Claudy Siar : Dois-je jouer les lâches ?
Un dimanche après-midi à Issy les Moulineaux. Au 7ème étage d’un immeuble, la station Tropiques FM. Tout est calme. Juste à côté de l’escalier de service, nous découvrons Claudy Siar. Un Claudy fatigué, amaigri par 6 jours de grève de la faim mais lucide. Au fur et à mesure de l’entretien, sa voix au début faible devient plus assurée.
Explique nous le pourquoi de cette grève.
C’est un conflit qui dure depuis quelque temps : à mon retour de la délégation interministérielle, je n’avais plus ma place au sein de la radio et j’ai constaté une dérive de la ligne éditoriale de Tropiques FM. Face à la situation déjà explosive, les politiques s’en sont émus. Le CSA a publié un communiqué rappelant les tenants et aboutissants de cette affaire et proposant une conciliation. J’ai répondu immédiatement oui car mon acte est un appel au dialogue afin de trouver des solutions au conflit. La seule violence que j’exprime, je la retourne contre moi. Aucune réponse de la partie adverse.
Il y a des personnalités qui se sont exprimées : Florent Malouda, Yousoufa, j’ai eu les larmes aux yeux en voyant l’image exceptionnelle du concert d’Admiral T, mais aussi desauditeurs qui sont venus me voir. Les gens sont en empathie mais comprennent le combat. Certains ont laissé croire que je me battais pour une gérance. Ce n’est pas du tout ça. Je ne suis pas le gamin capricieux qui tape des pieds pour son jouet. C’est une radio communautaire. Aujourd’hui nous sommes le 10 mai il y a une double actualité. C’est la journée de commémoration de l’esclavage et l’inauguration du Memorial ACTe. Sur la radio dont les auditeurs sont en grande majorité des descendants d’esclaves, il n’y a rien de prévu, la radio fonctionne en automatique et passe de la musique. Notre mission est d’en parler, de faire des émissions communautaires et pas tenter d’entretenir le cliché du divertissement à outrance sur nous…
S’il n’y a pas de conciliation, ne penses-tu pas que l’on va perdre la fréquence ?
Il faut que chacun comprenne quelque chose. Si on est dans une affaire de propriété ce qui pourrait être mon cas ou celui de Patrick Lemure mon associé avec qui j’ai commencé l’aventure, (Stephane Mouangué lui en a fait son bien et une affaire de famille), on ne peut pas se targuer d’être quelqu’un d’engagé pour la communauté. Imaginons que le CSA trouve qu’il y a trop de conflits et fasse un nouvel appel à candidature. Pour moi, ce serait une victoire. Le CSA choisira un projet porté par les gens d’Outre-Mer. Je sais que les gens qui seront nommés feront une radio en respectant un cahier des charges apporté par eux et validé par le CSA. Le 92.6 resterait la fréquence de la communauté.
La radio c’est FUN RADIO TROPICAL. Parler maintenant, c’est anxiogène : Surtout ne rien dire et passer de la musique.
Est-ce que tu ne paies pas le fait d’être devenu délégué interministériel à l’Outre-Mer ?
Non, ça ne sert à rien de polémiquer. Peut-être que si j’avais écouté mon entourage qui me déconseillait de m’associer avec Stéphane Mouangué, si j’avais écouté le CSA qui en février 2007 me dit : « vous avez quelqu’un dans votre entourage de nuisible »… Mais je suis quelqu’un de loyal je me suis porté garant pour lui. Quant à la délégation, je ne regrette rien. J’y suis resté un temps très court. J’avais annoncé mon départ pour reprendre mes activités radiophoniques. Et notez que j’ai annoncé mon départ le 27 juillet 2012, j’ai été dénommé en conseil des ministres en octobre 2012 et j’ai du y expédier les affaires courantes. Donc on ne peut parler de chasse aux sorcières.
Ne penses-tu pas ton combat d’arrière-garde avec France Ô et les nouveaux médias ?
En ce qui concerne France Ô tout le monde est au courant de la polémique. Beaucoup voudraient quelle redevienne une chaine d’outremer. L’Outremer est présent à travers les journaux des régions, les visages mais c’est une chaine de la diversité. D’autres télés existent mais soyons honnêtes. Quel est le média ultramarin qui a le plus de visibilité, le plus d’audience ? C’est Tropiques FM.
Est-ce qu’on va perdre notre fleuron parce quelqu’un d’indélicat ne s’investit pas et ne veut pas comprendre notre essence ? Dois-je jouer les lâches et vivre avec ça ?
Mener l’action que je mène c’est effectivement mettre ma santé en danger, mais c’est le sacrifice que je consens pour les engagements qui sont les miens et ce que je crois qui est juste pour notre communauté. Notre communauté a besoin aujourd’hui d’hommes et de femmes qui se sacrifient pour elle.
COMMUNIQUE DU CSA
Interpellé par M. Claudy Siar au sujet de la grève de la faim qu’il a entamée dans les locaux de la radio locale à Paris Tropiques FM, le Conseil supérieur de l’audiovisuel rappelle qu’il s’est préoccupé dès l’été 2013 du conflit opposant MM. Siar et Lemure, actionnaires, à M. Mouangué, également actionnaire et Mme Rousseau, gérante. Lors des échanges avec les représentants de la radio organisés par le Comité territorial de l’audiovisuel de Paris à l’occasion d’une visite sur place et d’auditions, de rendez-vous avec le conseiller Patrice Gélinet puis avec le Président Olivier Schrameck au sein d’une délégation du CREFOM, d’entretiens téléphoniques avec ceux-ci, il a été rappelé que le Conseil ne pouvait, en vertu de la loi, intervenir dans la résolution de conflits relatifs à l’organisation et à la gestion interne de la société.
En revanche, il a été souligné que, dans l’exercice de ses missions, le Conseil veille au respect des engagements pris en matière de programmes et de conditions techniques d’autorisation. Sans relever de manquement de nature à remettre en cause les données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, il a mis en garde la station le 4 février 2015, en raison d’une durée insuffisante des informations et rubriques locales.
Attaché au développement de cette radio et à son apport à l’expression de la culture ultramarine, le Conseil maintient avec une attention particulière le contrôle du respect des engagements de la station.
Le Comité territorial de Paris du CSA reste prêt, comme il l’a toujours été, à exercer une mission de conciliation, avec l’accord des parties.
LIBRES PROPOS
Claudy Siar, Stéphane Mouangué. A qui appartient la radio Tropiques F M ?
Si un homme en l’occurrence Claudy Siar, va jusqu’à faire une grève de la faim pour défendre une cause qu’il croit juste, c’est qu’il a de bonnes raisons d’adopter cette posture. Car qui peut mettre sa vie en danger s’il sait qu’il n’est pas dans son bon droit. Une grève de la faim n’est pas une partie de plaisir ni une façon de braquer les projecteurs sur sa personne pour se faire plaindre, en espérant au bout du compte qu’un regain de notoriété viendra saluer cette initiative. Non, une grève de la faim c’est sérieux et pas sans conséquence sur l’état de santé de celui qui la mène, tant le corps n’est pas habitué à ne pas s’alimenter pendant de longues semaines. Nous sommes donc face à une affaire sérieuse qui mérite une analyse profonde pour tenter de démêler l’écheveau.
Tout le monde connait en partie le conflit qui oppose Claudy Siar à son associé Stéphane Mouangué, en partie seulement, car lorsque le premier hurle : TFM c’est ma radio, l’autre répond en écho: c’est plutôt la mienne et on ne comprend plus rien. Et c’est là justement que le bat blesse, car qui croire ?
Claudy Siar pour les raisons que l’on connait quitte la direction de la radio. Nommé Délégué interministériel, il ne cumule pas les deux postes et demande à faire un break radiophonique, le temps d’accomplir sa mission, avec la promesse de reprendre ses fonctions à la radio, à la fin de son mandat. Oui mais voila, rien ne va se passer comme il l’espérait. Revenu de sa charge interministérielle, il apprend que durant son absence, les choses ont évolué et que son poste est dorénavant occupé par l’épouse de Stéphane Mouangué. Il ne s’agit pas d’une plaisanterie et malgré l’étonnement de Claudy Siar, son associé ne reviendra pas sur sa décision. L’entente cordiale est donc rompue, entre les associés-amis. La justice tente d’arbitrer le conflit qui oppose les deux hommes, sans résultat. Le conflit s’envenime, entraînant une situation de non-retour qui aujourd’hui se solde par une grève de la faim de Claudy Siar afin de manifester contre la conduite inqualifiable de son ami-ennemi.
Malgré une décision de justice qui semble conforter Stéphane Mouangué dans son rôle de propriétaire de la radio, Claudy se sent spolié de ce qu’il considère comme une propriété intellectuelle qu’il avait mise au service des ultramarins. La radio selon Siar a pris une autre orientation, beaucoup plus commerciale que celle du cahier des charges du début où les valeurs qu’il avait cru pouvoir défendre n’ont plus droit de cité. Cela était trop pour l’ex Délégué interministériel, qui se sentant orphelin de ce qu’il avait créé veut aller aujourd’hui jusqu’au bout pour faire entendre sa voix. Alors, dans cette affaire, qui a tort, qui a raison ? Chacun restant sur sa position, y voir clair parait de plus en plus difficile. Notre devoir est d’attirer l’attention de nos lecteurs sur une situation complexe où l’entêtement d’un homme et la détermination d’un autre risque de devenir un dramatique fait-divers dans les semaines venir. Hugo Fran
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