autre caricature « De tout’ cet’affaire, je so’ti’ai blanc comme neige, tandis que Gérault-Richard, il’ so’ti’a tout noir ».
L’Assiette au beurre, malicieuse, note -nous pensons- avec stupéfaction que Gérault-Richard n’est absolument pas inquiété.
Quant à notre aventurier hors pair, c’est lui qui aurait laissé en héritage le pont mobile pour assurer le passage de la Rivière salée, entre les deux grandes îles de la Guadeloupe. Avant cette possibilité, un bac ou gabarre faisait la navette entre les deux îles, d’où le nom de pont de la Gabarre », précise Emile Rodolph Enoff dans Les Parlementaires de la Guadeloupe 1889-1958)
Notre député fera fortune, et deviendra directeur de Paris-journal, concessionnaire du Mont-de-Piété de Monaco, propriétaire d’une gare de chemin de fer, actionnaire d’une usine de Seine-et-Marne.
Si vous passez au château de Triguères, dans le Loiret, appelé le manoir du grand Courtoiseau,ce dernier a abrité notre journaliste et homme politique Alfred-Léon Gérault-Richard à partir de 1906. Hervé Bazin, l’auteur de Vipère au poing, y a vécu en autarcie ses dernières années.
No Comment