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L’ange aux jambes tordues

S’il était encore de ce monde, Mané Garrincha aurait fêté ses 85 ans le 28 octobre. Ou peut-être le 18… Car il subsiste toujours un doute sur la date exacte de naissance de « o anjo das pernas tortas » (l’ange aux jambes tordues, en portugais). Mais nous concrètement, on s’en fout, c’est juste une très bonne excuse pour vous parler d’un des premiers dribbleurs de génie de l’histoire du football. Et en plus il est brésilien.

La date officielle de naissance de Manuel Francisco dos Santos, de son nom complet, est le 28 octobre 1933 alors qu’il serait en fait né le 18. Explications : le père de Garrincha, ayant pris son temps pour inscrire son fils sur les registres officielles, se serait trompé de date.

L’art de l’esquive

Tout d’abord, d’où tient-il ce nom ? Sa soeur, Rosa, l’aurait surnommé Garrincha en référence à un petit oiseau de la région de Rio, le cotinga (roitelet en français). Mais ce que l’on retient du milieu droit aujourd’hui, ce sont surtout ses dribbles, feintes de frappes et autres crochés. Ses best of n’ont rien à envier aux youtubers du moment, Neymar et compagnie. Garrincha s’amusait et les supporters du Botafogo en redemandaient et n’attendaient qu’une chose, que la balle arrive aux pieds de leur numéro 7.

Le public du Maracana (stade où évoluait souvent Botafogo à l’époque) le voyait effacer un joueur puis revenir en arrière pour le défier à nouveau. L’art de l’esquive par Garrincha… Du grand spectacle ! Cerise sur le gâteau, un problème de santé pour alimenter la légende. Le Carioca souffrait d’une malformation : ses jambes étaient tordues. Avec des genoux rentrants et une guibole droite 6 centimètres plus courtes que la gauche, personne ne pouvait imaginer le destin qu’attendait le gamin de Pau Grande. Et pourtant sa vitesse d’exécution, son explosivité et ses coups de hanches lui ont permis de foutre sur le cul pas mal de joueurs à travers le monde et de débarquer avec l’étiquette de meilleur joueur de la Seleçao pour sa première Coupe du Monde, en 58.

Le meilleur joueur de l’époque

Premier gros coup international du petit oiseau en Suède. Garrincha est le meilleur joueur de l’époque et le Brésil, la meilleure sélection. La Seleçao s’impose par un score large contre les locaux en finale, 5-2. Le joueur du Botafogo accompagné par Pelé, Didi ou encore Zagallo, offre une première étoile à son pays. Un succès importantissime… Il faut rappeler que 8 ans plus tôt, les brésiliens accueillent le Mondial pour la première fois et le perd sur le fil contre les Uruguayens au Maracana, plongeant le pays dans le deuil.

Après ce fiasco en 1950, la CBF recommence tout et reconstruit une équipe jeune qui mène le Brésil vers les sommets. Cette bande emmenée par Garrincha redonne la joie au peuple brésilien. Le début des années 60 est une époque prospère pour l’ange aux jambes tordues, il ravi les supporters alvinegros et remporte la deuxième Coupe de Monde du Brésil dans le Chili de Pinochet. Alors au top, Garrincha est élu meilleur joueur de la compétition. C’est aussi l’année d’une finale mythique du championnat Carioca remportée 3-0 contre le rival historique Flamengo. Lors de cette rencontre, le numéro 7 livre une prestation considérée comme la meilleure de sa carrière.

Les femmes et l’alcool

Son surnom, l’ange aux jambes tordues, est le titre d’un poème que lui a consacré Vinicius de Morais, poète brésilien et supporters de Botafogo. Garrincha inspire. Sa vie pleine d’excès, de femmes et d’alcool, aura raison de lui mais a façonné sa légende. Père (officiel) d’une dizaine de gamins à travers le Brésil, le joueur du Fogao a aussi réussi à laisser sa trace en Suède. En pré-saison avec le Botafogo, le joueur y rencontre une belle suédoise et se retrouve dans sa chambre alors que ses parents regardent la télé dans le salon. Quelques années plus tard un certain Ulf Lundberg Henrik voit le jour, il ne rencontrera jamais son père, trop occupé à gagner des Coupes du Monde. Garrincha forme aussi avec Elza Soares, chanteuse à la mode, l’un des premiers couples people du Brésil. Elza est sa troisième épouse et pour l’auteur de « Estrela Solitataria » (biographie de référence sur la vie de Garrincha), le biographe Rui Castro, c’est le début de la fin tragique du joueur. Ses problèmes de genoux le gênent tout le reste de sa carrière et l’empêchent de retrouver son niveau de 58-62.

Il enchaîne les clubs sans jamais convaincre, Vasco, Corinthians, Portuguesa et bien d’autres, il a même failli signer au Red Star à 35 ans… L’alcool et sa relation de couple pesante l’épuisent. Ils divorcent en 82 et Garrincha meurt un an après, à 49 ans, des suites d’une cirrhose liée à son alcoolisme.

L’anti-Pelé

Garrincha, c’est l’anti-Pelé, symbole tous les deux du renouveau du football brésilien, le second vole la vedette au premier de part son talent, sa précocité et ses stats phénoménales. Voici la traduction de l’hommage du poète Carlos Drummond de Andrade publié le lendemain de sa mort dans le Jornal do Brasil.

« S’il y a un Dieu qui régule le football, ce Dieu est surtout ironique et farceur, et Garrincha a été l’un de ses délégués qui devait se moquer de tout et de tous, dans les stades. Mais, comme il est aussi un Dieu cruel, il a enlevé à Garrincha la capacité de se rendre compte qu’il était un agent divin. C’était un pauvre et petit mortel qui a aidé un pays entier à sublimer sa tristesse. Le pire c’est que cette tristesse est revenue, et il n’y a plus d’autre Garrincha disponible. Nous avons besoin d’un nouveau, qui alimente nos rêves. »

Gary de Jesus

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