la souffrance au travail
L’enfer professionnel à la Mairie de B…( Guadeloupe ) : la souffrance au travail
Ce cadre de la fonction publique territoriale nous a confié sa détresse professionnelle à la Mairie de B….
Les messages envoyés depuis son ordinateur professionnel sont comme autant d’appels au secours.
L’humour noir relevé ( on dénote d’ailleurs un talent certain dans sa relation des faits ) ne doit pas nous faire oublier que le syndrome d’épuisement ( burn-out pour les pays anglo-saxons, karoshi pour les japonais) est une véritable pathologie liée aux conditions inhumaines de travail imposées aux cadres et aux golden-boys de la finance.
Avertissement
Les faits relatés sont authentiques. Seules certaines situations ont été légèrement modifiées pour protéger l’anonymat de notre correspondant.
13 juillet 2015
La haine du temps : Je réponds à l’appel de l’ailleurs et je fuis une condition à laquelle je me sais condamné
9h56 : suis arrivé au travail ( c’est comme une brûlure interne )
10h : fin de la journée dans 3 heures
11h : fin de la journée dans 2 heures
12h : le dossier que je devais remettre est tombé du 3ème étage et est à jamais perdu (une photo est visible sur l’écran : on voit en grossissant l’image une chemise cartonnée revêtue de la mention URGENT : MARCHES PUBLICS Année 2013 )
13h 01 : j’ai été obligé de faire du rab , je suis comme dans un piège à crabes, je pars du bureau seulement maintenant, le maire nous avait conviés à un stage de relaxation.
17 juillet 2015
Les droits de l’homme sont systématiquement bafoués
Travailler avec des femmes ça fatigue : la première me dit, aigrie, qu’elle repousse ses vacs car je lui donne trop de taff
la deuxième me fait la suivre pour que je voie un endroit où il y a beaucoup de moustiques
la troisième est pieds nus dans le service
la quatrième paie les factures de la mairie avec son propre argent
La sixième parle comme une actrice de cul
La cinquième est une syndicaliste. Elle m’a demandé si je connaissais le film italien La Seconda Volta. Si j’ai bien compris, une activiste politique tente de supprimer d’un coup de revolver un professeur d’université car il incarne la culture bourgeoise. Il survit, avec une balle logée dans la tête. Il demande à entrer en contact avec la jeune femme, et cherche à comprendre ses motivations.
Et en quoi cela nous concernerait ? lui ai-je répondu. Elle m’a regardé, médusée.
Il y en a 10 : j’arrête là
24 juillet 2015
Tout se passe comme si l’anéantissement de l’autre et de soi était le seul moyen de faire tenir le personnel de mairie
L’assassin et sa victime ( enfin je veux dire la syndicaliste et moi ) se regardent, ( nous nous regardons ) dans une incompréhension mutuelle.
Oui, parce qu’elle a alerté son syndicat sur mon comportement despotique , ma déshumanisation progressive.
« Seul le saccage des liens paternalistes permettra de fonder une nouvelle alliance » a-t-elle affiché sur le panneau syndical.
28 juillet 2015
WORK HARD !
Il est 20 heures du soir ! Au taff avec le maire, toute l’équipe, les techniciens pour préparer l’étape du Tour cycliste de la Guadeloupe.
Un enseignant m’a dit que dans les écoles, seule la préparation du défilé carnavalesque est prise au sérieux par les parents et les équipes pédagogiques. Le professeur des écoles peut picoler, être incompétent, l’évènement qu’il ne faut pas rater c’est la parade dans les rues avec les enfants autour de l’école.
Quant à moi, il faut que j’aille récupérer au local technique en pleine nuit, 10 pots de peinture blanche pour la signalisation de la ligne d’arrivée. Le maire m’a dit qu’il savait pouvoir compter sur moi.
18 août 2015
Rentré de congé, suis-je le plus sensible des êtres ?
Mairie de B…, dois-je être celui qui dévoile tes fonctionnaires accablés, tes agents désœuvrés ?
Je passe mes journées à te dévisager, à soupirer.
Les poubelles débordent, les chiens errants ont faim comme moi d’absolu et de bonté.
Je m’abîme la voix en hurlant ma détresse.
Par trois fois, ma tête a heurté le clavier de l’ordinateur.
Condamné à la chute, je souffre dans mon bureau climatisé et sinistre.
A la lecture de ces messages, nous nous sommes interrogés.
Guy LOSBAR, maire de Petit-Bourg s’enorgueillissait la semaine dernière de l’édification d’un centre administratif flambant neuf dans sa ville. Un « équipement structurant » de plus, selon ses termes, de nature à secouer la léthargie de l’administration communale.
De très beaux locaux, pour des « boloko » ? ( terme créole signifiant mal dégrossis, peu modernes)
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