Emmanuelle SOUNDJATA : l’art du Maré Tèt, un combat féminin sous l’esclavage
Originaire de la Martinique, Emmanuelle Soundjata, née en 1983, est Styliste et Créatrice. Fondatrice du Mouvement et du Concept ATELIER MARE TET, marque déposée à l’INPI depuis 2010, elle revisite avec passion le « Maré Tèt » pour le plus grand bonheur des femmes martiniquaises. Distinguée au Caribbwiin 2022 par un « award », il s’agit d’une véritable reconnaissance pour celle qui a plaqué ses études de droit à Paris pour se lancer dans cette aventure afin de « mettre en avant le port de tête et l’élégance créole ».
97L : Quelle est la généalogie de votre pseudonyme Soundjata ?
Pour la petite histoire, c’est de manière inopinée que j’ai découvert ce prénom qui à mon sens m’a choisi. J’ai appris qu’il s’agissait de l’un des plus grands empereurs de l’Empire du Mali qui est parvenu à protéger son Empire afin de sauvegarder sa souveraineté. Cette histoire a fait résonance en moi.
97L : Présentez-nous la plateforme CaribbWiin 2022 ?
La plate-forme de Caribbwiin est une remise du prix de reconnaissance spéciale initiée par l’organisation au nom du Global Women Inventors & Innovators Network (GlobalWIIN) et de la fondatrice et chef de la direction, Bola Olabisi FRSA, c’est avec grand plaisir qu’ils m’ont présenté le CaribbWIIN 2022.
Il s’agit d’une excellente initiative pour promouvoir et mettre l’accent sur les femmes ingénieuses d’esprit faisant impact dans les Caraïbes (Je reprends les termes de leur discours). je cite « Conscients de votre réussite exceptionnelle avec « MARÉ TÈT » et de la contribution que vous apportez à la région des Caraïbes et des perspectives réelles d’expansion au-delà des horizons. » CaribbWIIN 2022 est le tout premier véhicule à mettre l’accent sur les ingénieuses inventeuses et innovatrices des Caraïbes dans le cadre de notre réseau mondial. Cette occasion comprend l’hommage à « 100 femmes novatrices qui font la grandeur des Caraïbes ! »
Le lancement de CaribbWIIN était prévu à Antigua & Barbuda les 18 et 19 mai 2022. Ils m’ont ont informé que j’avais été sélectionnée comme l’une des femmes » étonnantes et innovantes à célébrer et à recevoir un prix de reconnaissance spéciale».
97L : Quelles sont les coiffes distinguées par l’Award ?
Ce qui m’a distingué des autres candidates c’est d’avoir découvert et médiatisé la genèse du Maré tèt, alors que celle ci était méconnue du plus grand nombre. Ensuite l’ensemble de mes travaux de valorisation que j’ai mené sur plusieurs années concernant le Stylisme dans l’Art du Maré tèt au travers les séances photos et la mise en place du Concept Atelier Maré tèt ont permis d’ancrer la démarche de réappropriation identitaire à travers la transmission d’une pratique obsolète remise au goût du jour maintenant, devenu un indispensable du dressing féminin.
Autrement dit la sélection, s’est faite sur l’ensemble de la démarche apparaissant comme contribuant à la grandeur de la Caraïbe. Le Maré tèt qui jusqu’alors n’avait aucune reconnaissance culturelle réelle officielle, aujourd’hui est devenu officiellement un emblème du bassin caribéen, grâce à ce prix.
97L : Qu’avez-vous appris des échanges avec ce groupement de femmes anglophones ?
Mon voyage à Antigua a duré 24h, je n’ai pu m’y rendre que pour la cérémonie de remise de prix. Étant, la seule francophone, j’avais dû mal à communiquer avec les autres femmes. Ceci étant, j’ai constaté qu’il y a un génie caribéen féminin, qui contribue activement à l’évolution de la Caraïbe.
97L : Comment expliquer la continuité du concept de valorisation des tissus et le style éco-designer ?
Le concept Maré tèt faisant écho au concept de la Mondialité créée par Édouard Glissant. Impliquant Le retour, la mise en valeur et la préservation d’une pratique traditionnelle qui est liée à l’histoire commune du bassin caribéen en y alliant la modernité à favorisé son rayonnement dans la Caraïbe. Par ailleurs, le concept Atelier Maré tèt est l’une des rares activités d’intérêt culturel lié uniquement aux femmes émergeant dont l’origine historique est lié à un combat féminin à l’époque de l’esclavage dont le but était de défier l’ordre Établie.
97L : Quelle importance donnez-vous dans l’approche du Maré tèt dans les ateliers et les conférences pour l’Afrique et le Japon ?
Beaucoup de civilisations ont montré des femmes et des hommes à la tête couverte de tissu pour des raisons religieuses ou esthétiques. En Caraïbes contrairement à l’Afrique et au Japon » le MaréTét » s’inscrit dans la mémoire de l’esclavage.
97L: En Guyane, quelle est la différence du Maré tèt pour les amérindiens, les Bushinengues, les créoles et les créoles des Antilles ?
Certainement il y a une différence de culture et d’histoire dans l’Art de l’attaché du foulard entre ces trois communautés. Pour ce qui est des créoles des Antilles, celui ci a connu une véritable évolution au fil du temps.
L’Art du foulard nommé autrefois le tignon apparu en 1785 en Louisiane (à l’époque colonie française) suite à une loi du même nom qui imposait aux femmes Libres de Couleur de se couvrir les cheveux dans le but de s’abstenir de porter une attention particulière à leur beauté. Cette loi discriminatoire les oblige à se couvrir les cheveux vers le bas. Afin de défier l’ordre établi elles décidèrent de s attacher les cheveux vers le haut, c’est ainsi qu’on a vu apparaître la bamboche par exemple.
Le Maré tèt est à différencier de la coiffe créole. La coiffe créole s’apparente davantage à un chapeau car il se pose sur la tête et est indissociable de la robe créole. La coiffe créole a donné lieu à un véritable langage permettant de renseigner la situation sociale et disponibilité sentimentale de la femme qui portait la coiffe. Pour ce qui est des Bushinengues la culture et l’histoire trouvent leurs origines directement dans les inspirations africaines, puisque ce sont de africains qui ont été déportés au Suriname. L’Art du foulard est souvent associé à des rituels en fonctions des différentes occasions, cérémonies qui rythment la vie quotidienne.
Chaque tissu était confectionné avec des motifs et broderies particulières en fonction des événements. Enfin, l’Art du foulard pour les Amérindiens tout comme pour les Bushinengues, est un art précieux, chaque motif inscrit chaque couleur représentait un symbole en lien avec leur spiritualité. Le tissu a une très grande valeur, sa confection est très longue c’est une véritable richesse et l’art, souvent transmis de mère en fille. L’étoffe permet également de marquer la classe sociale.
97L : Faites vous des ateliers pour les femmes subissant des chimiothérapies ?
Oui je propose des Atelier Maré tèt pour les associations telles que Ligue contre le cancer ou l’association MA Tété tout au long de l’année. Par ailleurs les femmes qui ne souhaitent pas participer à des ateliers en groupe, je leur propose des ateliers individuels dans ma boutique-atelier .
97L : Pensez-vous faire un livre suite à vos 12 années de création et d’échanges ?
Oui j’aimerai bien pouvoir réaliser ce projet, d’ ici quelques années….Quand le moment sera venu je prendrai le temps de le concrétiser.
Je suis une artiste engagée dans le travail qui consiste à faire grandir l’estime de soi. Permettre aux femmes et aux hommes d’adopter une vision d’eux mêmes mêlant leur personnalité à un aspect de notre identité caribéenne. Mon travail est de proposer un autre paradigme qui soit puisse être en adéquation avec notre réalité.
97L : Vos projets ?
Prochainement, je vais figurer dans le Magazine TOP PERSON. Je suis également conviée à un gala qui aura lieu aux États-Unis.
Propos recueillis par Wanda NICOT
https://www.facebook.com/AtelierMareTet
Emmanuelle Soundjata Fondatrice & Responsable du CONCEPT ATELIER MARE TET
113 rue Blenac – Fort de France
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