Autant en emporte Hattie
A l’heure oú la plate-forme de streaming HBO Max, prévoit de proposer en amont une contextualisation du film « Autant en emporte le vent », notre modeste contribution centrée sur la vie d’Hattie McDaniel, née un 10 juin, connue pour son rôle de Mammy.
Oscar de la meilleure actrice pour un second rôle, première afro-américaine à être honorée par Hollywood, les années qui ont précédé et suivi ce film ont été une lutte contre la pauvreté et la discrimination imposée par la société américaine.
Il vaut mieux gagner 7 000 $ par semaine pour jouer un domestique que 7 $ pour en être un.
Son histoire débute à l’époque de l’esclavage et ses deux parents Henry et Susan, qui n’échappent à la servitude qu’avec la guerre de Secession, son père devenu soldat dans l’armée de l’Union.
Hattie McDaniel nait à Wichita, au Kansas, héritant de la belle voix de sa mère, treizième enfant d’une famille qui déménage à Denver juste avant le début du siècle, vivant dans une terrible pauvreté. Chanteuse dans des chorales d’église, c’est son frère aîné, Otis, qui lui fait découvrir le monde de la scène.
Mordue de show-business, jeune adolescente satirique, elle parodie les rôles que plus tard elle sera forcée de jouer à Hollywood. Elle connaît un certain succès en tant qu’artiste de blues. Dans le Wisconsin à la fin des années 20, McDaniel travaille comme préposée aux toilettes au club de Sam Pick à Milwaukee. Bien que le club n’engage que des artistes blancs, certains des clients ont pris conscience de ses talents vocaux et encouragent le propriétaire à faire une exception. McDaniel y jouera pendant plus d’un an.
En 1931, Hattie s’installe à Hollywood. Elle fait ses débuts dans The Golden West en 1932 et apparaît dans plus de 60 films au cours des dix-sept années suivantes. Pourtant, elle doit compléter ses rôles à l’écran avec un travail à la radio.
M. Watts, auteur du livre « Hattie McDaniel : Black Ambition, White Hollywood » explique son talent. « On peut apprécier son style unique comparé aux autres actrices noires de l’époque. Elle a pris chaque rôle et l’a fait sien. On ressent une colère et une exaspération pour les gens qu’elle sert, et je pense que c’est là que la convergence entre l’ancienne comédienne satirique et la chanteuse de blues. Vous obtenez cette présence très audacieuse à l’écran, c’est ce qui la rend si unique. Nous la voyons jouer des rôles ingrats, mais elle essaie aussi de se rebeller contre eux ».
Sa performance la plus célèbre reste dans « Autant en emporte le vent », vers la fin du film et ses pleurs lors de son récit de la tragédie des Butller.
Quand j’étais petite, ma mère m’a appris à utiliser une fourchette et un couteau. Le problème, c’est qu’elle a oublié de m’apprendre comment cesser de les utiliser !
« David O. Selznick, le producteur du film n’a pas réalisé à quel point sa performance était forte jusqu’à ce qu’il fasse le montage » nous apprend M. Watts. « Il a ete alors convaincu que c’était le point culminant émotionnel du film. Et cela, en partie, l’a finalement conduit à la nommer aux Oscars. Vous la voyez non seulement jouer son personnage mais insuffler une qualité dramatique qu’elle n’avait pas été autorisée à jouer jusque-là. Aussi limité, encore une fois, que ce rôle soit, il devenait important ».
Ironie de l’histoire : elle n’a pas été autorisée à assister à la soirée d’ouverture à Atlanta.
« Selznick espérait la faire participer avec les autres afro-américains à la première à Atlanta, mais les dirigeants de la ville ont imposé la ségrégation Jim Crow. Ils sont allés plus loin en supprimant sa photo du programme. Dans le reste du pays, sa photo y est. A Los Angeles, elle a assisté à la première. Mais dans le Sud, il lui était interdit de venir ».
Hattie McDaniel a rempli ses rôles de femme de chambre dont la connaissance de la nature humaine est plus étendue que les bourgeois qui l’emploient, avec énergie, utilisant sa silhouette massive, son visage mobile et sa voix riche pour transformer la servante docile en une critique consciente de ses maîtres.
Discours pour son Oscar « Membres de l’Académie du cinéma, des arts et des sciences, de l’industrie du cinéma et chers invités : c’est l’un des plus beaux moments de ma vie et je veux remercier chacun de ceux qui ont pris part à ma sélection pour l’une de ces récompenses, et pour votre gentillesse. Cela m’a rendue très, très humble. Je le verrai toujours comme un phare m’éclairant dans tout ce que je serai à même d’entreprendre dans l’avenir.
J’espère sincèrement rester à jamais un symbole pour ma communauté et l’industrie cinématographique. Mon cœur est trop plein pour vous décrire mes sentiments, et je vous dirai simplement : merci et que Dieu vous bénisse ».
Contrairement à ce que l’on imagine, cet oscar n’a pas permis à Hattie McDaniel d’être reconnue par tous les noirs américains. Certains se sont détournés d’elle parce qu’elle continuait de jouer des rôles stéréotypés. Mais avait-elle le choix ?
M. Watts poursuit : « Au cours des années 30 les frustrations s’accumulent au sein de la communauté afro-américaine. L’argument avancé est que ces rôles contribuent à l’oppression. Les interprètes noirs, eux, répondent : si nous ne jouons pas, nous disparaîtrons de l’écran, ou ils utiliseront des acteurs blancs grimés en noir, ce qu’Hollywood a fait. Et ils ont également fait valoir qu’ils étaient des pionniers.
Si nous revenions à cette époque et examinions la discrimination à laquelle étaient confrontés ces artistes, nous pourrions mieux les comprendre. Ils ne pouvaient pas manger dans les bar-restaurants comme les autres acteurs, ou à la rigueur autorisés au comptoir. Ils n’avaient pas le même salaire, pas d’assistants de garde-robe, pas de vestiaires ».
Après la Seconde Guerre, il n’y a plus de rôles pour une femme noire dans un registre comique et la carrière de McDaniel vacille. Elle préside la section noire du Hollywood Victory Committee et collecte de fonds pour l’éducation des jeunes Noirs. Hattie McDaniel décède en octobre 1952 au Motion Picture Home and Hospital de Los Angeles. Elle laissera comme héritage 1 $ à son troisième mari, Larry C. Williams.
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