CHRISTINE ARRON : On m’a volé beaucoup de médailles
5e meilleure performeuse mondiale de tous les temps Christine Arron assure ne pas avoir eu la carrière qu’elle méritait dans les colonnes de la Provence.
Championne d’Europe et du monde et médaillée de bronze aux JO 2004 sur 4x100m, Arron née en septembre 1973 aux Abymes, a le sentiment d’avoir été flouée. « Muriel Hurtis a récupéré sur tapis une médaille aux Mondiaux de Paris. Moi, je n’ai jamais eu cette chance. J’ai fait 6 finales mondiales et quand on regarde toutes les filles qui m’ont devancé, elles ont été mêlées à des affaires de dopage. J’aurais dû me retrouver plus souvent sur le podium, or je n’ai eu qu’une médaille.
J’ai été critiquée durant toute ma carrière, on a dit que j’avais des lacunes psychologiques dans les grands championnats, mais j’étais une acharnée du travail. Mon obsession était de pouvoir courir plus vite que ces filles-là, et sans dopage…
On m’a volé beaucoup. On s’écrase et il faut vivre avec… Je pensais toujours m’améliorer proprement, c’est ça qui m’a poussé à courir, toujours et encore.
Et puis, les années passent, on se rend compte qu’on plafonne. Je n’ai jamais eu de sérénité. Mes performances n’ont pas été reconnues à leur juste valeur »
Ses adversaires ? « Ce qui m’a conforté dans l’idée que le dopage était bien présent, c’est quand je voyais des filles courir en moins de 11 secondes en avril et réussir leur meilleure performance en septembre, alors que tout le monde est fatigué à cette période-là… Pourtant en 2005, lors de ma meilleure saison, j’ai enchaîné les courses et à la fin, j’étais crevée…
Le dopage a un temps d’avance sur les contrôles… L’enjeu majeur n’est plus le sport, mais l’argent. Et l’argent pourrit tout. D’une manière générale, le système pousse les athlètes à se doper. On est dans le sport-spectacle, il faut toujours être au top. En athlé, il faut sans cesse battre un record, établir la meilleure performance mondiale. On demande toujours plus… Il y a plusieurs facettes du dopage. En Russie, c’est culturel. Aux États-Unis, il y a aussi une certaine culture : des jeunes sont prêts à se doper pour sortir du lot, être connu. Mais ils se moquent de savoir s’ils peuvent avoir des soucis de santé ou un cancer ultérieurement. Pour eux, « plus tard », c’est trop loin… C’est très vicieux »…
A propos de sanctions éventuelles, elle demande une harmonisation des règles. « Moi, j’ai fait avec, je voyais bien que j’étais lésée. À l’époque, je savais des choses, mais je me disais : « Je suis athlète et pas gendarme ». Je n’ai rien pu y faire, j’ai juste subi et eu les boules. Je n’ai jamais été à ma place. Je n’ai pas eu beaucoup de médailles, en tout cas beaucoup moins que ce que j’aurais dû avoir. Et tout ce qui va avec : les retombées financières, les primes, les contrats. À l’époque, mon 10″73 était la 3e meilleure performance mondiale, mais quand on voit qui me devance… J’aurais peut-être dû avoir le record du monde. Ça aurait changé ma vie »
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Christine Aaron : une athlète hors du commun, éblouissante. Une déesse de la piste, unique. Que de moments de joie, d’émotions elle nous a donnés. La suprématie des athlètes américains dopés fait du tort à tous ces athlètes méritants et battants. Je pense aussi à ce formidable athlète Frank Fredericks, éternel second,, qui aurait probablement dû être l’athlète le plus récompensé de sa génération.