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Du bûcher des vanités

Les travaux en cours d’achèvement du MEMORIAL ACTe

Dans mon précédent article, je vous avais promis en toute modestie, de vous donner certaines clefs pour comprendre l’évolution effarante de notre territoire. L’île de la Guadeloupe n’est plus qu’un gigantesque continuum de centres marchands hypertrophiés et de zones commerciales hideuses.

Pourtant nos responsables ne cessent de caqueter: «nous mettons en place les équipements stucturants ( sic), nous forgeons les outils du développement économique…»

Quel développement pour quelle économie ?

Chacun peut constater  comme l’ont écrit David Harvey ( 1 ) et Josep RAFANELL I 0RA ( 2), que l’ économie moderne détruit des lieux (pour nous en Guadeloupe particulièrement symboliques et à forte identité patrimoniale), au profit de nouvelles configurations spatiales uniformisées de production ,de consommation et de circulation…

Les spatialisations fixes du capital en tant que nœuds des flux économiques et financiers se traduisent par de gigantesques infrastructures pour le stockage des marchandises, (bétonnage de la rivière de La Lézarde à Petit-Bourg, zone commerciale de Jarry), le transport des humains (parking surdimensionné de la ville du Gosier), l’installation des gestions de technologie et de contrôle, la mise en place des vitrines de la consommation et l’exposition envahissante de la publicité.

Il s’agit d’opérer un surcodage de l’espace, rendant indistinct l’espace urbain de « la campagne » dans une même étendue structurée au service non seulement des échanges marchands et de l’entretien de la main-d’oeuvre (consommation d’objets, mise en place d’équipements collectifs et de formes d’habitat adéquates à la connexion de l’ensemble) mais aussi de loisirs.

Oui, même nos sorties sportives et culturelles ont déjà été soigneusement planifiées pour que nous quittions les zones «de production » et de consommation avant de nous engouffrer dans nos véhicules et de fondre sur le vélodrome ou le nouveau Palais des Sports situés à la jonction des voies expresses en direction de Baie-Mahault et du Gosier.

Osons aller plus loin! Le MEMORIAL ACTe, musée dédié à l’esclavage et singulière projection de béton elle aussi surdimensionnée à l’entrée de la rade de Pointe-à-Pitre sera inauguré par le Président de la République, François Hollande. Nos intellectuels et nos hommes politiques en font des gorges chaudes.

Nul ne paraît s’interroger sur ce vaisseau de pierre qui est un défi supplémentaire pour un développement durable en Guadeloupe.

Si nous voulions en toute honnêteté ériger un lieu de mémoire pour cet effroyable crime contre l’humanité, nous aurions construit ce MEMORIAL ACTe, en Haïti, premier pays à s’être libéré des chaînes de l’esclavage (et d’une superficie de 27 750 km2 plus adaptée aux caractéristiques de l’ouvrage) donnant ainsi l’exemple d’une coopération régionale culturelle qui aurait fait honneur à la Guadeloupe.

Avec quel orgueil, nous aurions pu nous adresser aux Haïtiens, en leur disant : Ce don de la Guadeloupe à votre pays est et restera notre plus grande fierté !

Nous sommes un petit pays, et nous prétendons pouvoir en imposer au reste de la planète.

Dans le Monde du jeudi 8 décembre 2011, Emmanuelle Lequeux nous faisait visiter une exposition «  Pour un art pauvre », au Carré d’Art de Nîmes.

L’art comme signe extérieur de… pauvreté ? Plus d’un artiste aujourd’hui revendique aujourd’hui cette posture, privilégiant les matières négligées, les productions low tech, voire la disparition… Produire juste, et non grand et gros, soustraire au monde parfois plutôt qu’en rajouter dans la débauche des moyens, concluait-elle.. Sauf en Guadeloupe ou à Dubaï ?

Le sociologue Michel Crozier a intitulé un de ses ouvrages : Etat moderne, Etat modeste.

Oui, la Guadeloupe deviendra moderne quand elle sera modeste.

Cependant, je sais que tous les concepteurs et artisans du Memorial ACTe ont travaillé avec ardeur et passion. Terminons ces quelques lignes en nous tournant vers eux et disons leur comme Gibran dans le Prophète, «Que les bienheureux défunts se tiennent autour de vous et veillent».

SILENCE ! RESPECT POU YO !

1- David HARVEY, Géographie de la domination, Les prairies ordinaires, 2008

2- Josep RAFANELL I 0RA ( 2),article VOL DE TERRE dans le Sarkophage n° 25

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Théo LESCRUTATEUR

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