Le 1er ministre au CESE pour présenter sa feuille de route
Mardi 1er avril, le Premier ministre, François Bayrou, était présent dans l’hémicycle du CESE pour présenter la feuille de route de son Gouvernement.
… Ma présence devant vous, devant le Conseil économique, social et environnemental, troisième chambre de notre constitution, n’est ni fortuite ni accidentelle…
Ma philosophie de l’action, c’est l’association de la démocratie sociale aux grandes décisions où se joue l’avenir du pays. C’est pourquoi par exemple, j’ai voulu que la question fondamentale des retraites soit examinée par cette démocratie sociale.
… Depuis mes dernières interventions devant vous, j’ai pour ainsi dire changé de bord : je suis passé du domaine de la prospective à celui de l’action politique…
Quel est notre point de vue ?
… Depuis la guerre, il n’y a jamais eu pour un gouvernement dans une situation aussi difficile et aussi précaire que celle que nous connaissons.
J’ose même dire que c’est parce qu’il n’y a jamais eu une situation aussi difficile et aussi précaire que je me trouve devant vous dans cette fonction de chef du gouvernement.
Et cependant, aussi difficile et aussi précaire que soit la situation, il faut agir…
D’abord parce qu’il faut avoir une pleine conscience de ce que les orages et les tremblements de terre du monde vont avoir comme conséquences directes sur la société française. Il suffit de considérer l’appareil de production automobile, dont on découvre qu’en 2024 sa production a baissé de 11%. Mais la même chose vaut pour les vins et spiritueux, pour l’ensemble de notre production agricole, pour la production d’énergie…
Nous étions déjà, depuis les lendemains du Covid dans une stagnation, mais les menaces se précisent… Ces séismes du monde vont connaître chez nous des répliques d’autant plus dangereuses que notre société depuis des décennies se fragilise continuellement. C’est évidemment vrai en économie, mais c’est vrai aussi dans l’organisation de l’information, dans les attaques cyber, dans les fake, dans les orages sociétaux, dans les risques que fait courir l’intelligence artificielle…
Quel est le plan du gouvernement pour agir ?
Il a d’abord été de restaurer les outils élémentaires de la vie du pays. Nous
n’avions pas de budget, pas de perspective de faire adopter le budget de l’action publique, État et collectivités locales, pas plus que le budget social de la nation, le tout près de 1700 milliards d’€…
Et nous avons cependant réussi, en surmontant 6 motions de censure successives, à obtenir avant la fin du mois de février, comme je m’y étais engagé, un budget pour l’action publique et un budget pour notre action sociale.
… Devant ce paysage de l’action publique dévastée, il faut mettre en face cet autre constat : nous sommes le pays du monde qui pour cette action au service de nos concitoyens dépense le plus d’argent public, prélève le plus d’impôts, de taxes diverses et de cotisations, et crée le déficit le plus important.
À l’énoncé de ce constat, il n’y a qu’une conclusion possible : c’est que nous avons un problème général d’organisation de chacun des domaines de notre action publique… Nous sommes obligés d’aller vite pour trois raisons au moins.
La première, c’est que les événements nous pressent… 2ème raison : les dégâts commis chaque jour sont irréversibles… 3ème raison : il faut agir parce que le fatalisme et la résignation sont une remise en cause, aux yeux de chacun des citoyens, de la démocratie elle-même…
Le premier domaine, auquel nous nous sommes attaqués au lendemain du vote du budget, c’est le domaine de notre administration. J’ai réuni tous les ministres et tous les directeurs d’administration centrale… pour leur demander un exercice inédit qui est de traduire dans une langue compréhensible par tout le monde les missions dont leur département ministériel est chargé…
J’ai ensuite décidé, avec les membres du gouvernement, que nous allions
nous attaquer prioritairement, dans un plan d’urgence, à 4 grands domaines de l’action publique.
Je commencerai par la mère de toutes les batailles c’est-à-dire l’éducation…
Je ne peux pas accepter que la France, qui était le premier pays du monde et reconnu comme tel en matière éducative, soit aujourd’hui 28e sur 40 en matière de maîtrise de la langue, en capacité de traduire par écrit correctement une pensée ou une description… Nous sommes 36e en mathématiques, nous qui avons la juste réputation d’être le premier pays au monde dans ce domaine essentiel et qui le montrons par les médailles Fields que nous recevons, par les résultats incroyables que nous obtenons en algorithmique ou dans le domaine spatial…
À nos yeux, une des causes indiscutables est celle de l’effondrement de l’écrit… C’est pourquoi dès la rentrée prochaine nous l’avons décidé avec la ministre d’État chargée de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous aurons un plan complet de reconquête de l’écrit…
Devant l’écran, notre cerveau est passif. Devant l’écriture, devant la lecture, il est actif pour aller chercher des informations. Et devant l’écriture il est deux fois actif pour élaborer un message.
Reconquérir l’écrit, c’est reconquérir les savoirs fondamentaux, puisque l’on sait aujourd’hui que l’écrit est mobilisé dans la résolution de problèmes mathématiques ou scientifique…
La deuxième question que nous allons immédiatement traiter est celle de la formation des enseignants…
Pour la formation initiale, nous allons retrouver les principes qui faisaient la réussite des anciennes écoles normales : un recrutement précoce (à l’entrée d’une licence à vocation professionnelle), avec tout au cours de cette formation un approfondissement et une vérification des capacités, une maîtrise des pratiques pédagogiques…
… Nous avons ouvert le numerus clausus, cette aberration décidée il y a plusieurs décennies, j’ose le dire dans la complicité générale. Nous avons permis la délégation de tâches. Il demeure que la situation sur le terrain est désespérante et bouleversante pour des millions de concitoyens.
Il faut donc sortir de l’enlisement et de l’impasse. Il faut une régulation, comme l’ont décidé, conscientes de la difficulté, nombre de professions de santé.
… Ce gouvernement ne sera pas celui qui par atermoiement acceptera que plus de 6 millions de noscompatriotes ne puissent pas trouver de médecins traitants, que des cantons entiers, soient sans solution…
3eme grand domaine : celui de la simplification.
Dans ce domaine, comme dans les autres, je veux partir de l’expérience vécue des Français… Désormais, il faut inverser la charge : à l’administration de s’expliquer sur l’utilité des formulaires, et de les remplir, puisqu’elle dispose de toutes les informations croisées sur chacun de nous…
… Il y a un 4eme domaine d’action essentiel, qui est comme une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle social. Ce sujet d’inquiétude, c’est le surendettement..
Car dans une famille, quand l’héritage qui vous échoit est grevé de dettes, vous avez toujours le droit de le refuser ! Ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’une nation… Le surendettement est immoral. Mais le surendettement est aussi un boulet pour notre action…
Notre objectif est le retour à un déficit de 3% en 2029. Et cet effort commence dès maintenant : nous avons fixé le déficit public pour 2025 à 5,4 % du PIB, ce qui suppose des économies importantes.
Nous n’attendons pas pour agir. Mettre un terme aux « dérapages » passés exige un suivi et une exécution rigoureuse du budget 2025.
À ces quatre chantiers, j’ajoute l’impératif que j’évoquais d’aménager notre territoire de façon équilibrée et dans le cadre de la transition écologique que nous devons poursuivre.
Dans cet effort d’aménagement du territoire, la question des transports tient une place centrale. Nécessairement, compte tenu de l’histoire qui est la nôtre et du rôle central qu’a pris Paris, notre réseau de transports doit assurer la liaison entre la capitale et la province.
Mais il y a aussi des liens à créer ou à recréer entre les provinces elles-mêmes, entre les lieux de vie, d’activité et de services publics, entre les villages et les villes moyennes. Faute de développer nos réseaux de transports, nous continuerons à renforcer la métropolisation de notre territoire…
La condition pour relever tous ces défis, c’est que nous ayons l’idée la plus claire possible de ce qui nous réunit, de ce que nous voulons défendre ensemble, de ce que nous voulons construire ensemble. Face aux attaques de l’extérieur, face aux assauts de l’intérieur, qui tous se déchaînent contre nous, nous ne serons forts que si nous sommes unis ; nous ne serons libres que si nous avons le désir d’être ensemble et d’avancer ensemble.
C’est pourquoi j’ai décidé que soit mené à l’échelle du pays et des régions, un débat sur ce que signifie « être français »…
… Ma conviction, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple question d’identité. C’est une question d’adhésion à un projet national unique, puisque nous sommes le seul pays au monde qui soit fondé non pas sur la glorification d’une grandeur passée, non pas sur une origine ou une religion, mais sur le partage d’un certain nombre de vertus philosophiques et civiques…
Ces vertus, nous les connaissons tous : il s’agit du triptyque qui constitue notre devise républicaine, « liberté, égalité, fraternité ». J’y ajoute la laïcité, dont je crois qu’elle est au fond un visage essentiel de notre conception particulière de la fraternité.
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