« Au-delà d’une simple expression créole, c’est ici un vrai cri du cœur… »
Des extraits de la proposition du député réunionnais Frédéric Maillot pour intégrer les langues régionales dans les troncs communs des programmes scolaires.
MESDAMES, MESSIEURS,
Au-delà d’une simple expression créole, c’est ici un vrai cri du cœur qui traduit une demande d’égalité à la fois ancienne et actuelle.
Dès 1999, le gouvernement en fonction recevait le rapport du professeur Bernard CERQUIGLINI, soulignant la réalité de l’existence de plus 75 langues régionales qui traduisent autant de réalités sociolinguistiques sur les territoires métropolitain et ultramarin.
Plus récemment, une étude menée par l’INED de 2002 montre que les français vivant en métropole parlant une langue régionale seraient plus de 5 millions auxquels il faut ajouter 2,7 millions de français ultramarins.
Il est donc ici question d’une thématique nationale, qui concerne quasiment huit millions de français, que ceux-ci parlent, entre autres, l’Alsacien, la langue d’Oc, le Basque, le Breton, le Corse ou l’un des divers créoles. Pour autant, ces langues ne sont aujourd’hui que des options dans les programmes scolaires actuels dans les territoires où elles sont parlées.
… Cette proposition de loi a pour seul but de valoriser et protéger la diversité de langues régionales qui, sur les territoires, complète l’utilisation du français.
(Elle) vise donc à conserver les langues régionales qui restent, encore plus aujourd’hui, des marqueurs d’identité profonds et ainsi, une composante du lien social.
Dans les territoires où elle est parlée, la langue régionale est la norme, le quotidien. Elle traduit une réalité sociale et fluctue au gré des générations. Il devient dès lors primordial de l’enseigner, au même titre que l’histoire, afin de comprendre les mécanismes qui ont conduit à sa structure actuelle.
En outre, son enseignement formel permettrait de sortir de la stigmatisation qui accompagnent bien trop souvent son usage : le créole, tant il paraît anecdotique devient la langue des moqueries, au profit parfois de la discrimination. L’étude littéraire lui donnerait toute sa légitimité.
Cette proposition de loi sera aussi une reconnaissance par la République française, d’un patrimoine propre à une partie non négligeable de sa population. Enseigner la langue régionale c’est dire à ceux qui la parlent qu’ils sont la diversité dans l’unité de la République…
Adopter cette proposition de loi c’est aussi contrer le communautarisme en ne faisant plus de ces langues un tabou, une pratique privée, réservée au huis-clos familial, mais bel et bien un facteur de cohésion sociale, qui s’apprend dès le plus jeune âge et avec fierté à l’école républicaine.
C’est encore lutter contre l’illettrisme et l’analphabétisation en usant des langues régionales comme tremplin vers l’apprentissage du français…
Par ailleurs, l’article 75-1 de la Constitution déclare que les langues régionales font partie du patrimoine de la France, et ce, même si l’article 2 de la même Constitution fait du français l’unique langue de la République.
Il revient donc à l’État de veiller à la conservation de son patrimoine et de l’entièreté de celui-ci… Le constat est clair nos langues régionales dépérissent, déclinent, c’est indéniable mais ce n’est pas une fatalité.
… Le travail mené par le député Paul MOLAC a conduit à l’adoption le 21 mai 2021de la loi qui généralise l’enseignement des langues régionales comme matière facultative… Il est désormais temps d’aller plus loin.
La présente proposition de loi vise à permettre la protection des langues régionales par leur enseignement imposé dans les territoires où elles sont en usage tout en mettant la France en conformité avec ses engagements internationaux.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article L. 312-10 du Code de l’éducation est désormais ainsi rédigé :
Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France conformément à l’article 75-1 de la Constitution, leur enseignement est obligatoire dans les régions où elles sont en usage.
Cet enseignement obligatoire est dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage.
Le Conseil supérieur de l’éducation est consulté, conformément aux attributions qui lui sont conférées à l’article L. 231-1, sur les moyens de favoriser l’étude des langues et cultures régionales dans les régions où ces langues sont en usage.
L’enseignement obligatoire de la langue et culture régionale est proposé dans l’une des deux formes suivantes :
1° Un enseignement de la langue et de la culture régionales ;
2° Un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale.
Les familles sont informées des différentes offres d’apprentissage des langues et cultures régionales
Article 2
L’article L. 312-11-2 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la collectivité de Corse, la Collectivité européenne d’Alsace ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but d’assurer l’enseignement de la langue régionale à tous les élèves. »
Proposition de loi visant à la protection des langues régionales en incluant leur apprentissage dans le tronc commun des programmes d’enseignement,
présentée par Mesdames et Messieurs
Frédéric MAILLOT, Jean-Victor CASTOR, Steve CHAILLOUX, Emeline K/BIDI, Tematai LE GAYIC, Karine LEBON, Jean-Paul LECOQ, Marcellin NADEAU, Mereana REID-ARBELOT, Davy RIMANE, Jean-Marc TELLIER, député-e-s.
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