Le Coronavirus au Venezuela, un enjeu géopolitique
LE CORONAVIRUS DANS LA CARAIBE : VERS UNE HECATOMBE ? ( Suite)
VENEZUELA : ANALYSE DES ENJEUX INTERNATIONAUX
Après avoir analysé les enjeux régionaux en matière touristique pour la Barbade suite à l’épidémie de coronavirus, et constaté que l’île de la Dominique était quasiment vierge en matière de statistiques, ce qui rend impossible toute projection, intéressons-nous au Venezuela, source de tensions géopolitiques dans notre zone Amérique latine/Caraïbe.
L’embargo américain, les difficultés d’approvisionnement, vont-ils peser, plus que pour tout autre pays, sur les chiffres de la mortalité causée par le coronavirus ?
« Face à l’échec de leur stratégie pour chasser Nicolas Maduro du pouvoir, les Etats-Unis ont appelé mardi à la création d’un gouvernement de transition au Venezuela, demandant à leur allié Juan Guaido de faire un pas de côté en l’attente d’élections « libres et justes » Le Point du 31 mars.
L’administration de Donald Trump qui a fait du régime Maduro sa principale bête noire en Amérique latine, a toutefois confirmé son soutien à Juan Guaidó, qui resterait président de l’Assemblée nationale durant cette transition, et serait ensuite autorisé à briguer la présidence.
Mais le gouvernement de Caracas a immédiatement rejeté cette proposition ».
Mais tout d’abord nous vous livrons le triste décompte des décès au 31 mars dans la zone.
- Guatemala 1
- Jamaïque 1
- Nicaragua 1
- Guyana 1
- Costa Rica 2
- Paraguay 3
- Trinid, et Tob 3
- Venezuela 3
- Martinique 3
- Guadeloupe 4
- Cuba 4
- Bolivie 6
- Honduras 7
- Chili 8
- Colombie 14
- Pérou 24
- Argentine 25
- Panama 27
- Mexique 28
- Rep. Domini 42
- Equateur 62
- Brésil 167
La naissance de ProSur* offre un instantané des divisions affinitaires et du morcellement des relations entre Etats sud-américains. Ses fondateurs, moteurs du groupe de Lima, en ont exclu le Venezuela de Nicolas Maduro. Ils ont, en revanche, invité le président autoproclamé du pays, Juan Guaidó, – qui n’a pas pu s’y rendre-, qu’ils reconnaissent comme seule autorité légitime.
Démarrée dans son cours actuel en 2013-2014, dans la foulée de la première élection de N. Maduro, – non reconnue par une partie de l’opposition avant que cette dernière ne qualifie celle de 2018 d’ »usurpation »-, la crise vénézuélienne, -politique, économique, sociale, migratoire-, enfonce le pays dans une situation de polarisation extrême. La magnitude de la crise qui s’y déroule lui confère désormais un statut continental et international.
Désormais, l’Amérique latine offre un paysage politique morcelé en trois arcs d’alliances évolutives formées au cours de cette crise vénézuélienne, qui catalyse les dynamiques de recomposition politique régionale.
Un bloc majoritaire de pays est favorable à J. Guaidó : il réunit les Etats gouvernés par la droite et le centre droit, alliés de Washington. Ils ne soutiennent toutefois pas la possibilité d’une intervention militaire. On les retrouve également au sein du groupe de Lima, au cœur de trois processus d’intégration commerciale et géopolitique régionaux : l’Alliance du Pacifique (Chili, Colombie, Pérou, Mexique), le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), et désormais le ProSur.
Un bloc minoritaire de pays – membres de l’ALBA-, soutient Caracas contre son opposition. Mais outre l’affaissement politique et économique du Venezuela, cette organisation est affectée par la crise politique durable au Nicaragua, ainsi que par les difficultés de Cuba, confronté à une menace « d’embargo plein et total », (Donald Trump), des Etats-Unis en raison de son appui au Venezuela.
Le Venezuela n’échappe pas aux tensions stratégiques, alors que l’épidémie devrait être combattue comme étant le seul vrai ennemi.
D’un côté, certains journaux ont décrit le Venezuela comme un cauchemar chaotique. Ces medias ont brossé le tableau d’un désastre dû au coronavirus, de l’incompétence du gouvernement et d’une nation au bord de l’effondrement.
De l’autre, les propagandistes du régime mettent l’accent sur le fait que la Chine aurait envoyé des kits de diagnostic pouvant dépister 320 000 personnes, que le président Maduro a décrété l’urgence sanitaire avant de nombreux autres pays.
Prenons en compte, selon notre habitude, les statistiques en matière de santé qui nous permettent d’appréhender, plus ou moins, cette crise sanitaire.
Si le taux de mortalité générale au Venezuela est de 5,65 %, ce qui est surprenant, et assez rassurant, compte tenu des difficultés auxquelles ce pays est confronté, le taux de mortalité infantile dévoilé par les statistiques officielles est de 25, 7%, soit un mauvais chiffre puisque le Vénézuela ne serait devancé pour ces statistiques macabres que par Haïti (53,9 %), l’île de la Dominique (31,5 %), la Bolivie (28%), le Guyana (26%), la République dominicaine avec 25 %, lui succédant.
Un chiffre nous interpelle. Le budget santé représente 0,77 % du PIB, à comparer à Haïti le pays le plus pauvre de la région (0,83 % du PIB), ce qui représente le budget santé le plus faible de toute la zone !
Le nombre de médecins pour 1000 habitants ne figure pas sur les fiches statistiques.
Une quarantaine collective avait été instaurée après la découverte des deux premiers cas suspects. Tous les établissements d’enseignement de la maternelle à l’université ont été fermés.
Le chef de file de l’opposition Juan Guaidó a par ailleurs affirmé être en contact avec des pays alliés pour que du matériel hospitalier soit acheminé au Venezuela par le biais d’agences internationales telle que l’Organisation Panaméricaine de la Santé.
Maduro lui, a parfaitement compris que la meilleure défense, c’est l’attaque.
« Le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela rejette fermement les déclarations faites par Donald Trump, son secrétaire à la défense, son procureur général et d’autres représentants de son équipe, qui tentent désespérément de détourner l’attention de la tragique crise humanitaire traversée par les États-Unis. Ce pays, en raison de la gestion erratique du COVID-19 par ses autorités, a l’intention d’attaquer le Venezuela de manière infâme. Cependant, au-delà des agressions et des mensonges proférés à l’encontre des responsables vénézuéliens, le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela se félicite du fait que, pour la première fois depuis des décennies, les autorités des États-Unis se préparent à prendre des mesures pour protéger leurs frontières, historiquement perméables et vulnérables aux milliers de tonnes de drogues entrant dans ce pays chaque année en provenance de l’industrie du trafic de drogue qui s’est développée sur le territoire de son allié et partenaire, la Colombie. Le solide cadre institutionnel de lutte contre les stupéfiants du Venezuela est prêt à toute coopération et coordination nécessaires, afin de contenir l’avancée du trafic de drogue et des groupes du crime organisés dans la région ».
* Coalition de 14 pays américains, dont 13 ne reconnaissent pas la légitimité de Nicolas Maduro. Non membres, les Etats-Unis participent régulièrement aux rencontres du groupe.
Source : L’ANNEE STRATEGIQUE 2020 : Analyse des enjeux internationaux sous la direction de Pascal Boniface Armand Colin
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