La MARTINIQUE N’EST PLUS UN PAYS MAIS L’AUTONOMIE SERAIT UNE AVENTURE DANGEREUSE !
» La Martinique d’aujourd’hui n’est plus un pays. Elle est devenue un lieu d’échanges. Et ce système use les Martiniquais, les rend de plus en plus dépendants économiquement et psychiquement. Jusqu’au jour où il sera trop tard, où nous n’aurons plus aucun recours et où la Martinique disparaîtra en tant que collectivité. Ce n’est pas une hypothèse absurde. Il est probable qu’à Hawaï avec les Américains, c’est quelque chose comme ça qui s’est passé.
Il n’y a qu’à ouvrir la télévision en Martinique pour se mettre à crier de rage et d’impuissance. Il n’y a pas un raté. Tout marche impeccablement, et cela va inexorablement vers le néant du peuple martiniquais.
Je pense d’autre part que le système d’autonomie est économiquement et culturellement peu viable. Economiquement parce qu’il me semble que les déficits de la balance commerciale ne sont plus à la responsabilité de la Métropole, et que d’autre part les Martiniquais n’auraient pas dans un tel système les pouvoirs policiers, militaires, économiques, nécessaires pour faire cesser la rapine.
Avec l’autonomie, on retomberait dans le système d’irresponsabilité collective et globale qui caractérise l’état actuel des choses. Loin d’être une sorte de pas vers l’indépendance, l’autonomie peut être une forme de dilution de la collectivité martiniquaise, et nous risquons d’y laisser beaucoup de plumes…
Les régimes macoutistes naissent de l’impossibilité de résoudre les problèmes économiques… Ce sont les habitudes qu’il faut changer : il faut planter, avoir un plan de culture, créer un marché intérieur, rompre les chaînes de distribution anarchiques et de profit qui existent actuellement, abandonner les projets mirifiques de pseudo-industrialisation, faire en sorte que les lois sociales soient liées à une politique du travail, et non pas appliquées artificiellement à une réalité à laquelle souvent elles ne correspondent pas.
Ce n’est pas seulement un problème économique, mais aussi un problème culturel. La recherche de notre identité ne peut se développer en l’air, simplement parce que des intellectuels en parlent. Elle progressera si quelque chose se passe dans le pays, si les jeunes travaillent et savent ce qu’ils font, si les gens qui produisent ont une théorie de leur production.
C’est pour toutes ces raisons que je considère l’autonomie comme une aventure dangereuse ».
Ces extraits d’Edouard GLISSANT dans Les Antilles dans l’impasse Editions L’Harmattan, 1981, sont soumis à la sagacité de nos lecteurs. Le mot autonomie a beaucoup de succès chez nos politiques actuels.
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