La République des lumières
Christiane Taubira la ministre de la Justice et Serge Romana visitant les stands installés Place de la République
Plus de 30 000 répondeurs ont répliqué aux incantations à la lumière du CM98 sur le parvis de la République ce samedi 23 mai, qui dans une démarche de réconciliation et dans la continuité de la 16 ème édition misait sur la notoriété des artistes invités. Le récit de la journée marathon de Serge Romana.
C’est un véritable contre-la-montre que devait effectuer Serge Romana en cette journée avec en tête un nombre : 20 000 unités pour gagner son pari. A dix heures il se recueillait parmi les fidèles à la basilique de Saint Denis, lieu de sépulture de Louis XIV qui promulgua en mars 1685 l’ordonnance des 60 articles créant le Code Noir. Mgr Delannoy, évêque de Saint Denis officiait une célébration en souvenir des victimes de l’esclavage colonial avec des apports d’eau de « la mer », de sucre de « la canne », de chaines en « fer » et les chants de la chorale « l’Eclat des îles chœur antillo-guyanais d’ile de France », différents intervenants nommant leur ancêtre, leur matricule et profession, la bénédiction donnant le ton de la journée avec comme chant « An nou alé poté limiè ».
Après cette messe, au sortir de l’église royale, il était accueilli par le maire de Saint Denis Didier Paillard pour la cession du monument de Nicolas Cesbron en souvenir des esclaves, propriété duCM98 à la municipalité Dionysienne en présence de Christiane Taubira, du président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone, de Victorin Lurel ancien ministre des Outre-mer et du Président du Conseil Départemental de Seine Saint Denis Stephane Troussel. La ministre de la justice dans son discours précisait qu’il s’agissait de « l’histoire de la France, de l’Europe, de l’Afrique et du monde ». Suite à une défaillance technique, le micro hors d’usage, elle poursuivait souhaitant avec humour que « sa voix porte », Claude Bartolone lui préférant déclarer forfait.
Serge Romana effectuait sa première série d’interviews et de poignées de mains avant de se diriger en début d’après-midi vers la ville de Sarcelles pour une nouvelle commémoration. Le député-maire François Pupponi, la déléguée interministérielle à l’égalité des chances Sophie Elizeon et la représentante du Conseil Régional d’Ile de France Viviane Romana se recueillaient tout d’abord au centre sportif Nelson-Mandela devant la statue « La gardienne de vie » puis devant le mémorial des aïeux esclaves des Sarcellois antillais. S’adressant plus particulièrement aux enfants présents le Président du CM98 rappelait les siècles de souffrance et la nécessité du souvenir avant de céder la parole à son « ami professeur de démocratie » François Pupponi qui rappelait les évènements racistes qu’ont connu la ville en juillet 2014 et le devoir de vigilance de chacun d’entre nous.
Répondant de nouveau aux questions des journalistes, le principal administrateur du Comité prenait des nouvelles d’Emmanuel Gordien le représentant de l’association à Creil pour l’inauguration d’une stèle de verre en présence de la ministre des Outre-Mer George Pau-Langevin avec plus de 200 noms de Creillois originaires des Antilles et dont les aînés retrouvaient enfin leur place dans l’histoire comme l’indiquait Jean-Claude Villemain, le maire de la ville.
Après une courte pause buffet, il était temps de rejoindre la place de la République pour le point d’orgue de cette journée. Après des musiques et danses traditionnelles des Antilles et du Brésil, une fresque humaine représentant un bateau négrier, Franck Salin multipliant les allées et venues, proposait au public le spectacle scénique Transbords sur l’histoire des esclaves et de leurs descendants où comédiens, chorégraphes et créateurs graphiques exprimaient la plénitude de leur talent.
De nombreux stands, les panneaux du « Memorial » des noms, une file d’attente devant l’AGHFA atelier de Généalogie et d’histoire des Familles Antillaises à la disposition de ceux désirant connaitre l’origine de leur nom. Serge Romana lui, sollicité de toutes parts répondait pour la énième fois aux interrogations des journalistes sur les objectifs de la manifestation.
A 18 h, les officiels pouvaient monter sur scène. Anne Hidalgo, maire de Paris, la ministre des Outre-mer et Jean-Paul Huchon, président du Conseil régional d’Ile de France se succédaient. En mémoire de 17 victimes des attentats de janvier, une minute de silence respectée. Jean Paul Huchon indiquait trouver indispensable de pérenniser cette commémoration des victimes de l’esclavage colonial.
Place de la République réconciliée, Jocelyne Béroard la marraine du CM98, Jacob Desvarieux, Tanya Saint-Val, Fred Deshayes, Victor O, Swé, Pascal Kondo, Wesley Seme, D de Kabal, Somnanbil, Djor chauffaient les spectateurs. Puis le mythique groupe haïtien Tabou Combo provoquait une véritable émeute, un de leur morceau de circonstance : Ba yo limiè pou yo pé vwè sé pou yo on esclavaj. Les organisateurs ne pouvaient s’empêcher de danser dans un coin de la scène… Restait la question de l’estimation de la foule.
Serge Romana espérait 20 000 présences. Le public lui a donné raison : plus de 30 000 sautaient aux ordres de Shoubou sans compter les passants de l’après-midi donnant un chiffre proche des célèbres 40 000 de la marche de 1998. Les deux têtes du Comité, Serge et Emmanuel satisfaits, de tous les combats depuis 17 ans, pouvaient ensemble déclarer : « Limyè ba yo, sé fos pou nou » et inviter les spectateurs à réserver d’ores et déjà leur 23 mai 2016 pour une nouvelle célébration. Une bien longue journée pour le descendant d’Adélaïde matricule 1513 et de Juliette 5223 nommée le 14 septembre 1848 Romana.
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